Le pape François, inlassable défenseur des migrants à travers le monde

Il défendait un christianisme de l’accueil. Le pape François, mort le 21 avril, lundi de Pâques, a combattu toute sa vie pour que l’Église soit à l’écoute des laissés-pour-compte. Critiquant une société refermée sur elle-même, François a inlassablement demandé aux gouvernements européens – et internationaux – d’accorder aux migrants un accueil plus digne.
Toute sa vie, il s’est tenu aux côtés des migrants. Et pendant les 12 années de son pontificat, le Pape François, décédé lundi 21 avril – lundi de Pâques, aura fait de la cause des réfugiés, un combat. Il faut dire que le souverain pontife se considérait lui-même comme un exilé. Issu d’une famille d’Italiens émigrés en Argentine, « l’archevêque des pauvres », comme le surnommaient ses fidèles sud-américains, n’a eu de cesse de prôner l’accueil des milliers de « frères et sœurs » à travers le monde, sans distinguer leur religion ou leur statut administratif – réfugié statutaire ou sans-papiers.
« Que de mépris se nourrit parfois envers les plus faibles, les marginalisés, les migrants », a-t-il lancé lors de son dernier discours public, la veille de sa mort, invitant à « abattre les barrières qui créent des divisions ». Une phrase qui fait aujourd’hui écho à son premier credo en tant que chef de l’Église catholique, quelques heures après son élection le 13 mars 2013. « Comme je voudrais une Église pauvre, et pour les pauvres ».
2013, un premier voyage symbolique marquant à Lampedusa
Très vite, les plus conservateurs au Vatican regardent d’un œil méfiant cet homme au style détonnant : François, auréolé d’une véritable image de réformateur, préfère un sobre appartement aux ors du palais apostolique. Il invite régulièrement à sa table des personnes sans abri et des détenus.
Sans surprise, les prélats les plus traditionalistes se crispent à l’annonce du premier voyage officiel du souverain pontife. Le 8 juillet 2013, prenant tout le monde par surprise, le pape choisit de se rendre à Lampedusa, petite île italienne connue pour être la porte d’entrée en Europe des migrants subsahariens qui traversent la Méditerranée depuis les côtes tunisiennes et libyennes.
Sur place, ses mots résonnent comme un coup de tonnerre politique à l’heure où l’Europe choisit de fermer ses frontières et de ne s’impliquer qu’a minima dans les sauvetages en Méditerranée – gérés en très grande partie par les ONG. « Immigrés morts en mer, dans ces bateaux qui au lieu d’être un chemin d’espérance ont été un chemin de mort (…) Dans ce monde de la mondialisation, nous sommes tombés dans la mondialisation de l’indifférence. Nous sommes habitués à la souffrance de l’autre, cela ne nous regarde pas, ne nous intéresse pas, ce n’est pas notre affaire ».
Depuis un navire italien, le pape jette ensuite une gerbe de fleurs banches dans la Méditerranée avant de se recueillir. Un premier geste politique suivis par beaucoup d’autres, qui constituent désormais son héritage. Tour d’horizon.
2016, depuis Lesbos, le pape rentre avec 12 demandeurs d’asile syriens
Trois ans plus tard, en 2016, le souverain pontife se rend sur l’île grecque de Lesbos, autre lieu symbolique de la crise de l’accueil des migrants que traverse le Vieux continent. Cette visite du pape est marquée par un geste inédit : le retour, dans son avion de 12 réfugiés syriens. Un premier « couloir humanitaire » à petite échelle, mais censé montrer l’exemple aux politiques.
L’ayant accueilli au pied de l’avion, Alexis Tsipras, l’ancien Premier ministre grec, le remercie pour son « message d’accueil, quand d’autres dirigeants chrétiens élèvent des barrières ».
Depuis cette visite historique, la situation reste compliquée à Lesbos, où en 2020, un gigantesque incendie a ravagé le camp de Moria dans lequel vivaient 13 000 personnes (pour une capacité de 3 000 places). Depuis, deux nouveaux camps ont été construits. Le premier, prévu pour 2 200 personnes, a été établi temporairement à Mavrovouni. Le second, surnommé « Moria 2.0 » et d’une capacité de 3 000 places, a été construit en septembre 2022 à Vastria, dans le nord de l’île, cristallisant les tensions entre la population insulaire et Athènes.
2018, le pape baptise un « héros » nigérian
Le 31 mars 2018, le pape François a lui-même baptisé un sans-papiers dans la basilique Saint-Pierre du Vatican. John Ogah, originaire du Nigeria, est devenu un héros en Italie après s’être opposé à un braqueur.
Au mois de septembre de l’année précédente, l’homme de 31 ans avait arrêté un Italien qui venait de commettre un vol – armé d’un hachoir – dans un supermarché de Rome. Le sans-papiers, qui mendiait depuis quelques mois devant l’établissement, a désarmé le voleur, l’a assommé, puis a attendu l’arrivée de la police avant de s’éclipser – craignant d’être arrêté à son tour et expulsé, racontait le journal La Repubblica.
2019, le pape se rend au Maroc
Le pape François se rend au Maroc le 30 mars 2019. Il rencontre le roi Mohamed VI et des hauts responsables religieux. Il visite à cette occasion un centre d’accueil géré par Caritas où sont accueillis de nombreux migrants d’Afrique subsaharienne. « Ici aussi, il apparaît nécessaire de porter une attention particulière aux migrants en situation de grande vulnérabilité, aux nombreux mineurs non accompagnés et aux femmes. Il est essentiel de pouvoir garantir à tous une assistance médicale, psychologique et sociale adéquate pour redonner dignité à qui l’a perdue au cours du chemin », insiste le pape.
