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Refoulements de migrants : Frontex face à la justice européenne

Lors d’une action en justice inédite, un recours a été déposé, le 21 mai, auprès de la Cour européenne contre l’agence de surveillance des frontières de l’UE Frontex, au nom de deux demandeurs d’asile. Ces derniers disent avoir été victimes de violences après avoir atteint l’île de Lesbos, en Grèce, avant d’être abandonnés sur des radeaux.

Pour la première fois, Frontex est poursuivie en matière de droits de l’Homme. Un recours a été déposé auprès de la justice européenne contre l’agence de surveillance des frontières de l’Union européenne (UE), ont annoncé mardi 25 mai les organisations à l’initiative de cette action, Front-Lex, Progress Lawyers Network et Greek Helsinki Monitor. 

Cette plainte, introduite le 21 mai auprès de la Cour de justice de l’UE, est au nom de deux demandeurs d’asile : un mineur congolais et une Burundaise qui avaient atteint l’île de Lesbos, en Grèce. Tous deux se disent victimes de violences et de refoulements. 

Ils affirment avoir été « agressés, volés », « détenus », puis « expulsés collectivement et finalement abandonnés sur des radeaux, sans moteur, ni eau, ni nourriture ». Des accusations qui s’ajoutent aux nombreux autres témoignages allant dans ce sens, récoltés par des médias, des ONG ou encore étayés par d’autres acteurs, comme des soldats allemands, au cours des dernières années. InfoMigrants reçoit aussi régulièrement des témoignages de refoulements en mer Égée.

>> À (re)voir : Vidéo-témoignage : un navire des garde-côtes grecs tente de repousser une embarcation de migrants en mer Égée

Pour l’avocat Omer Shatz, co-fondateur de l’ONG Front-Lex contacté par InfoMigrants, cette action en justice est cruciale. « C’est la première fois dans l’Histoire que Frontex sera conduite devant un tribunal pour des violations des droits de l’Homme », s’enthousiasme-t-il. « Étonnamment, en 15 ans d’existence, et malgré son implication dans des crimes atroces commis en Méditerranée centrale et orientale, l’agence et les forces des pays membres qui sont déployées dans le cadre de ses missions n’ont jamais été tenus responsables. »

« Complice de crime contre l’humanité »

Frontex est particulièrement pointée du doigt depuis la publication, en octobre 2020, d’une enquête de plusieurs médias sur ses pratiques. Elle y est accusée d’être impliquée, avec les garde-côtes grecs, dans des incidents de refoulement de bateaux de migrants à la frontière entre la Grèce et la Turquie. Plus récemment, en février, l’ONG allemande Mare Liberum a enfoncé le clou en documentant, dans un rapport, près de 10 000 refoulements survenus en 2020.

« Frontex est complice de crime contre l’humanité en ce qui concerne l’expulsion de plus de 10 000 êtres humains en 2020 seulement », assène encore Omer Shatz.

Des enquêtes au sein de plusieurs institutions de l’UE ont déjà été ouvertes sur le fonctionnement de cette agence européenne et, en janvier, Frontex avait suspendu ses activités en Hongrie après une décision de la Cour de justice européenne critiquant le système d’asile de ce pays et les expulsions illégales de migrants. Mais malgré cela, « à ce jour, la Cour n’a jamais examiné les pratiques de Frontex ni offert de recours à ses innombrables victimes », affirment les avocats de l’ONG Front-Lex.

>> À (re)lire : Refoulements illégaux : les députés européens se penchent à leur tour sur l’affaire Frontex

Ce recours en justice amorcé par les deux demandeurs d’asile fait suite à une première action de Front-Lex en février. L’organisation avait alors demandé au directeur exécutif de l’agence, Fabrice Leggeri, de suspendre ses activités en mer Égée, menaçant de saisir la justice européenne. Frontex avait répondu par un statu quo.

Les ONG invoquent l’article 46 du règlement applicable à l’agence prévoyant que le directeur exécutif « suspende » une activité de Frontex « ou y mette un terme, en tout ou en partie », « s’il estime qu’il existe des violations graves ou susceptibles de persister des droits fondamentaux ou des obligations en matière de protection internationale liées à l’activité concernée ».

« Aucune preuve », selon Frontex

Selon Frontex, toutefois, « aucune preuve » de violation des droits humains n’a été établie dans une enquête interne mise en place par le conseil d’administration de l’agence. Cette enquête avait été menée en janvier à la suite d’accusations de refoulements illégaux de migrants.

>> À (re)voir : Fabrice Leggeri de Frontex : « Certains ne veulent toujours pas d’une agence de l’UE dotée de gardes-frontières »

Pour l’avocat Omer Shatz, cette déclaration est en soi un aveu détourné. « Au début, Frontex ne niait pas les violations, elle disait simplement qu’elle n’était pas impliquée. Mais maintenant que sa complicité a été démontrée, l’agence change de discours pour dire qu’il n’y a pas de violations », poursuit-il.

Malgré les controverses, Frontex a vu son mandat renforcé depuis 2019 et se dote progressivement d’un contingent permanent. L’agence prévoit de disposer d’un effectif permanent de 10 000 garde-frontières et garde-côtes à l’horizon 2027.

Sources : https://www.infomigrants.net/

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