« Je n’ai rien à manger » : dans le camp grec de Nea Kavala, des migrants interdits d’accès aux distributions de nourriture
Des centaines de migrants du camp de Nea Kavala, dans le nord de la Grèce, ont manifesté, mercredi, pour protester contre la mise en place d’un nouveau protocole qui les exclut des distributions de nourriture. Selon les personnes contactées par InfoMigrants, près de la moitié des 1 200 résidents ne reçoivent plus à manger.
« Je n’ai le droit à rien », explique Edoza, un réfugié de République démocratique du Congo (RDC), joint par téléphone. « Ici, la vie est dure, je n’ai pas d’aide financière et je n’ai même pas le droit à la nourriture [du camp] ». Résidant depuis plusieurs mois à Nea Kavala, dans le nord de la Grèce, à quelques kilomètres de la frontière macédonienne, Edoza explique ne pas avoir accès aux distributions de nourriture mises en place dans le camp depuis le début du mois d’octobre.
Et il n’est pas le seul. Des centaines de personnes seraient ainsi privées d’accès aux distributions alimentaires. Marie, mère d’un garçon de 7 ans, en fait partie. « Ils m’ont dit : ‘Ton dossier d’asile a été rejeté en appel, tu es déboutée, alors tu n’as pas le droit aux repas' », explique cette Congolaise également jointe par téléphone. « J’ai pleuré. Je leur ai dit qu’ils se trompaient, que je n’avais pas encore reçu la décision de la Grèce. Je me suis dit : ‘Comment je vais faire avec mon fils ?’ »
Face à la détresse et à la colère des migrants du camp, une manifestation a éclaté à Nea Kavala, mercredi 13 octobre. « Nous avons attendu que les managers du camp arrivent vers 8h30 ce matin et on les a empêchés d’accéder à leurs bureaux », explique Edoza. « On a voulu qu’ils comprennent notre ras-le-bol. Ils ont dit qu’ils allaient faire remonter nos doléances au ministère [de la Migration] ».
« Vos enfants vont-ils à l’école sans manger ? »
Pendant cette protestation, les résidents de Nea Kavala ont réclamé un accès inconditionnel à la nourriture. Des vidéos envoyées à InfoMigrants montrent des femmes tenant des banderoles sur lesquelles on peut lire : « Vos enfants vont-ils à l’école sans manger ? » ou encore « Ne nous enlevez pas notre nourriture ».
Depuis le 1er octobre, le gouvernement grec a mis en place des distributions alimentaires dans les camps de migrants du pays afin de pallier le non-versement de l’allocation destinée aux demandeurs d’asile.
« Je ne reçois plus mon allocation depuis la fin de l’été, je ne peux plus acheter à manger. Les autorités ont décidé de distribuer une carte pour avoir droit à de la nourriture dans le camp », explique Marie. « Mais ceux qui ont la carte sont moins nombreux que ceux qui ne l’ont pas ».
Le HCR passe la main
Pourquoi les allocations ne sont-elles plus versées ? Depuis 2017, le Haut commissariat des réfugiés aux Nations unies (HCR) était chargé de verser l’allocation financière de 200 000 demandeurs d’asile de Grèce. Mais, en septembre 2021, Athènes a décidé de reprendre le dossier en main. Une passation qui a enrayé la machine administrative grecque. « Après quatre années de gestion de l’aide financière pour les demandeurs d’asile, le HCR a effectué son dernier versement en septembre 2021. À partir du 1er octobre, les autorités grecques prennent en charge le programme d’aide », peut-on lire sur un communiqué de l’agence de l’ONU.
Une reprise en main qui se passe « très » mal, déplorent les demandeurs d’asile qui se plaignent non seulement de la mise en place des distributions de nourriture – « ce n’est vraiment pas bon » -, de la sélection de ses bénéficiaires, mais aussi de la suspension du versement de leur allocation. « Avec cet argent, les gens étaient autonomes, ils allaient faire des courses et cuisiner pour leurs familles », explique encore Edoza.
Reste que tout le monde n’en bénéficient pas. Les personnes qui ont obtenu le statut de réfugié et celles dont l’appel de la demande d’asile a été rejeté n’ont plus droit à ces allocations.
Selon le réfugié congolais, les associations et l’OIM qui venaient régulièrement distribuer des colis alimentaires dans le camp, ont été priés d’arrêter. « Résultat, nous n’avons rien à manger. J’ai vu une femme qui suppliait d’avoir deux bouteilles d’eau supplémentaires pour ses enfants », continue Edoza. « On lui disait ‘non’ parce que son dossier d’asile avait été rejeté. C’est vraiment scandaleux ce qu’il se passe ici ».
Contacté par InfoMigrants, l’OIM en Grèce n’a pas répondu à nos sollicitations.
Près de 1 200 personnes vivent dans le camp de Nea Kavala, dont de nombreux Afghans et Syriens mais aussi des Congolais et quelques Camerounais. La Grèce compte 28 camps « ouverts », comme Nea Kavala, où sont hébergés les migrants durant la procédure de leur demande d’asile.
source:: https://www.infomigrants.net