Le centre de traitement des demandeurs d’asile de Manston, dans le Kent, comptait, lundi, près de 4 000 occupants, dont de nombreuses familles et jeunes enfants, pour une capacité maximale de 1 600 personnes. ONG, parlementaires et avocats réclament son évacuation et sa fermeture. La ministre de l’Intérieur Suella Braverman, qui a fustigé une “invasion” de migrants, est accusée d’être personnellement responsable de ce surpeuplement.
“On a besoin de votre aide !”, crie une voix enfantine derrière une clôture surplombée de barbelés. “Liberté ! Liberté !”, scandent d’autres enfants, agitant leurs bras pour attirer l’attention des militants rassemblés de l’autre côté de la barrière. Ces vidéos, partagées sur Twitter par l’association SOAS Detainee Support (SDS), offrent un aperçu des conditions de vie dans le centre de traitement des demandes d’asile de Manston, dans le Kent, au Royaume-Uni.
Ce centre, ouvert en janvier et censé accueillir les exilés pendant 24 heures, avant leur transfert dans des logements temporaires, est désormais « catastrophiquement surpeuplé », indique le journal The Guardian. Prévu pour une capacité maximale de 1 600 personnes, il comptait à la date du 31 octobre près de 4 000 occupants, dont de nombreuses familles et jeunes enfants. Le 1er novembre, le ministre britannique de l’Immigration, Robert Jenrick, a toutefois annoncé que la population du centre avait été réduite au cours de la nuit du 31 octobre au 1er novembre.
L’accès au centre étant strictement interdit, des militants de SDS qui se sont rendus sur place, dimanche 30 octobre, ont échangé avec les migrants à l’aide d’un haut-parleur, les exilés criant pour se faire entendre par-delà la clôture. Impossible d’échanger directement : les téléphones des exilés leur sont confisqués en même temps que toutes leurs possessions à l’entrée du centre. Venues d’Iran, d’Afghanistan, de Syrie ou du Pakistan, les personnes interrogées disent être détenues à Manston depuis plusieurs jours – pour certaines depuis 20, 30 ou même 40 jours. Le délai maximal de détention dans ce centre, déterminé par la loi britannique, est pourtant de cinq jours.
Discours “incendiaire”
La ministre de l’Intérieur, Suella Braverman, est accusée d’être personnellement responsable du surpeuplement du centre de Manston. Elle aurait notamment refusé d’approuver des mesures de transferts de migrants vers des logements plus appropriés. La ministre avait pourtant été avertie que le gouvernement agissait en dehors de la loi en ne proposant pas d’hébergement alternatif aux demandeurs d’asile, rapporte la BBC.
Ce faisant, le gouvernement britannique pourrait potentiellement faire face à des centaines de plaintes pour détention illégale.
Lundi soir, Suella Braverman a de nouveau jeté de l’huile sur le feu au sujet de ce dossier sensible. Lors d’un débat virulent au Parlement britannique, elle a parlé d’une “invasion [de migrants] sur le littoral sud”. “Arrêtons de prétendre qu’ils sont tous des réfugiés en détresse”, a-t-elle ajouté : “Le système est cassé, l’immigration illégale est hors de contrôle.”
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En réaction, les ONG de défense des migrants et de nombreux parlementaires de l’opposition ont dénoncé une rhétorique “honteuse”, qui survient au lendemain d’une attaque menée contre un centre d’accueil de migrants à Douvres, dans le sud de l’Angleterre.
“Une ministre de l’Intérieur qui prendrait au sérieux la sécurité publique et nationale n’utiliserait jamais un langage aussi incendiaire au lendemain d’une dangereuse attaque”, a déclaré la députée Labour (d’opposition) Yvette Cooper. Dimanche, un homme de 66 ans a en effet jeté plusieurs engins explosifs sur le site de Douvres qui accueillait 700 personnes, avant de se donner la mort.
Situation dangereuse
L’inspecteur indépendant des frontières et de l’immigration, David Neal, qui a visité le centre de Manston le 26 octobre, a déclaré être resté “sans voix” face aux “conditions misérables”, décrivant une situation “vraiment dangereuse”. Cité par le Guardian, un représentant des gardes de sécurité travaillant dans le centre a dénoncé, quant à lui, une véritable “crise humanitaire sur le sol britannique”.
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Selon les militants de SOAS Detainee Support, les migrants détenus leur ont dit que certains d’entre eux étaient en train de tomber malades. Au moins huit cas confirmés de diphtérie, une infection bactérienne très contagieuse et potentiellement grave, ont été détectés parmi les migrants détenus, et une épidémie de gale s’est déclarée sur le site.
Une personne a également testé positif pour un SARM, un staphylocoque résistant aux antibiotiques. Le malade a été transféré dans un hôtel à plusieurs centaines de kilomètres avant de recevoir le test positif, augmentant les risques de propagation. Le ministère de l’Intérieur a pourtant déclaré que les protocoles médicaux appropriés avaient été mis en place.
Sources : http://www.infomigrants.net/