Le patron de l’agence européenne de surveillance des frontières s’est défendu mardi devant les eurodéputés suite aux accusations de refoulements illégaux de migrants en mer Égée. Même si Fabrice Leggeri a assuré qu’aucune preuve n’allait dans ce sens, plusieurs parlementaires demandent sa démission et une enquête indépendante.
Frontex est dans la tourmente. Le directeur de l’agence européenne de garde-frontières et garde-côtes a dû s’expliquer mardi 1er décembre devant les eurodéputés de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures.
L’organisation est pointée du doigt depuis plusieurs semaines après une enquête de plusieurs médias, dont le magazine allemand Der Spiegel, qui l’accusent d’être impliquée dans des incidents de refoulements de bateaux de demandeurs d’asile en mer Égée, entre la Turquie et la Grèce.
« Pratiques illégales des gardes-frontières »
Les investigations menées « montrent pour la première fois que les responsables de Frontex sont conscients des pratiques illégales des gardes-frontières grecs et sont en partie impliqués dans les refoulements eux-mêmes », écrivait Der Spiegel dans un article mis en ligne samedi 24 octobre.
Au cours de ces événements survenus depuis le mois d’avril, les équipes de l’agence européenne ont, au minimum, assisté sans réagir à des refoulements vers la Turquie de bateaux de migrants cherchant à rejoindre les îles grecques de la mer Égée, affirment les journalistes.
Une vidéo tournée en juin montre un navire de Frontex bloquant un bateau d’exilés, puis, dans une autre scène, passant devant le bateau de migrants à grande vitesse avant de quitter les lieux.
InfoMigrants a déjà reçu des témoignages et vidéos de garde-côtes grecs ayant agi de cette manière face à une embarcation de demandeurs d’asile venant de Turquie.
« Aucune preuve d’une participation de Frontex »
Mais Athènes a toujours rejeté ces accusations. Face aux critiques, Frontex, qui a déployé quelque 600 agents pour aider les garde-côtes grecs, avait ouvert une enquête interne sur ces allégations.
« Nous n’avons pas trouvé de preuve d’une participation active, directe ou indirecte, de la part du personnel de Frontex ou d’agents déployés par Frontex dans des refoulements », a déclaré le directeur exécutif de l’agence, Fabrice Leggeri aux eurodéputés.
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Le Français, qui s’exprimait par lien vidéo, a souligné à plusieurs reprises que les autorités grecques étaient responsables du commandement de ces opérations. Il a indiqué leur avoir signalé et demandé d’enquêter sur deux « situations » en avril et juillet dans lesquelles Frontex soupçonnait des violations des droits fondamentaux.
Des questions restées sans réponse
Fabrice Leggeri a également évoqué la situation « compliquée » en Méditerranée orientale en raison des conflits frontaliers entre la Grèce et la Turquie.
Le responsable a « salué » l’enquête récemment ouverte par la médiatrice de l’UE Emily O’Reilly sur l’action de Frontex face à ces accusations, ainsi que sur le rôle et l’indépendance de « l’officier aux droits fondamentaux » de l’agence.
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Fabrice Leggeri, qui a reconnu des « carences », a notamment indiqué avoir proposé que l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne déploie du personnel pour surveiller l’action de Frontex.
Malgré ces déclarations, plusieurs eurodéputés continuent d’émettre des doutes sur l’action de Frontex et appellent à la démission de son directeur ainsi qu’à une enquête indépendante. « Même après l’échange actuel, trop de questions restent sans réponse », a déclaré l’eurodéputée socialiste allemande Birgit Sippel. « Il est clair que le directeur exécutif a failli à nombre de ses responsabilités et qu’il devrait démissionner en conséquence. »
En visite au Maroc, la Commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, a réitéré sa confiance dans le conseil d’administration de Frontex, mais a également fait part de ses préoccupations. « Si c’est vrai, c’est totalement inacceptable. Une agence européenne doit se conformer au droit européen et aux droits fondamentaux sans excuse », a-t-elle affirmé. « De nombreuses questions ont été posées au directeur. Et il n’a pas répondu à ces questions », a regretté la Commissaire.
Sources : InfoMigrants