• ACCUEIL
  • Nos Chaines
  • Actualites
  • NOS EMISSIONS

François Gemenne : « C’est en ouvrant mieux les frontières qu’on contrôlera mieux l’immigration »

  • ACTUALITES

La migration a-t-elle toujours suscité, dans notre histoire, les mêmes craintes ?

Ce qui est frappant historiquement, c’est que l’immigration a été quelque chose de très valorisé. Après la guerre 14-18, la France a souhaité la suppression des passeports, car on considérait l’immigration très positive et les frontières étaient perçues comme des entraves aux échanges et au business. Les migrants étaient vus comme des aventuriers et des pionniers. Et il y avait beaucoup plus migrants avant qu’il n’y en a maintenant. Dans les années 60, on a activement encouragé la venue des migrants, notamment de travailleurs d’Afrique du Nord parce qu’on manquait de main-d’œuvre. C’est vraiment depuis le choc pétrolier de 1973 que notre regard sur l’immigration s’est transformé.

Vous écrivez qu’on est migrant toute sa vie, mais pas forcément étranger…

Une bonne partie des migrants, au fil de l’histoire, sont devenus français. Mais ce qualificatif se transmet de générations en générations. On parle d’immigrés de la deuxième ou de la troisième génération, ce qui en réalité n’a aucun sens. On migre effectivement à un moment de sa vie, mais on ne reste pas étranger toute sa vie.

Quelle est l’évolution des chiffres ?

Ce qui est frappant en regardant loin dans le temps, c’est une grande stabilité. Le nombre d’étrangers en France ne progresse pas véritablement et on reste sous les 10 % depuis au moins trente ans. Parfois, il y a des pics. Aujourd’hui, sur 100 migrants, il n’y en a que 13 qui proviennent d’Afrique subsaharienne. Le reste est largement constitué d’Européens (particulièrement des Portugais, des Belges et des Allemands) et enfin d’Algérie et de Tunisie. Les 250 000 permis de séjour accordés chaque année en France le sont pour un tiers pour des étudiants, un tiers pour des regroupements familiaux, le dernier tiers concernant l’immigration dite « de travail ». La grande évolution, c’est que les voies de l’immigration légale ont été considérablement restreintes ce qui a eu pour conséquence de faire particulièrement augmenter la demande d’asile. Pour beaucoup, l’asile est devenu le moyen principal d’entrer légalement sur le territoire. On n’a plus utilisé l’asile comme un moyen de protection humanitaire mais comme un moyen de contrôler l’immigration. Raison pour laquelle aujourd’hui beaucoup de demandeurs n’obtiennent pas l’asile, car les procédures sont engorgées.

Lire aussiQui est-il?

Les frontières, contrairement à une idée bien ancrée, ne servent à rien ?

On reste pénétré de l’idée que les frontières sont un instrument de contrôle, une sorte de variable d’ajustement des migrations. On pense que c’est parce qu’une frontière est ouverte que les gens viennent et qu’à l’inverse si elle est fermée, les gens vont rester chez eux. Ça paraît simple à comprendre de cette façon, mais ça ne marche pas comme cela. Quand on regarde les réalités de l’immigration, on s’aperçoit que les gens ne se résignent pas à tout quitter, à économiser des milliers d’euros simplement pour passer une frontière qui est ouverte au bout du monde. Ce qui détermine les migrations, ce sont des passeurs exogènes qui débordent largement nos politiques. À cause des guerres ou des changements climatiques, les gens qui ont besoin de partir le font de toute façon, que les frontières soient ouvertes ou fermées. Fermer les frontières, c’est rendre l’immigration plus coûteuse et plus dangereuse. Il faut savoir que le trafic des migrants est devenu le 3e trafic le plus rentable au monde derrière les armes et la drogue. Cela sert aussi à enrichir les industries de surveillance : l’Europe est un des leaders mondiaux en matière de production de barbelés. Il y a donc un vrai business de la frontière. Il faut enfin rappeler qu’il y a eu plus de 35 000 morts aux frontières extérieures de l’Union européennes depuis le début des années 90 et 600 en Méditerranée depuis le début de l’année. Fermer une frontière, cela sert d’abord à rassurer une population qui pense qu’elle est du bon côté.

Vous dites qu’on ne montre jamais un immigré dans une situation normale…

On les montre toujours dans des situations de détresse humanitaire extrême. Ce sont les embarcations en Méditerranée, les camps surchargés aux frontières de l’Europe… On ne les montre jamais dans leur normalité, en train de cuisiner chez eux ou d’emmener leurs enfants à l’école. Ce qui signifie que dans l’esprit de beaucoup de gens, il y a une sorte de narratif de crise qui s’installe autour de l’immigration. On voit la misère du monde, alors que dans la réalité, ils sont souvent plus diplômés que la population du pays d’accueil. Ce qui provoque soit de la pitié, soit de l’inquiétude.

Paradoxe, vous expliquez que le principal frein à la migration est la pauvreté ?

Exactement ! On reste prisonnier de la phrase de Rocard qui avait dit que « la France ne pouvait pas accueillir toute la misère du monde ». Dans la réalité, ce sont le plus aisés qui arrivent chez nous, car ça coûte une fortune de migrer, parfois l’équivalent de plusieurs années de salaire. La misère du monde n’a pas les moyens, elle, de migrer. Les Africains que l’on voit arriver pieds nus dans les bateaux ne sont pas les pauvres de leur pays. Et plus un pays va progresser dans l’échelle de développement, plus il va envoyer des migrants à l’étranger.

