Interceptions en Méditerranée : la CEDH déboute des migrants qui avaient porté plainte contre l’Italie

La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a déclaré jeudi 12 juin qu’une plainte de migrants accusant l’Italie de les avoir refoulés »par procuration » vers la Libye lors d’un sauvetage en mer en 2017 était irrecevable.
L’affaire remonte à mai 2018 quand dix-sept requérants, originaires du Nigeria et du Ghana, avaient saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour se plaindre de leurs conditions de sauvetage au large de la Libye quelques mois plus tôt, en novembre 2017.
Ces dix-sept personnes faisaient alors partie d’un groupe d’environ 150 migrants entassés dans un canot pneumatique au milieu de la mer Méditerranée, au large de la Libye. Leur présence est signalée au Centre de coordination et de sauvetage maritime de Rome (MRCC) – qui lance alors un appel aux navires à proximité afin de leur porter secours, comme le droit maritime le préconise.
Morts d’enfants durant cette interception en mer
Parmi ces navires, un bateau libyen, le Ras Jadir. Il recueille environ 45 personnes, dont deux des requérants. « Ils auraient été attachés, frappés et menacés ; ils auraient été emmenés dans un camp de détention à Tadjourah, en Libye, où ils auraient subi de mauvais traitements et des violences« , comme le rappelle un communiqué de la CEDH.
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Les plaignants ont dénoncé une pratique de « refoulements par procuration » qui serait mise en œuvre par l’Italie avec l’aval de l’Union européenne « et par laquelle l’Italie exposerait des milliers de migrants à un risque de soumission à des traitement inhumains et dégradants », en retournant en Libye, détaille encore le communiqué.
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Deux requérants ont également dénoncé le décès de leurs enfants survenu lors du naufrage du canot, provoqué par l’arrivée du Ras Jadir.
Les migrants estiment que l’Italie aurait dû les prendre en charge et les ramener sur le sol européen. Mais les juges de Strasbourg ont estimé que le sauvetage s’était déroulé dans les eaux internationales et que la zone n’était pas « de facto sous le contrôle effectif de l’Italie ».

« Le commandant et l’équipage du navire libyen ont agi de manière autonome », et rien ne permet de considérer que le Centre de sauvetage de Rome avait « un contrôle sur l’équipage de ce navire et était en mesure d’influer, d’une manière ou d’une autre, sur son comportement », ont-ils estimé.
« La Cour conclut que les requérants ne relevaient pas de la juridiction de l’Italie […] La requête doit être déclarée irrecevable », selon le communiqué.
La CEDH sous le feu des critiques
L’arrêt de la Cour survient alors que la CEDH a essuyé le mois dernier des critiques de l’Italie et de huit autres pays européens au sujet de l’immigration.
Une lettre ouverte a été diffusé à la suite d’une rencontre à Rome entre la chef du gouvernement Giorgia Meloni et la Première ministre danoise Mette Frederiksen, toutes deux ayant des positions très fermes sur l’immigration. Il a été également signé par les dirigeants de l’Autriche, la Belgique, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et la République tchèque. Ils sont d’avis qu’il est « nécessaire d’entamer une discussion sur la manière dont les conventions internationales [CEDH] répondent aux défis [migratoires] auxquels nous faisons face aujourd’hui ».
En réaction, le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Alain Berset, avait jugé « fondamental » de « maintenir l’indépendance et l’impartialité de la Cour » face aux « pressions politiques ». La CEDH a pour mission de faire respecter la Convention européenne des droits de l’homme dans les 46 pays membres du Conseil de l’Europe.
En janvier, dans un jugement inédit, la CEDH avait condamné la Grèce pour refoulement illégal de migrants, une pratique contraire au droit international et à la convention de Genève relative au statut des réfugiés.
La Belgique, quant à elle, a été épinglée en septembre 2024 par le Conseil de l’Europe pour son non-accueil des demandeurs d’asile. Bruxelles a été sommée d’augmenter la capacité de son réseau d’accueil car elle ne respecte pas les décisions de la Cour européenne des droits de l’Homme. En 2023, cette même Cour avait condamné l’État belge après la plainte d’un demandeur d’asile guinéen. Celui-ci n’avait pas pu obtenir de place d’hébergement auprès des autorités, et a été contraint de dormir dehors pendant plus de quatre mois.
Sources: infomigrants




