« Je me sens perdu », en Autriche, des réfugiés angoissés face à une possible suspension du regroupement familial

En Autriche, le Parlement doit réviser ce vendredi la loi sur l’asile actuellement en vigueur afin de permettre la suspension du regroupement familial voulue par le gouvernement. Le but des autorités : protéger le système de santé.
Fuyant la Syrie, Mohammad est arrivé seul en Autriche fin 2021. Il a appris l’allemand et travaille aujourd’hui comme couvreur. Il a déposé dès 2023 une demande de regroupement familial pour pouvoir faire venir sa femme et ses deux enfants, actuellement en Turquie. Le jeune homme de 32 ans attendait une réponse depuis plus d’un an lorsqu’il a appris que le gouvernement autrichien souhaitait suspendre le regroupement familial.
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« Je trouve cela inhumain. Comment peut-on séparer des familles ? Je me sens perdu. Mes amis me disent d’aller voir un médecin, mais que peut faire un médecin pour moi ? Je connais la solution, la solution, c’est ma famille. Ma femme pleure presque tous les jours et mes enfants me demandent tout le temps quand ils vont pouvoir venir me rejoindre et je ne peux pas répondre. Je ne sais plus ce que je dois faire, je ne peux qu’attendre un miracle », confie-t-il au micro de notre correspondante à Vienne, Isaure Hiace.
Le gouvernement de Christian Stocker a annoncé mercredi 26 mars son intention de mettre fin au regroupement familial des réfugiés, une première dans l’Union européenne. Les autorités autrichiennes justifient leur décision par la nécessité de « protéger les systèmes » de santé, d’emploi et d’éducation du pays alpin face à l’afflux de ces dernières années. « Nous avons atteint les limites de nos capacités d’accueil », a affirmé la ministre de l’Intégration Claudia Plakolm. Un décret va désormais être publié et « d’ici mai, dans quelques semaines à peine, cet arrêt deviendra réalité », a-t-elle déclaré.
Pression de l’extrême droite
La mesure intervient dans un contexte de durcissement des politiques migratoires de plusieurs États membres de l’UE, sur fond d’ascension de l’extrême droite. En Autriche, le parti nationaliste FPÖ a signé fin septembre une victoire historique aux législatives. Et s’il a échoué à former une coalition, il reste de très loin le premier parti du pays dans les sondages. Le chancelier conservateur Christian Stocker, au pouvoir depuis début mars avec les sociaux-démocrates et les libéraux, est donc sous pression pour maintenir une ligne dure.
Mais plusieurs juristes affirment qu’elle est contraire au droit européen. « Ce que prévoit l’Autriche est illégal, cela va à l’encontre du droit jurisprudentiel et cela aura pour conséquence que l’Autriche sera condamnée, prédit Franz Leidenmühler, directeur de l’Institut de droit européen de l’Université Johannes Kepler de Linz. L’Autriche devra mettre fin à cette mesure et dira alors : nous voulions stopper le regroupement familial, mais la méchante Union européenne ne nous le permet pas. C’est un jeu politique malsain ». Le gouvernement souhaite que cette mesure s’applique pour un an au moins.
L’Autriche, qui a vu affluer les réfugiés sur son sol lors de la crise migratoire de 2015, dit avoir observé « une nette hausse » des arrivées de membres de la famille de ceux ayant obtenu l’asile ou ayant droit à une protection subsidiaire parce que leur pays d’origine est considéré comme dangereux. En 2023, ils étaient près de 9 300 et l’an dernier 7 800 dans un pays de 9,2 millions d’habitants. L’écrasante majorité vient de Syrie et sont déjà concernés par une telle restriction de leurs droits, annoncée après la chute du président Bachar al-Assad en décembre 2024.
Sources : infomigrants




