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Royaume-Uni : le gouvernement veut interdire aux migrants arrivant par la Manche de demander l’asile

Le gouvernement britannique a présenté mardi 7 mars son projet de loi pour lutter contre l’immigration. Il prévoit notamment d’interdire les demandes d’asile pour toute personne entrée irrégulièrement dans le pays. Un projet jugé « inhumain » par de nombreuses ONG.

De son aveu lui-même, le gouvernement britannique ne sait pas si son projet « est compatible » avec la Convention européenne des droits de l’Homme. Et pour cause, avec ce texte présenté mardi 7 mars devant le Parlement, les autorités veulent rendre impossible à toute personne rejoignant le Royaume-Uni par la Manche de demander l’asile.

« Si vous arrivez de manière irrégulière, vous ne pouvez pas demander l’asile. Vous ne pouvez pas bénéficier de nos protections contre l’esclavage moderne. Vous ne pouvez pas faire de demandes fallacieuses liées aux droits humains et vous ne pouvez pas rester » au Royaume-Uni, a déclaré lors d’une conférence de presse le Premier ministre britannique, Rishi Sunak.

Seules les personnes mineures ou gravement malades ne seront pas visées par cette interdiction de demander l’asile. Tous les autres migrants seront placés en détention puis expulsés « en quelques semaines » vers leur pays d’origine ou un autre « pays sûr », soutient le gouvernement britannique. Ils pourront par exemple être envoyés vers le Rwanda, via l’accord conclu entre les deux pays en avril 2022, si le projet, encore bloqué par des recours judiciaires, débute un jour. Un accord existe également avec l’Albanie.

45 000 arrivées par la Manche en 2022

La loi « permet la détention des arrivants illégaux sans caution ni contrôle judiciaire au cours des 28 premiers jours de détention, jusqu’à ce qu’ils puissent être expulsés », a précisé la ministre de l’Intérieur, Suella Braverman, au Parlement.

Cette loi a pour but de mettre un terme aux traversées de la Manche depuis la France vers le territoire britannique, un itinéraire de plus en plus emprunté par les migrants. Avec plus de 45 000 arrivées par cette voie maritime l’année dernière (surtout des Albanais et Afghans mais aussi des Iraniens, Irakiens et Syriens) et déjà plus de 3 000 cette année, le système d’asile au Royaume-Uni est « dépassé », selon Londres. Par rapport à 2019, le nombre de traversées de la Manche a été multiplié par 20 : une conséquence, notamment, du renforcement massif des contrôles sur les voies routières.

Le gouvernement promet de développer des « voies sûres et légales » pour les réfugiés, sans plus de précision à ce stade. Le Parlement fixera chaque année un quota de réfugiés autorisés à s’installer au Royaume-Uni.

« La loi viendra mettre fin au droit d’asile »

ONG et associations sont unanimes sur ce texte et s’y opposent fortement. « Interdire aux gens de demander l’asile est illégal, inapplicable et complètement inhumain », a réagi sur Twitter la directrice de Human Rights Watch pour le Royaume-Uni, Yasmine Ahmed. De son côté, Amnesty International dénonce « un nouveau coup bas choquant du gouvernement ». « Une telle interdiction générale empêchant les personnes de demander l’asile et d’autres formes de protection internationale au Royaume-Uni serait en contradiction avec les obligations du Royaume-Uni en matière de droits humains et du droit des réfugiés », a affirmé Volker Türk, le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme.

Le projet « constituerait une violation claire de la convention de l’ONU sur les réfugiés et mettrait à mal une longue tradition humanitaire dont les Britanniques sont légitimement fiers », ajoute le HCR.

« Les plans n’arrêteront pas les traversées mais laisseront simplement des personnes traumatisées enfermées dans un état de misère et traitées comme des criminels et des terroristes présumés sans une audience équitable sur notre sol », s’est indigné Enver Solomon, directeur du Refugee Council.

Pour d’autres, ce projet « ignore la réalité » de l’immigration au Royaume-Uni. « Ces personnes doivent pouvoir venir au Royaume-Uni par des voies légales, mais ne le peuvent tout simplement pas », a exposé Anne McLaughlin, co-présidente du groupe parlementaire multipartite sur la migration.

Selon les chiffres du ministère britannique, parmi les nationalités qui demandent le plus souvent l’asile au Royaume-Uni, les Afghans, les Érythréens et les Syriens ont des taux d’octroi très élevés lors de la décision initiale (98 %, 98 % et 99 %, respectivement). Concernant les Albanais, devenus majoritaires dans les traversées de la Manche, le taux est de 49%, mais il atteint 87% pour les femmes et les enfants et 11% pour les hommes. Et toutes nationalités confondues, sur les demandes d’asile traitées en 2022, 76% ont été acceptées. La plupart « ne sont donc pas illégaux », a réagi dans une tribune, publiée ce mercredi dans le Guardian, le président du Refugee Council, réclamant, comme la plupart des ONG, un trajet sûr pour les demandeurs d’asile. Fin décembre 2022, plus de 160 000 personnes étaient toujours en attente d’une décision. 

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