Face à la crise de l’accueil migratoire en Europe, quel cap prône Emmanuel Macron ?
« Nous devons profondément refonder notre politique migratoire ». Présentant cet épineux dossier comme son « deuxième grand combat européen avec le climat », le chef de l’État a choisi d’afficher sa fermeté, jeudi25 avril, devant le parterre de journalistes rassemblés à l’Élysée pour écouter sa grande allocution. « Les frontières communes, Schengen, les accords de Dublin ne marchent plus », a-t-il martelé, en référence au règlement stipulant qu’un étranger doit déposer sa demande d’asile dans le pays par lequel il est entré dans l’UE.À lire aussiEmmanuel Macron : la méthode change, pas le cap
« Je crois très profondément dans un patriotisme ouvert, dans une France qui rayonne à l’international », a-t-il encore lancé. « Mais pour être ouvert il faut avoir des limites, (…) il faut des frontières et il faut qu’elles soient respectées ». Sans donnerdavantage de pistes concrètes, il a appelé à « refonder » Schengen, « quitte à ce que ce soit un Schengen avec moins d’États ».i Pourquoi lire La Croix ?+La Croix vous explique, avec lumière et clarté, le monde qui vous entoure, afin que vous puissiez bâtir votre opinion.
Relativement inattendue dans ce débat national, son annonce a laissé perplexes certains spécialistes européens. « C’est une rhétorique politique dont on ne voit, à ce stade, absolument pas le contenu », explique l’un d’eux. « On ne sait pas ce que cela recouvre, même si ce n’est pas la première fois qu’on l’entend, Nicolas Sarkozy en ayant notamment aussi fait un cheval de bataille ». Mais si l’idée n’est pas neuve, en effet, celle de réduire les États qui en sont membres (1) l’est en revanche un peu plus.
► Le président français est-il en mesure de porter ce chantier au niveau européen ?
« Cela a du sens qu’Emmanuel Macron essaye de porter cette impulsion, indispensable, au niveau européen. Il y a effectivement une menace sur Schengen, et il est impératif d’agir rapidement pour trouver une solution, au risque sinon d’un éclatement de l’Europe lors de la prochaine mandature », estime de son côtéPascal Brice (1), ancien directeur de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA).À lire aussiSchengen, un espace remis en question
Réaffirmant son attachement profond au droit d’asile, ce dernier estime que le seul moyen de remédier à la crise actuelle est d’exercer un réel contrôle aux frontières extérieures de l’espace Schengen, tout en faisant la démonstration d’une vraie solidarité des États membres, derrière, aux pays d’arrivées. « Il faudra pour cela réussir à les convaincre, surtout ceux aux frontières extérieures. Aujourd’hui, nous avons affaire à des partenaires, comme les Italiens, qui ne sont pas dans la recherche de solution, mais dans la confrontation », déplore-t-il.
Pour d’autres encore, la sortie en « cavalier seul » d’Emmanuel Macron sur le dossier est une forme, à peine déguisée, d’instrumentalisation électorale du dossier. « Le président sait bien que la maîtrise de l’immigration est l’une des attentes majeures des citoyens à l’occasion des Européennes. Les sondages le montrent. Mais comme il n’a pas de réponse technique à proposer avant le scrutin sur ce dossier de long terme, il déploie cet argumentaire fort », martèle cette autre source.
► Emmanuel Macron a eu des mots durs à l’égard de ceux qui ne veulent pas « répartir la charge » de la solidarité. Qui visait-il alors ?
En évoquant le scénario d’un Schengen réduit, le président a suggéré que les pays européens ne souhaitant pas se plier à une politique d’immigration et d’asile commune pourraient être exclus de la zone de libre circulation. Beaucoup voient ainsi, dans son collimateur, les quatre du Groupe de Visegrad, et plus particulièrement la Hongrie de Viktor Orban, qui s’était frontalement érigée contre les quotas de répartition des migrants, proposés par l’UE en 2015.À lire aussiUnion européenne : ce que veut le « groupe de Visegrad »
Mais en creusant l’argumentaire, le propos semble plus nébuleux. Qui s’agirait-il vraiment d’exclure ? Ceux qui se montreraient trop « généreux » dans le domaine, ou ces pays de l’Est qui prônent eux aussi un contrôle renforcé aux frontières mais refusent ensuite l’exigence de solidarité ? « Pour l’instant, le cap est très flou », souligne encore cette source. Et de conclure : « seul, Emmanuel Macron a peu de chance à faire bouger les lignes, mais avec un front de deux ou trois autres pays de la zone qui tomberaient d’accord pour harmoniser les procédures de contrôle aux frontières, de droits d’asile ou d’éventuels quotas, cela pourrait permettre de lancer une politique migratoire commune ».
Sources : la-croix.com