Migrants tués à Loon-Plage : « Les habitants du camp sont terrorisés »
Samedi après-midi, un homme de 22 ans a abattu cinq personnes, dont deux migrants tués à proximité de Loon-Plage, dans le nord de la France, non loin de Calais. Les motifs du tueur sont encore inconnus et devront être définis par l’enquête. Mais les habitants du campement sont encore traumatisés par ces événements. « Beaucoup de personnes ont assisté à la scène », a raconté Salomé, coordinatrice d’Utopia 56 à InfoMigrants.
Près de 48 heures après les faits, lundi 16 décembre, l’incompréhension et la peur se mêlent toujours parmi les habitants du campement de Loon-Plage, dans le Nord. Samedi 14 décembre, deux jeunes Kurdes d’Iran ont été tués à l’arme à feu par un homme de 22 ans sur la route qui traverse le campement, sans raison apparente.
La série sanglante du tireur avait débuté à Wormhout (Nord), dans les Flandres entre Lille et Dunkerque, où un homme de 29 ans a été tué samedi vers 15h15 par plusieurs tirs d’armes à feu, « devant son domicile », a indiqué le parquet.
A lire aussi
Loon-Plage : deux amis à la recherche de Nima et Hiva, disparus lors du naufrage du 15 décembre dans la Manche
La victime dirigeait une société de transport routier, selon la mairie de Wormhout. Puis vers 16h, deux agents de sécurité de 33 et 37 ans qui patrouillaient sur leur lieu de travail étaient à leur tour tués par plusieurs tirs d’arme à feu dans la périphérie de Loon-Plage en direction de Dunkerque.
« Les tirs ont eu lieu sur la route que les personnes prennent pour aller sur les lieux de distribution donc beaucoup de personnes ont assisté à la scène », a raconté Salomé, coordinatrice d’Utopia 56 à InfoMigrants, sans souhaiter donner son nom de famille pour raisons de sécurité.
Aucune prise en charge psychologique
Malgré l’impact de ces événements sur les quelque 500 habitants du camp, dont de nombreuses familles, aucune prise en charge psychologique n’a été mise en place, déplore la responsable d’Utopia 56.
« Samedi soir, les personnes du camp étaient terrorisées et nous demandaient d’être mises à l’abri. Je pense qu’il va y avoir beaucoup de demande d’hébergement en CAES [centre d’accueil et d’examen de la situation, ndlr] », précise-t-elle encore.
Sur place, un important dispositif policier a été déployé samedi, gyrophares allumés, pour bloquer l’accès à la route de Mardyck, menant à la zone portuaire où se trouve également un des nombreux campements de migrants du littoral.
« Mais dès le dimanche matin, tout le monde est parti et les habitants du camp devaient reprendre leur vie », déclare Salomé, ajoutant attendre maintenant les résultats de l’enquête pour connaître les motivations du tireur.
Hommages aux victimes
L’enquête a été ouverte pour « meurtres précédés, accompagnés ou suivis d’un autre crime » et « acquisition, détention, port et transport d’armes de catégorie A et B », des faits passibles de la réclusion à perpétuité.
Un premier hommage aux deux victimes a été rendu dimanche par les habitants du campement et des roses rouges ont été déposées sur le lieu où les deux migrants ont été tués. Une nouvelle commémoration doit avoir lieu lundi soir à Dunkerque, au niveau du Kursaal, côté mer.
Le président (LR) des Hauts-de-France Xavier Bertrand a déploré sur X un « terrible drame » tandis que le ministre démissionnaire des Solidarités Paul Christophe, auparavant député de la zone, a fait part de ses « condoléances aux familles et proches des cinq personnes mortes tragiquement ».
Plusieurs fusillades auparavant
Le camp de Loon-Plage a déjà été le théâtre de plusieurs fusillades par le passé, généralement pour cause de conflits de territoire ou entre communautés. Le 30 août 2022, une fusillade y avait éclaté, blessant neuf Soudanais, dont plusieurs grièvement. Le lendemain, le camp avait été démantelé par les forces de l’ordre, avant de se reformer immédiatement.
Les 6 et 7 septembre de la même année, deux autres fusillades avaient été signalées, un jeune Irakien avait été transporté à l’hôpital en urgence après avoir reçu une balle dans la tête. La veille, une autre fusillade avait déjà fait deux blessés, dont un Érythréen de 32 ans.
« Il y a des querelles de pouvoir, de territoire… Mais, pour nous, ce ne sont pas des règlements de comptes entre migrants lambda car il n’y a pas d’hostilité entre les communautés. On le voit bien sur le terrain : tout le monde se mélange. Les conflits, c’est entre les passeurs », avait expliqué Claire Millot, de l’association Salam, l’année dernière auprès d’InfoMigrants.
« C’est plus des questions de contrôle de zones de plages ou de dunes », dans une région de points de départ de la France vers l’Angleterre. Mais comme le précise Claire Millot : « Les gens dans les camps ne sont pas des gens violents, ce sont des gens qui ont fui la violence dans leurs pays. »
En octobre 2023, le camp de Loon-Plage avait été démantelé lors d’une opération de « mise à l’abri » menée par les services de l’État. Près de 2 000 personnes avaient ainsi été évacuées. Mais, comme souvent, les exilés sont revenus sur le site quelques jours plus tard.
Sources: infomigrants.net