Près de 3 000 Ivoiriens vivant en Tunisie ont demandé à leur ambassade de les rapatrier en Côte d’Ivoire suite au virulent discours anti-migrants du président Kaïs Saïed. Un chiffre qui représente la moitié de la communauté ivoirienne en Tunisie.
Près de 290 Ivoiriens ont été rapatriés jeudi 23 mars à Abidjan depuis la Tunisie. À bord de ce vol affrété par la compagnie Ethiopian Airlines, se trouvaient 266 adultes et 21 bébés, selon l’ambassadeur ivoirien à Tunis, Ibrahim Sy Savané,
Pour l’heure, cela porte à 1 053 le nombre d’Ivoiriens rapatriés depuis le 4 mars, a précisé l’ambassadeur. Un premier avion avait atterri ce jour en Côte d’Ivoire avec 145 personnes à bord.
Au total, près de 3 000 Ivoiriens se sont inscrits auprès de leur ambassade pour fuir la Tunisie après un discours virulent du président Kaïs Saïed, le 21 février, pourfendant l’immigration clandestine. Soit la moitié de la communauté ivoirienne vivant dans le pays.
Le chef de l’État avait notamment affirmé que la présence en Tunisie d’immigrés clandestins d’Afrique subsaharienne était source de « violence et de crimes » et visait à « changer la composition démographique » du pays.
« On a dormi à la rue pendant trois jours »
À la suite de cette diatribe et des violences qui s’en sont suivis, d’autres pays ont entamé le rapatriements de leurs ressortissants, comme la Guinée ou encore le Mali. « Je suis très contente de retourner dans mon pays. J’en avais vraiment besoin, glisse Mamaissata au micro de RFI, de retour à Conakry avec ses trois enfants. « On a été agressés là-bas. On ne sort pas, même pour aller chercher à manger. Quand vous sortez, on vous cogne avec des cailloux. On nous dit : ‘Quittez le pays ! La Tunisie, c’est pour les Tunisiens !' », a-t-elle témoigné à sa descente d’avion.
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« Ils ont cassé ma maison. Ma femme, mes enfants et moi, on a dormi dans la rue pendant trois jours », explique à son tour Falikou qui a vécu 10 ans en Tunisie. « C’était tellement difficile… Ma fille a un acte de naissance tunisien. Malgré ça, on n’a pas pu rester », explique-t-il sur le tarmac de l’aéroport de Conakry.
Les associations ont fait état d’une recrudescence des agressions visant la population noire depuis l’allocution du président. Des centaines de migrants ont perdu du jour au lendemain leur travail – généralement informel – et leur logement. D’autres restent enfermés chez eux. C’est le cas de Marc, un étudiant congolais qui ne sort plus de chez lui. Des images et vidéos choquantes ont aussi montré des Subsahariens agressés. Un climat délétère qui n’a pas épargné les Tunisiens à la peau noire.
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La plupart des migrants africains arrivent en Tunisie pour tenter ensuite d’immigrer clandestinement par la mer vers l’Europe, certaines portions du littoral tunisien se trouvant à moins de 200 km de l’île italienne de Lampedusa.
Les ONG et la communauté internationale se sont offusqués du discours présidentiel. Amnesty International a d’ailleurs exhorté les autorités tunisiennes à ouvrir une « enquête objective » sur ces « chasses à l’homme noir ». « On n’a jamais vu en Tunisie de telles attaques à l’égard des migrants. C’est quelque chose qui en dit long sur l’inadéquation des autorités par rapport à leur obligation de protéger les migrants », a déclaré au début du mois Amna Guellali, directrice régionale adjointe d’Amnesty International.
Sources : https://www.infomigrants.net/