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Des associations réclament la fermeture des « locaux de rétention administrative », ces machines à « faciliter les expulsions »

Alors que la Gironde multiplie ces derniers mois l’ouverture de « locaux de rétention administrative », sortes d’extension des centres de rétention, un groupement d’associations réclament leur fermeture sur l’ensemble du territoire français. Elles invoquent des conditions pires qu’en CRA et un manque d’accès aux droits des étrangers enfermés.

Technique d’expulsion accélérée ? Question pratique ? Mesure sanitaire ? La préfecture de Gironde a créé quatre « locaux de rétention administrative » (LRA) en l’espace de quelques mois, dont un ouvert pour deux jours les 25 et 26 février dernier au sein du Confort Hôtel de Mérignac, près de l’aéroport de Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. 

Comparables à une extension d’un centre de rétention administrative (CRA), les LRA sont des lieux d’enfermement destinés aux personnes étrangères que l’administration souhaite expulser, généralement dans le cadre d’une procédure Dublin. « Mais contrairement aux CRA, les LRA ne prévoient pas le même accès aux droits pour les personnes enfermées : par exemple, aucune association de défense des droits des étrangers n’est présente dans les locaux, car la loi ne prévoit pas de conditions contraignantes », dénonce dans un communiqué du 25 février l’Assemblée locale 33 des États généraux des migrations

Ce groupement d’associations comprenant notamment la Cimade, Amnesty international ou encore Médecins du Monde demande la fermeture des LRA présents partout en France, souvent dans les locaux de la police aux frontières (PAF).

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Leur ouverture, temporaire ou permanente, est décrétée sur simple arrêté préfectoral, lorsqu' »en raison de circonstances particulières, des étrangers devant être retenus ne peuvent être placés immédiatement dans un centre de rétention administrative », indique un rapport d’information parlementaire sur les LRA du 26 février, estimant que des améliorations restaient à y être apportées quant aux conditions de rétention.

Ainsi, « l’espace de promenade à l’air libre, le réfectoire et la salle d’attente ne sont pas prévus par la réglementation qui, en outre, ne précise pas les surfaces ou la liste des équipements en fonction de la capacité d’accueil (lavabos, W-C, cabines téléphoniques..) », relève le document parlementaire. Des abus et autres manquements au respect des droits de l’Homme sont donc régulièrement rapportés. Le local de rétention administrative de Choisy-le-Roi dans le Val-de-Marne a d’ailleurs été fermé, samedi 6 février, au lendemain d’une décision de justice épinglant le lieu pour « traitements inhumains et dégradants ». 

En cause : un accès aux toilettes et au bloc sanitaire restreint et surveillé. Près de 900 personnes y ont été retenues en 2018 puis en 2019, et 281 en 2020, malgré la crise sanitaire.

« Une manière d’expulser sans même passer devant un juge »

Outre les conditions matérielles, un accès limité aux droits est également pointé du doigt par le rapport parlementaire. « L’élaboration d’un règlement intérieur n’est par exemple pas obligatoire, alors qu’il s’agit d’un document important pour organiser la vie quotidienne dans des conditions conformes à la dignité et la sécurité de ses occupants et indiquer les modalités pratiques d’exercice des droits », peut-on lire dans ce même document.

Sur ce point, l’Assemblée locale 33 des États généraux des migrations enfonce le clou : « Les LRA sont surtout une manière de pouvoir expulser les personnes sans qu’il n’y ait de contrôle ni de la société civile (car il n’y a pas d’associations présentes sur place), ni d’avocats qui n’interviennent que rarement pour des personnes enfermées dans ces lieux, ni du juge des libertés et de la détention (car l’enfermement y est généralement limité à 48 heures) », explique Maria Lefort, porte-parole du groupe, interrogée par InfoMigrants. 

« Les exilés n’étant pas présentés au juge, celui-ci ne peut pas contrôler les procédures et ni sanctionner le placement potentiellement irrégulier en rétention », poursuit-elle, dénonçant « une volonté gouvernementale du ‘tout enfermement' » et « des placements ‘de confort’ qui facilitent la logistique d’expulsion pour la préfecture ». 

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Contactée par InfoMigrants, la préfecture de Gironde à l’origine de l’ouverture du LRA de Mérignac assure recourir à cette mesure uniquement « quand cela est nécessaire ». Elle indique avoir ouvert cette structure « car il n’y avait pas assez de places au CRA de Bordeaux, sa capacité d’accueil ayant été réduite de 20 à 12 places dans le cadre des restrictions sanitaires Covid ».

Six personnes y ont été placées, dont cinq transférées dès vendredi en Espagne dans le cadre de la procédure Dublin « pour poursuivre l’examen de leur demande d’asile dans le pays où ils l’ont déposée ». La sixième personne a été amenée, également vendredi, au CRA de Bordeaux en vue de son expulsion prochaine vers l’Espagne. Le local a, depuis, été fermé.

Environ 50 000 étrangers enfermés en CRA et en LRA chaque année

La préfecture affirme que « les personnes [en LRA] ont exactement les mêmes droits qu’au CRA » et indique que les associations d’aide aux migrants comme la Cimade ont été informées de son ouverture temporaire. « Les visites y ont été tout à fait possibles. Il y a même eu une pièce dédiée pour cela et des visites ont d’ailleurs eu lieu. »

Quant au LRA de Choisy-le-Roi dans le Val-de-Marne, la préfecture a fait savoir que des travaux pour garantir « un meilleur accès aux sanitaires » commenceraient « dans les prochaines semaines ». « On travaillait sur ce sujet des sanitaires dès avant la décision de justice », a-t-elle assuré.

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Pas de quoi rassurer les associations des États généraux des migrations qui estiment que la gestion de ces lieux reste trop opaque. Elles n’ont d’ailleurs même pas réussi à obtenir le nombre de personnes enfermées en LRA en 2019, dans le cadre du rapport annuel de la Cimade sur la rétention des étrangers en France. En 2018, elles avaient été estimées à plus de 1 700 en métropole et 540 en Outre-mer.

LRA et CRA confondus, quelque 50 000 étrangers sont enfermés chaque année en France, dont la moitié dans les départements d’Outre-mer, selon la Cimade. L’ensemble des structures totalisent plus de 2 000 places réparties dans 24 CRA et 26 LRA.

Sources : https://www.infomigrants.net/

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