Le Sénégal rapatrie du Cap-Vert les survivants d’un naufrage meurtrier
Les autorités sénégalaises ont rapatrié lundi du Cap-Vert une quarantaine de leurs ressortissants ayant survécu à un terrible naufrage survenu ces dernières semaines dans l’Atlantique. Une pirogue d’une centaine de personnes a été retrouvée le 14 août avec seulement 38 survivants à bord. Elle avait quitté le littoral sénégalais le 10 juillet dans l’espoir de rejoindre l’archipel espagnol des Canaries.
Plus d’un mois après leur départ, ils sont de retour chez eux. Une quarantaine de Sénégalais ont été rapatriés du Cap-Vert lundi 21 août par la ministre déléguée des Sénégalais de l’extérieur, Annette Seck Ndiaye. Ils ont été ramenés au pays par un avion militaire, qui s’est posé en fin d’après-midi sur une base aérienne dans le centre de Dakar.
Ces personnes, majoritairement des jeunes hommes, faisaient partie des 101 migrants ayant pris place à bord d’une pirogue le 10 juillet dans la localité de pêcheurs de Fass Boye, à une soixantaine de kilomètres au nord de la capitale, afin de rejoindre l’archipel espagnol des Canaries.
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Mais leur embarcation a chaviré et n’a été repérée que le 14 août au large du Cap-Vert, avec seulement 38 survivants, portant à environ 60 le nombre de morts ou disparus. Les services de secours ont pu récupérer sept dépouilles. Elles seront inhumées au Cap-Vert, a indiqué Anneck Seck Ndiaye. La décision a été prise en concertation avec les familles, a dit devant les journalistes la ministre déléguée.
Un des rescapés est quant à lui resté au Cap-Vert et y est soigné « parce que son état de santé ne lui permettait pas de faire le voyage », a précisé Anneck Seck Ndiaye.
Colère des familles
Ce drame a provoqué une vive émotion au Sénégal. Après l’annonce du naufrage, de nombreuses familles se sont retrouvées dans les rues ou se sont rendues chez le chef du village dans le but d’obtenir des nouvelles de leurs proches disparus.
Des manifestations ont également éclaté et des scènes de violence ont eu lieu. De jeunes villageois ont pris pour cibles des édifices publics, selon le site sénégalais Seneweb.
Les familles semblaient pointer du doigt les autorités sénégalaises, accusées d’inaction malgré les alertes répétées des proches. Une dizaine de jours après le départ de la pirogue, des familles des migrants avaient contacté l’ONG espagnole Caminando Fronteras, inquiets de n’avoir aucune nouvelle. Il faut généralement entre quatre et sept jours pour parcourir les 1 700 kilomètres qui séparent le Sénégal des Canaries.
Des secours tardifs
Dans un communiqué publié le 18 août, l’ONG rapporte que « les protocoles de recherches de notre organisation » ont été activés dès le 20 juillet. « [Nous avons] informé les autorités des pays de la zone bordant la route des Canaries – Sénégal, Mauritanie, Maroc et Espagne. »
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Caminando Fronteras concède que des « efforts de recherche ont été faits » après l’alerte qu’elle a donnée, mais considère que ceux-ci « n’ont pas été suffisants ». Elle demande que davantage de ressources soient allouées à la recherche et au sauvetage dans la zone pour « sauver plus de vies », eu égard à la dangerosité de la route migratoire des Canaries.
D’autant que les départs depuis le Sénégal se multiplient ces derniers mois. En moins de trois mois, près de 17 embarcations ont quitté les rives du pays, d’après Ahmadou Bamba Fall, coordonnateur de l’ONG sénégalaise « Village du migrant », joint par RFI.
Cette augmentation s’explique par la situation économique du pays. La crise du Covid, l’inflation et la raréfaction des ressources halieutiques minent la population, notamment les jeunes, qui ne voient d’autres perspectives que l’exil vers l’Europe.