Le naufrage survenu sur les côtes de la Calabre, en Italie, dimanche, est l’un des pires de la décennie. Pour beaucoup, il agit comme un révélateur des mesures strictes appliquées par Rome pour contrer l’immigration illégale.
Des corps et des débris qui jonchent les côtes de la Calabre, dans le sud de l’Italie. Deux jours après le naufrage d’une embarcation transportant entre 150 et 200 migrants, qui s’est fracassée sur des rochers après des jours de navigation, le bilan des victimes s’élève mardi 28 février à 64 personnes, dont 12 enfants. Seuls 79 survivants, originaires d’Afghanistan, du Pakistan, de Somalie et de Syrie, ont réchappé au drame et de nombreux passagers sont toujours portés disparus. Une tragédie rare dans cette région où accostent pourtant des milliers de migrants chaque année, souvent venus de Tunisie et de Libye, ou plus loin, de la Turquie et du Liban.
« En Italie, on n’avait pas vu quelque chose comme ça depuis le 3 octobre 2013« , commente Sara Prestianni, chargée du programme « migration et asile » au sein de l’ONG EuroMed Rights, jointe par InfoMigrants. Ce jour-là, un chalutier transportant environ 500 personnes, parties de Libye, avait sombré à moins d’un kilomètre du rivage de l’île italienne de Lampedusa. Bilan : 368 morts.
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Bien d’autres naufrages, plus discrets, voire invisibles, ont eu lieu ces dernières années. Entre octobre 2013 et octobre 2022, au moins 25 000 personnes ont perdu la vie en Méditerranée en tentant de rejoindre l’Italie, avaient affirmé les agences onusiennes Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), Organisation internationale pour les migrations (OIM), et l’UNICEF à l’occasion de l’anniversaire du naufrage. Sur ce total, près de 20 000 d’entre elles sont mortes sur la route de la Méditerranée centrale.
« Il est très difficile de dire où exactement se sont produits ces naufrages », commente Sara Prestianni. Mais à la différence des nombreux migrants morts en mer loin des regards, ceux de la Calabre sont ostensibles. Pour beaucoup, ce drame qui vient endeuiller les côtes italiennes agit d’ailleurs comme un révélateur des mesures strictes appliquées par Rome pour contrer l’immigration illégale.
« Le résultat des dommages causés par les politiques italienne et européenne »
L’Italie a en effet récemment développé un arsenal de mesures anti-migrants. Quelques jours à peine avant le naufrage de dimanche, le Parlement italien venait de valider un décret, promulgué le 2 janvier, obligeant les navires humanitaires à effectuer un seul sauvetage à la fois, et à rallier ensuite immédiatement un port de débarquement, parfois situé dans le nord de l’Italie, moyennant plusieurs jours de navigation. Les humanitaires sont ainsi forcés de quitter précipitamment une zone maritime où les passages d’embarcations de migrants sont fréquents, et où aucun autre moyen de secours n’est déployé. Un autre décret, autorisant uniquement les migrants vulnérables à débarquer dans un port italien, a quant à lui été jugé illégal par le tribunal de Catane, en Sicile, mi-février.
Dernière manifestation d’hostilité en date envers ceux qui aident les migrants : le navire humanitaire Geo Barents, de Médecins sans frontières (MSF), a été immobilisé le 23 février pour vingt jours dans un port sicilien et condamné à une amende de 10 000 euros par les autorités italiennes, en raison d’un supposé manque d’informations fournies par l’équipage.
Sources :www.infomigrants.net