Au Maroc, la situation des migrants subsahariens sans-papiers reste très compliquée. Notamment aux abords de l’enclave espagnole de Melilla où les ONG accusent les autorités marocaines d’avoir fait preuve d’un « déchaînement de violences » le 24 juin 2022. Ce jour-là, 27 migrants perdront la vie. Ces derniers tentaient de pénétrer en territoire espagnol en escaladant la haute clôture de sécurité qui marque la frontière entre les deux pays.
Le Maroc est aussi critiqué par les militants des droits de l’Homme pour ses arrestations de migrants subsahariens qui sont ensuite refoulés dans le sud du pays, loin des côtes méditerranéennes.
2021, Chypre remercie le pape pour le transfert en Italie de 50 migrants
Le souverain pontife se rend à Chypre en 2021. C’est son huitième voyage dans la région et, là encore, il entend mettre l’accent sur la question migratoire. Lors de cette visite, les autorités chypriotes le remercient. « Nous aimerions exprimer notre gratitude pour l’initiative de transférer 50 migrants de Chypre vers l’Italie », déclare Nicos Anastasiades au palais présidentiel de Nicosie.
À l’époque, la République de Chypre avait dit enregistrer le plus grand nombre de primo-demandeurs d’asile en Europe et affirmait que quelque 10 000 exilés en situation irrégulière étaient arrivés au cours des dix premiers mois de l’année, la plupart depuis le nord de l’île.
À Chypre, le discours de François marque les esprits. « Des côtes près de chez nous sont devenues des ponts pour le commerce des esclaves. J’en ai vu des preuves filmées. Ce sont des lieux de torture, où les gens sont vendus. Je dis cela car ma responsabilité est de vous aider à ouvrir les yeux. »
Le pape fait référence aux ventes aux esclaves qui se déroulent en Libye. Il dénoncera souvent le sort des exilés dans ce pays – qui peine à se reconstruire depuis la chute de Kadhafi en 2011, et qui reste en proie à la violence des milices armées.
Les témoignages des exactions, notamment sexuelles, et des tortures à l’encontre des migrants ont fait plusieurs fois la une de l’actualité ces dernières années, et sont régulièrement documentées par InfoMigrants.
2021, le pape évoque sa tristesse après un terrible naufrage dans la Manche
La même année, le pape s’est ému du dramatique naufrage dans la Manche qui a couté la vie à 27 personnes le 24 novembre. Ce jour-là, seuls deux personnes survivent alors qu’elles tentent d’atteindre l’Angleterre depuis la France par « small boat ».
Sur X, le pape avait exprimé sa « tristesse » concernant le sort des noyés de la Manche. Il s’était là encore ému de la situation en Méditerranée et des migrants réduits en esclavage en Libye.
2022, un don pour les migrants bloqués à la frontière polono-biélorusse
Le pape, qui garde toujours un œil sur l’actualité européenne, mène en 2022 l’Église sur un terrain politiquement glissant : les tensions polono-biélorusses. Mais se cantonne à une prise de position humanitaire.
Il fait un don de 100 000 euros « pour aider les groupes de migrants bloqués » à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Ce don vise également à « aider [l’ONG catholique] Caritas Pologne à faire face à l’urgence migratoire à la frontière entre les deux pays », explique dans un communiqué le dicastère (ministère) pour le service du Développement humain intégral, organe du Saint-Siège notamment en charge des réfugiés.
Depuis l’été 2021, des milliers de migrants, principalement originaires du Moyen-Orient, ont franchi ou tenté de franchir, depuis la Biélorussie, la frontière orientale de l’Union européenne (UE) en passant par la Pologne. Dans cette zone frontalière, Varsovie a installé une clôture métallique et déployé des milliers de soldats. Les témoignages de refoulements de migrants et d’exactions sont nombreux.
2023, le pape reçoit Pato dont la famille est morte dans le désert en Tunisie
Le pape avait reçu Pato le 17 novembre 2023 au Vatican. Ce Camerounais avait tragiquement perdu sa femme et sa fille de six ans en juillet de la même année. Elles sont mortes de soif dans le désert entre la Libye et la Tunisie, après avoir été raflées par les autorités tunisiennes.
Fati et Pato avaient quitté la Libye et s’étaient installés en Tunisie, pour y élever leur petite fille, Marie. Fati et Marie ont été expulsées ensemble de leur domicile, et abandonnées dans le désert à la frontière libyenne.
À l’été 2023, des centaines d’autres migrants subsahariens ont été jetés dans le désert par les autorités tunisiennes, après des arrestations arbitraires opérées dans les villes de Sfax, Ben Guardane et d’autres villes du pays.
2025, le pape s’oppose aux expulsions massives aux États-Unis
En février, deux mois avant sa mort, François avait condamné les expulsions massives de migrants voulues par le président américain Donald Trump, s’attirant les foudres de la Maison Blanche. Dès son élection, le chef de l’État a promis la plus grande vague de reconduites à la frontière que le pays ait jamais connue.
Deux mois après avoir critiqué ces mesures, le pape a brièvement reçu dimanche 20 avril le vice-président américain JD Vance en marge des célébrations de Pâques. L’entente est « cordiale », selon un communiqué du Vatican publié après la rencontre.
Dans une interview à la chaîne Fox News au mois de janvier, le vice-président américain avait repris un concept de saint Augustin, stipulant « que l’on aime sa famille, puis ses voisins, puis sa communauté et, ensuite, ses compatriotes et, enfin, que l’on donne la priorité au reste du monde ». En réponse, François avait invité à « méditer sur l’amour qui construit une fraternité ouverte à tous, sans exception ».
Sources: infomigrant




