L’Union européenne va accorder une « protection temporaire » aux réfugiés fuyant la guerre en Ukraine, qu’ils soient ressortissants ukrainiens ou résidents de longue date dans ce pays. Ce dispositif inédit leur permettra de séjourner dans l’UE pendant un an renouvelable, d’y travailler ou encore d’accéder à un logement. Les étudiants étrangers qui vivaient en Ukraine, en revanche, ne sont pas concernés.
Face à l’urgence, l’Europe enclenche un mécanisme inédit. Les pays de l’Union européenne (UE) ont accepté jeudi 3 mars à l’unanimité d’accorder une « protection temporaire » aux réfugiés fuyant la guerre en Ukraine.
C’est la première fois que cette directive sur les personnes déplacées, datant de 2001, est activée. Elle permettra aux réfugiés venant d’Ukraine de séjourner dans l’UE pendant un an renouvelable, d’y travailler, d’accéder aux aides sociales ainsi qu’au logement, au système scolaire et aux soins médicaux.
Plus d’un million de personnes ont déjà fui l’Ukraine depuis le début de l’invasion russe le 24 février.
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« Nous avons déjà accueilli environ 1 million de réfugiés et nous en verrons des millions d’autres », a réagi la commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson à l’issue de la réunion ministérielle à Bruxelles. « Nous avons besoin de cette législation pour leur offrir une protection adéquate. »
Les ressortissants d’autres pays résidents de longue durée en Ukraine pris en compte
C’est précisément cet afflux massif de personnes qui justifie le déclenchement de cette directive, jusque-là inutilisée, même après l’éclatement de la guerre en Syrie en 2011 ou la fuite des Afghans de leur pays suite à la prise de pouvoir des Taliban à l’été 2021.
« Nous sommes face à une situation où on va se retrouver, en peu de temps, avec des millions de déplacés venus d’un seul pays, selon les estimations de l’ONU », explique Maître Aude Rimailho, avocate au barreau de Paris, spécialisée dans le droit d’asile, contactée par InfoMigrants. « C’est inédit pour l’Europe. Les Syriens, par exemple, [au déclenchement de la guerre] étaient majoritairement allés se réfugier au Liban, en Turquie.
Concrètement, ce statut de « protection temporaire » sera valable pendant un an renouvelable alors que, jusqu’à présent, les ressortissants ukrainiens ne pouvaient rester que 90 jours sans visa dans l’UE. Il sera accordé aux ressortissants ukrainiens ayant fui l’Ukraine depuis le 24 février et à leurs familles, ainsi qu’aux ressortissants étrangers résidents de longue durée en Ukraine.
Il sera par ailleurs toujours possible pour une personne bénéficiant de ce dispositif de faire une demande d’asile dans un pays, le statut de réfugié conférant une protection de plus longue durée. Le temps de cette demande, la personne ne sera pas considérée comme demandeuse d’asile mais comme bénéficiaire de cette protection. En cas d’échec de sa demande, sa « protection temporaire », si elle n’a pas expiré, sera toujours effective.
En ce qui concerne les ressortissants étrangers « résidents de longue durée » en Ukraine, chaque État membre pourra appliquer la protection temporaire, selon les directives européennes ou selon la législation nationale du pays.
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Certains États, comme la Grèce, l’Italie ou l’Espagne, utilisent déjà des dispositifs particuliers pour répondre aux urgences humanitaires, détaille Maître Aude Rimailho. Ils attribuent des titres de séjours humanitaires à « des personnes très vulnérables » ou des « personnes ayant vécu des sévices sur le chemin de l’exil mais qui n’entrent pas dans le cadre des demandes d’asile ».
Les étrangers résidant en Ukraine exclus de la mesure
Reste le cas des étrangers résidant en Ukraine, mais ne disposant pas d’un titre de séjour de longue durée (travailleurs temporaires, étudiants…). Ceux-ci ne sont pas concernés par ce dispositif de « protection temporaire ».
« Ils ne sont pas couverts par ce statut, mais nous travaillons étroitement avec les Ukrainiens pour les accueillir dans l’UE, où nous leur offrirons une protection immédiate et les aiderons à se loger, se vêtir et se nourrir », a expliqué Ylva Johansson.
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« Nous nous concerterons avec les pays dont ils sont originaires, pour voir comment des vols pourront être organisés pour les ramener en sécurité chez eux », a-t-elle poursuivi.
Des opérations sont déjà en cours, avec des avions affrétés par l’Inde, le Maroc ou la Tunisie, selon une source européenne, qui rappelle que les personnes concernées peuvent également déposer une demande d’asile dans l’UE.
Ce « mécanisme inédit de solidarité » entre les États en laisse certains perplexes. Bien qu’il « offre une nouvelle vie aux gens fuyant le danger », il intervient après des années de « piètre bilan » de l’UE en matière d’accueil des migrants, a notamment commenté l’ONG Oxfam. Des dizaines de milliers de personnes fuyant guerres, persécutions et misère, croupissent depuis des années dans des camps formels et informels à travers l’Europe.
« Un changement de paradigme bienvenu »
Selon Nancy Faeser, la ministre allemande de l’Intérieur, l’accord unanime des Vingt-Sept autour de cette protection temporaire marque « un changement de paradigme bienvenu ». Pour autant, aucun plan de répartition formelle des réfugiés entre pays de l’UE n’est sur la table à ce stade.
« Ce n’est pas seulement un acte de compassion en temps de guerre : c’est notre devoir moral en tant qu’Européens », a commenté depuis la Roumanie la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
« Nous ne sommes pas naïfs, accueillir des millions de réfugiés représentera des défis innombrables pour nos sociétés. Mais nous sommes désormais dans une bien meilleure position pour y répondre », a encore affirmé Ylva Johansson.
Source: https://www.infomigrants.net