Selon plusieurs associations grecques, les demandeurs d’asile des camps en Grèce – sur les îles et sur le continent – ne reçoivent plus leurs allocations financières depuis le mois de mai 2024. Le ministère des Migrations reste mutique face à ce non-versement qui sanctionne les exilés, surtout dans leurs démarches administratives. Explications.
« C’est une situation qui place les demandeurs d’asile en situation d’otages ». Les mots de Lefteris Papagiannakis, directeur du Conseil grec pour les réfugiés, une ONG, sont forts. Depuis le mois de mai 2024, les demandeurs d’asile en Grèce ne touchent plus d’allocations. « Les aides financières ne sont tout simplement plus versées », affirme-t-il à InfoMigrants.
Une situation déjà pointée du doigt par l’association Legal Center Lesvos, le 17 septembre dans un communiqué. « Cette situation a eu des répercussions sur des milliers de personnes, y compris des familles et des personnes vulnérables », peut-on lire dans le document.
En Grèce, on compte aujourd’hui environ 60 000 demandeurs d’asile, selon les chiffres de la Commission européenne. L’écrasante majorité d’entre eux vivent dans les camps du pays. Si leur allocation mensuelle ne leur sert pas à payer un loyer – ils sont logés et nourris – elle sert en revanche pour poursuivre leurs démarches administratives. « La situation n’est pas catastrophique dans le sens où les migrants ne sont pas à la rue, ils ont un toit et reçoivent de la nourriture. Mais le problème reste grave : car cette allocation leur sert surtout pour leur frais de transport », explique Lefteris Papagiannakis. « Et c’est loin d’être anecdotique. Les camps en Grèce sont tous éloignés des zones urbaines », et donc des bureaux de l’administration. Un rendez-vous manqué peut conduire à un dossier de régularisation rejeté.
Une allocation « bouée de sauvetage »
En Grèce, peu de bus relient les camps, perdus dans les zones rurales ou en lointaine périphérie, aux villes. Les transports publics sont rares. « Les gens doivent se rendre à des rendez-vous administratifs. Ne pas leur verser leurs allocations peut donc avoir de graves conséquences pour leur avenir », poursuit Lefteris Papagiannakis. Ils ne peuvent plus se payer de taxis, de navettes. Cette aide financière est même « une bouée de sauvetage vitale », écrit Legal Lesvos center dans son communiqué.
Du côté du ministère grec des Migrations, c’est le silence radio. Malgré nos demandes, les autorités d’Athènes n’ont pas répondu à nos questions, notamment pour comprendre l’origine de cette panne. « Pourquoi ces fonds ne sont-ils pas versés à leurs bénéficiaires ? Est-ce un problème technique ou logistique ? »
« Le gouvernement ne communique pas »
« Je crois qu’il y a un problème de liquidités », avance prudemment le directeur du Conseil grec pour les réfugiés en Grèce. « De toute façon, le gouvernement ne communique pas avec nous [les ONG, ndlr]. Il rend rarement des comptes quand la situation est mauvaise politiquement pour lui ».
L’allocation financière pour les demandeurs d’asile en Grèce est financée par l’Union européenne (UE) – plus précisément le Fonds européen pour l’asile, la migration et l’intégration (AMIF) – versée jusqu’en 2027.
Elle est répartie selon les profil des demandeurs : 75 € par mois pour les personnes seules, 135 € pour les couples ou les parents isolés avec un enfant, ou 210 € pour les familles de quatre personnes ou plus, dans les cas où les demandeurs bénéficient d’un hébergement avec repas. « Ce n’est pas énorme mais ça leur permet aussi d’acheter de la nourriture et de cuisiner d’autres plats que ceux des camps », explique encore le directeur du Conseil grec pour les réfugiés.
En Grèce, les délétères conditions de vie des demandeurs d’asile et réfugiés sont depuis des années pointées du doigt par les ONG internationales. Déposer une demande d’asile est devenu quasi-mission impossible. En mai 2023, un problème informatique avait empêché les migrants d’accéder à la plateforme en ligne leur permettant d’enregistrer leur demande d’asile. Là encore, cette panne a eu de lourdes conséquences pour les demandeurs d’asile. « Certaines personnes se [sont retrouvées] sans-papiers à cause de ce bug », déplorait déjà Lefteris Papagiannakis. Les exilés encouraient même un « risque d’expulsion ».
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Outre les migrants, les réfugiés statutaires sont aussi livrés à eux-mêmes. Ils n’ont aucun soutien de l’État. Ce sont les ONG qui pallient à ce vide gouvernemental. Elles aident les exilés à apprendre la langue, à comprendre les démarches administratives ou à trouver un travail et un toit.
Fin 2022, le gouvernement a mis fin au programme ESTIA qui permettait pourtant de loger des milliers de personnes – les plus vulnérables – en appartements ou dans des centres spécifiques. Avec la fin d’ESTIA, des centaines d’étrangers – dont des réfugiés statutaires – se sont retrouvés à la rue ou ont dû retourner vivre dans les camps grecs.
La Grèce compte actuellement six hotspots, des camps « fermés » – appelés RIC (Reception and identification center) – chargés d’enregistrer les nouveaux arrivants. Le pays compte également 28 autres camps « ouverts », comme Nea Kavala, où sont hébergés les migrants durant la procédure de leur demande d’asile.
Sources: https://www.infomigrants.net/