L’UE tente d’agir en amont des migrations…
Que faire pour empêcher les migrants de venir tenter leur chance en Europe ? Premier donateur mondial dans le domaine de l’aide au développement, avec 74,4 milliards d’euros en 2018 en incluant l’aide des états membres, l’Union européenne sait bien que cette manne, qui à court terme permet à davantage d’individus de disposer de moyens pour voyager, ne peut servir à elle seule cet objectif. Depuis la crise migratoire de 2015, l’Union européenne s’essaie donc à de nouveaux outils.
Sur le plan économique, de nouvelles initiatives, qui ne visent pas directement la question migratoire mais peuvent avoir un impact sur la décision ou pas d’émigrer, ont été créées pour doper le continent. En 2017, un « plan d’investissement extérieur » doté de 4,5 milliards d’euros a été lancé pour stimuler l’investissement. En septembre 2018 a aussi été annoncée une nouvelle « Alliance Afrique-Europe » censée encourager une croissance durable.
Un Fonds fiduciaire d’urgence doté de 4,1 milliards d’euros
Mais l’essentiel des efforts de l’UE en matière migratoire est ailleurs. En novembre 2015, lesommet africano-européen de la Valette, à Malte, adopte, un plan ambitieux visant à la fois à « s’attaquer aux causes profondes de la migration irrégulière », dues à la pauvreté ou aux conflits, à lutter contre les migrations irrégulières, à mieux protéger les personnes déplacées ou encore à mieux coopérer pour renvoyer plus de migrants vers leur pays d’origine.i Pourquoi lire La Croix ?+La Croix vous explique, avec lumière et clarté, le monde qui vous entoure, afin que vous puissiez bâtir votre opinion.À lire aussiAfrique, pourquoi les jeunes partent
Au départ, il était aussi question de « coopération concernant la mobilité légale », l’argent envoyé par les immigrants en Europe représentant une réelle ressource pour les pays africains. Principal outil de ce vaste plan : un Fonds fiduciaire d’urgence (FFU), doté aujourd’hui de 4,1 milliards d’euros, est créé pour l’Afrique. Avec trois régions prioritaires : la région du Sahel et du lac Tchad, la Corne de l’Afrique, l’Afrique du Nord.
Des dispositifs pour freiner les migrations
Avec quels résultats ? « Grâce au Fonds, on a créé 167 760 postes de travail, 5,450 millions de personnes ont bénéficié de services sociaux de base, 103 180 migrants en transit ont été aidés, et 163 141 personnes ont participé à des activités de prévention des conflits », détaille Carlos Martin Ruiz de Gordejuela, porte-parole au développement à la Commission européenne.
Par exemple, au Sénégal, le FFU finance une caravane qui sillonne le bassin arachidier pour inciter les jeunes à créer une activité. Il a aussi fourni des véhicules à la gendarmerie nationale. En Guinée, il soutient à la fois la création d’entreprise, la formation pour les jeunes, et de la sensibilisation « aux risques de l’immigration irrégulière ». En Libye, il contribue, entre autres, à former les gardes-côtes…À lire aussiElections européennes 2019 : actus, sondages et listes des candidats
Au total, 63 % des fonds sont affectés à des projets de développement, 22 % à la gestion des migrations 13,5 % à la sécurité, selon un bilan d’Oxfam fin 2017. L’ONG pense que le FFU ouvre bien « des possibilités de développement économique » mais réclame aussi un contrepoids « pour s’assurer que les intérêts européens ne l’emportent pas sur les besoins des populations ».
« De faibles résultats concernant les retours vers les pays d’origine »
« Loin d’un véritable partenariat, le FFU est entre les mains des Européens, estime Mathieu Tardis, chercheur au Centre Migrations et citoyennetés de l’Institut français des relations internationales. L’UE veut diminuer le nombre d’arrivées de migrants, et, vu les chiffres, elle a eu un certain succès, dû essentiellement aux actions entreprises en Libye. Elle a en revanche eu de faibles résultats concernant les retours vers les pays d’origine. Il y a aussi un risque que cette priorité donnée aux objectifs migratoires déstabilise le continent, dont l’économie repose beaucoup sur la libre circulation. »
Au Niger, détaille-t-il, « la lutte contre les passeurs a abouti à l’arrestation de beaucoup de conducteurs qui vivaient du transport, illégal ou légal. Depuis, l’économie du passage est tombée aux mains de trafiquants et le nombre de morts dans le désert a augmenté. »
Sources : la-croix.com