Donald Tusk, le chef du gouvernement polonais, a déclaré samedi qu’il envisageait de suspendre temporairement le droit d’asile en Pologne. La question de l’immigration secoue le pays depuis 2021 et l’arrivée d’une vague migratoire en provenance de la Biélorussie voisine. Bruxelles rappelle que tous les pays membres de l’UE doivent respecter les conventions internationales et donc la Convention de Genève.
Le chef du gouvernement polonais Donald Tusk a annoncé samedi 12 octobre qu’il voulait suspendre partiellement le droit d’asile pour les migrants qui entrent illégalement dans son pays. Lors d’un rassemblement de son mouvement Coalition civique, il a assuré que la Pologne allait lutter « sans merci » contre l’immigration illégale, afin de « rétablir le contrôle » sur les migrations et « assurer la sécurité » dans son pays.
« Je dis tout haut aujourd’hui que parmi les éléments de la stratégie de migration figurera la suspension territoriale temporaire du droit d’asile », a-t-il affirmé. Donald Tusk va demander à l’Union européenne (UE) d’avaliser cette demande. Pour l’heure, la Commission européenne a déclaré via une porte-parole être « en contact » avec Varsovie sur le sujet.
Pour se justifier, le chef du gouvernement pro-européen accuse la Biélorussie d’orchestrer des arrivées massives sur le sol polonais pour déstabiliser l’UE. « Nous savons très bien comment [le dirigeant bélarusse Alexandre] Loukachenko, [Vladimir] Poutine, les passeurs et trafiquants d’êtres humains, l’utilisent [le droit d’asile] ».
« Une suspension temporaire des demandes d’asile a déjà été introduite en Finlande en mai », s’est également défendu Donald Tusk sur X. « Le droit d’asile est utilisé de manière instrumentale dans cette guerre [hybride avec la Biélorussie] et n’a rien à voir avec les droits de l’Homme. »
« Respecter les obligations internationales »
Mais est-ce légal ? Tous les pays membres comme la Pologne « doivent » « respecter leurs obligations internationales », rappelle l’UE, notamment celle de « garantir l’accès à la procédure d’asile » aux migrants, a insisté la même porte-parole.
Pour suspendre le droit d’asile, la Pologne devrait en théorie se retirer de la Convention de Genève de 1951, qui régit le droit des réfugiés. Sinon, en tant que signataire, elle ne peut pas expulser un demandeur avant d’avoir étudié sa demande. Elle ne peut pas non plus refuser l’entrée sur son territoire à une personne souhaitant demander l’asile si sa vie est menacée.
Demander la permission à la Commission, est-ce pertinent ? Alors que l’UE n’a aucun pouvoir sur cette Convention qui est un texte international, pas européen. « Donald Tusk, lui, ne s’embarrasse pas de ce genre de considérations », analyse Le Point. « Il estime faire face à une situation de guerre froide avec ses voisins russes et biélorusses qui mérite une réponse musclée. Ce qu’il attend de Bruxelles, c’est un soutien sans faille ».
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Au sein même de son pays, l’annonce fait débat. « Je ne peux pas imaginer que l’État polonais s’oppose aux institutions européennes — la Commission européenne, la Cour de justice de l’Union européenne ou la Cour européenne des droits de l’Homme. Sinon, nous ne serions pas si différents du PiS [extrême droite polonaise, ndlr] », a réagi un député du groupe des Socialistes et Démocrates européens (S&D), cité par Euractiv. « Aucun parti, ni même aucune stratégie gouvernementale, n’a le pouvoir de modifier la constitution et les accords internationaux ».
En mai, la Pologne a annoncé qu’elle dépenserait plus de 2,3 milliards d’euros pour renforcer la frontière polono-biélorusse qui marque la limite orientale de l’UE.
Rejet du Pacte asile et migration
Donald Tusk en a profité pour rejeter aussi le Pacte asile et migration, cette vaste réforme – adoptée le 14 mai – qui durcit le contrôle de l’immigration en Europe. « Nous n’allons pas [la] respecter », insiste-t-il. Le texte n’est pourtant pas favorable aux immigrés – il renforce les contrôles aux frontières de l’UE et met en place une procédure de « filtrage » des migrants. Seulement, ce Pacte prévoit aussi une « solidarité ». Pour aider les pays où arrivent de nombreux exilés, comme l’Italie, la Grèce ou l’Espagne, un système de solidarité obligatoire sera organisé en cas de pression migratoire, comme ce fut le cas sur l’île italienne de Lampedusa en septembre 2023.
Les Vingt-Sept devront chaque année, dans le cadre d’une « réserve de solidarité », accueillir un certain nombre de demandeurs d’asile via des « relocalisations ». S’ils refusent, l’UE prévoit de les pénaliser : en leur infligeant une amende de 20 000 euros pour chaque migrant « non relocalisé ».
Varsovie et Prague réclament un durcissement de la politique migratoire européenne, prônant une « version plus stricte et différente du Pacte sur la migration » de l’UE.
« La Pologne doit être un pays sûr. Les Polonaises et les Polonais doivent se sentir libres. En sécurité et libres dans leur propre pays. D’où l’importance de notre politique migratoire », a insisté Donald Tusk, ancien chef du Conseil européen, insistant sur le rôle protecteur de l’État. « L’État est là pour veiller à ce que viennent en Pologne des personnes qui veulent y travailler honnêtement, payer des impôts, s’intégrer dans la société polonaise et étudier », a ajouté le Premier ministre.
Pour des raisons démographiques la Pologne risque de souffrir à l’avenir d’un manque de main-d’œuvre important, selon des experts.
Sources: https://www.infomigrants.net/