Bénéficiaires du mécanisme européen de répartition mais déboutés de l’asile, des migrants dans l’impasse….
Des dizaines de migrants, originaires du Sénégal, Mali, Nigeria, Niger, Cameroun et de Gambie, se retrouvent aujourd’hui dans l’incertitude en Allemagne, où ils ont été envoyés dans le cadre du mécanisme européen de répartition. Pour beaucoup, leurs demandes d’asile ont été rejetées.
« Les choses ne se déroulent pas comme on le pensait », lâche Kemo, demandeur d’asile gambien de 25 ans qui vit depuis deux mois en Allemagne. Bien qu’il ait été accepté dans ce pays dans le cadre du mécanisme de répartition européen, Kemo a récemment vu ses espoirs déçus. Mardi 3 mars, les autorités allemandes l’ont notifié que sa demande d’asile avait été rejetée. « Ils ont dit que c’était pour des raisons personnelles », dit-il simplement. « Je ne peux pas avoir un permis de résidence. Je ne sais pas quoi faire maintenant. »
Kemo réside pour l’instant à Halberstadt (Saxe-Anhalt), dans le nord de l’Allemagne. Depuis décembre, il est nourri, logé dans un centre d’accueil et dit bénéficier d’une aide financière de 135 euros par mois. Le 24 septembre 2019, le jeune homme avait été débarqué du navire humanitaire Ocean Viking, en Italie. Heureux hasard du calendrier : la veille de ce débarquement, le mécanisme européen de répartition des migrants avait été entériné à La Valette par la France, l’Allemagne, l’Italie et Malte.
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Ce mécanisme, auquel seuls les États européens volontaires participent, est censé permettre d’éviter que des bateaux de migrants ne restent bloqués indéfiniment en mer en attendant que des pays acceptent, au cas par cas, de les accueillir. Une fois sur la terre ferme, Kemo a tout de même dû attendre plusieurs mois avant de connaître son point de chute.
« Quand nous étions en Italie, nous avons passé des entretiens avec le Bureau européen d’appui en matière d’asile [EASO, selon son acronyme anglais, NDLR] puis avec les autorités allemandes », raconte Kemo. À l’issue de ces entretiens, l’Allemagne avait accepté de le recevoir sur son territoire, ainsi qu’une centaine d’autres personnes, réparties dans quatre lieux différents à travers le pays.
« En Allemagne, j’ai dû repasser des entretiens »
Mais ce sésame ne représente pas la fin du chemin pour les demandeurs d’asile. « Ces personnes ont interprété cette ‘invitation’ comme la preuve qu’un statut de protection allait leur être conféré », regrette Helen Deffner, membre du Conseil des réfugiés de Basse-Saxe, un organisme qui défend les droits des demandeurs d’asile. Pourtant, ce mécanisme de répartition ne garantit pas l’obtention de l’asile dans les pays concernés.
Une fois arrivés dans leur pays d’accueil, les demandeurs d’asile entrant dans le cadre d’un mécanisme de répartition restent soumis à la procédure officielle. « En Allemagne, j’ai dû repasser des entretiens », explique Kemo, surpris. « J’ai à nouveau raconté ce que j’avais déjà dit en Italie. »
À savoir sa fuite de la Gambie pour échapper à des persécutions de la part de sa communauté, dit-il : « Je suis musulman et j’ai épousé une femme chrétienne. Chez moi, ce genre d’union est taboue. On m’a donné deux options : soit je devais convertir ma femme à l’islam, soit je devais divorcer. J’ai refusé l’une comme l’autre. C’est là que les problèmes ont commencé. »
Après avoir quitté son pays natal, Kemo a passé deux ans en Libye, vivant de petits boulots, avant de prendre la mer. Le jeune homme avait ensuite été secouru par l’Ocean Viking. Quelques jours plus tard, il avait fait partie des 182 migrants débarqués à Messine, en Sicile.
« La frustration est énorme »
À Halberstadt, ils sont 33 migrants, originaires du Sénégal, du Mali, du Nigeria, du Niger, du Cameroun et de Gambie, dans le même cas de Kemo. « Autour de moi, les gens ne reçoivent que des réponses négatives de la part des autorités allemandes », se désole-t-il, affirmant vouloir déposer un recours.
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Outre les rescapés de l’Ocean Viking, Helen Deffner note la présence dans le pays de plusieurs migrants ayant été recueillis par le navire Sea Watch 3. Pour ces personnes, dont la situation administrative ne se débloque pas, « la frustration est énorme », confie-t-elle. « La plupart viennent du Cameroun, du Ghana et du Sénégal et ils font maintenant tous l’objet de rapports négatifs. »
Au mois de novembre 2019, l’Allemagne avait produit des avis d’expulsion concernant 248 000 demandeurs d’asile, une progression de 5% par rapport à l’année précédente.