Plus une famille est riche, plus elle a propension à émigrer ?

Tout à fait. La proportion de migrants augmente avec le développement des revenus. Et c’est logique quand on regarde les prix du « marché » de l’immigration. Pour aller de la Syrie à l’Italie, cela coûte environ 8 000 euros. Pour aller de la Turquie vers l’Allemagne, c’est 12 000 euros. Ce sont donc des investissements considérables. Plus un pays évolue, mieux les gens sont informés et connectés. Plus ils sont des envies d’ailleurs.

Quels sont selon vous, les deux ou trois arguments qui permettraient d’empêcher la dérive des discussions sur ce sujet passionnel ?

Arrêter de croire que l’on peut arrêter l’immigration avec la fermeture des frontières. Accepter le fait que l’immigration est une sorte de transformation structurelle de nos sociétés et non pas un problème conjoncturel qu’il va falloir résoudre. Le mieux que l’on puisse faire, c’est de les organiser pour mieux en maximiser les bénéfices. Arrêter de gouverner l’immigration par l’idéologie. C’est en ouvrant mieux les frontières qu’on contrôlera mieux l’immigration. Il y a une politique pragmatique et humanitaire à construire, dans le cadre européen.

Sources : https://www.lunion.fr/

Partager :

  • Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
  • Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
  • Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
  • Cliquez pour partager sur Tumblr(ouvre dans une nouvelle fenêtre)

Articles similaires

octobre 19, 2020 admin

Post navigation

Coronavirus : chute brutale des flux migratoires en 2020 en raison de la crise sanitaire → ← Espagne : plus de 600 migrants ont débarqué aux Canaries et en Andalousie en 48 heures

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

A2i Music

To view this video please enable JavaScript, and consider upgrading to a web browser that supports HTML5 video

A2i Religion

To view this video please enable JavaScript, and consider upgrading to a web browser that supports HTML5 video

A2i Radio

To view this video please enable JavaScript, and consider upgrading to a web browser that supports HTML5 video

A2i Naija

To view this video please enable JavaScript, and consider upgrading to a web browser that supports HTML5 video

Diapo

Abonnez-vous à ce blog par e-mail.

Saisissez votre adresse e-mail pour vous abonner à ce blog et recevoir une notification de chaque nouvel article par e-mail.

Rejoignez les 16 965 autres abonnés

                      Investo in Senegal

ArabicChinese (Simplified)EnglishFrenchGermanItalianSpanish
Via Vecchia Trevigiana 80
31015 Conegliano / TV ITALIA
+39 / 366 326 2008
direction@a2itv.com
Copyright © 2021 A2itv . Tous droits réservés.
We use cookies on our website to give you the most relevant experience by remembering your preferences and repeat visits. By clicking “Accept”, you consent to the use of ALL the cookies.
Do not sell my personal information.
Cookie SettingsAccept
Manage consent

Privacy Overview

This website uses cookies to improve your experience while you navigate through the website. Out of these, the cookies that are categorized as necessary are stored on your browser as they are essential for the working of basic functionalities of the website. We also use third-party cookies that help us analyze and understand how you use this website. These cookies will be stored in your browser only with your consent. You also have the option to opt-out of these cookies. But opting out of some of these cookies may affect your browsing experience.
Necessary
Toujours activé
Necessary cookies are absolutely essential for the website to function properly. These cookies ensure basic functionalities and security features of the website, anonymously.
CookieDuréeDescription
cookielawinfo-checkbox-analytics11 monthsThis cookie is set by GDPR Cookie Consent plugin. The cookie is used to store the user consent for the cookies in the category "Analytics".
cookielawinfo-checkbox-functional11 monthsThe cookie is set by GDPR cookie consent to record the user consent for the cookies in the category "Functional".
cookielawinfo-checkbox-necessary11 monthsThis cookie is set by GDPR Cookie Consent plugin. The cookies is used to store the user consent for the cookies in the category "Necessary".
cookielawinfo-checkbox-others11 monthsThis cookie is set by GDPR Cookie Consent plugin. The cookie is used to store the user consent for the cookies in the category "Other.
cookielawinfo-checkbox-performance11 monthsThis cookie is set by GDPR Cookie Consent plugin. The cookie is used to store the user consent for the cookies in the category "Performance".
viewed_cookie_policy11 monthsThe cookie is set by the GDPR Cookie Consent plugin and is used to store whether or not user has consented to the use of cookies. It does not store any personal data.
Functional
Functional cookies help to perform certain functionalities like sharing the content of the website on social media platforms, collect feedbacks, and other third-party features.
Performance
Performance cookies are used to understand and analyze the key performance indexes of the website which helps in delivering a better user experience for the visitors.
Analytics
Analytical cookies are used to understand how visitors interact with the website. These cookies help provide information on metrics the number of visitors, bounce rate, traffic source, etc.
Advertisement
Advertisement cookies are used to provide visitors with relevant ads and marketing campaigns. These cookies track visitors across websites and collect information to provide customized ads.
Others
Other uncategorized cookies are those that are being analyzed and have not been classified into a category as yet.
Enregistrer & appliquer