De samedi 4 à mercredi 8 mars, une famille russe avec six enfants âgés de 2 à 13 ans a été retenue dans le local de rétention de Modane, à la frontière franco-italienne. L’association Anafé dénonce les conditions de rétention : pas de chauffage, pas d’accès à un médecin, et un stress constant pour les enfants.
Un couple et six enfants, d’origine russe, a été retenu quatre jours dans la zone d’attente de Modane, à la frontière franco-italienne. Samedi 4 mars, la famille a été interpellée par la Police aux frontières (PAF) et placée dans leurs locaux.
Dans cette famille de huit, les enfants sont très jeunes : de 2 à 13 ans. La zone d’attente est dédiée aux personnes faisant l’objet d’un refus d’admission sur le territoire français. Concrètement, c’est « une pièce très petite, d’une dizaine de mètres carré, avec un seul lit superposé », décrit Laure Palun, porte-parole de l’association Anafé, dont les équipes étaient en contact téléphonique avec la famille.
Dans cette pièce, une seule fenêtre, « avec des barreaux, qui donne sur le quai de la gare ». Un petit cabinet de toilettes est accessible, mais en revanche, pas de douche. Il faut se faire accompagner jusqu’aux locaux de garde à vue pour en prendre une, ou dans le local de rétention administrative.
Très vite, c’est dans ce local de rétention que la PAF a transféré la famille. De fait, avec son unique lit superposé, la zone d’attente est loin de pouvoir recevoir une famille de huit. « La famille a donc été enfermée dans le local de rétention, alors qu’elle était sous procédure zone d’attente », relève Laure Palun.
Pas de chauffage : « les enfants sont tombés malades »
Les locaux de rétention, comme les centres de rétention administrative (CRA), sont dédiés aux personnes soumises à une Obligation de quitter le territoire français (OQTF). « Avec un simple refus d’entrée sur le territoire, normalement, elles ne peuvent pas y être placés. Mais là, ils l’ont fait vu la nécessité », expose la responsable de l’Anafé.
Or, dans ce local de rétention, le chauffage n’a pas été allumé. « Les enfants sont tombés malades », déplore Laure Palun.
De plus, « la mère de famille était souffrante, elle avait des problèmes de santé. Elle voulait voir un médecin mais cela lui a été refusé », dénonce encore la responsable de l’Anafé.
Contactée au sujet des conditions de rétention de cette famille, la préfecture de Savoie n’a pas, pour l’heure, répondu à nos questions.
« Traitement inhumain »
Rien n’interdit, dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), l’enfermement des enfants avec leurs parents. En revanche, la Défenseure des Droits, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou encore la Commission nationale consultative des droits de l’homme ont plusieurs fois dénoncé ces situations comme étant contraires à la Convention internationale des droits de l’enfant.
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Seuls les mineurs isolés sont protégés, eux, du placement en rétention. En revanche, ils peuvent être placés en zone d’attente. « Hier, il y a avait sept mineurs retenus dans la zone d’attente de Roissy, isolés ou accompagnés. Aujourd’hui, il y en a trois à Orly. Il y a deux semaines, c’était une jeune fille mineure isolée à Roissy », déroule Laure Palun.
Ces rétentions, qu’elles concernent des mineurs isolés ou accompagnés, « ont de nombreuses conséquences : des enfants extrêmement stressés et angoissés, qui n’ont pas la nourriture suffisante et les réponses à leurs besoins, qui se remettent à faire pipi au lit… » liste Laure Palun.
Les enfants de la famille russe de Modane, par exemple, « n’arrivaient pas à s’alimenter. Ils étaient hyper stressés. Il n’y a pas de divertissement… Et puis les enfants ressentent aussi le stress de leurs parents. »
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Il y a quelques semaines, à Nice, deux mineurs étaient même enfermés dans un local « sans fenêtre, donc sans lumière du jour. Ils nous ont dit qu’ils avaient perdu la notion du temps », raconte Laure Palun. Le juge des libertés et de la détention, qui les a libéré, « a déclaré que c’était un traitement inhumain et dégradant ».
Une demande d’asile sans confidentialité
Dès le samedi soir, la famille russe a déposé une demande d’asile. Cela a empêché les autorités de les reconduire en Italie directement, comme cela se passe souvent à la frontière franco-italienne.
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C’est seulement le mercredi, après un entretien en visio avec l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et un avis favorable du ministère de l’Intérieur – toujours sollicité dans le cadre de ces procédures -, que leur admission sur le territoire au titre de l’asile a été acceptée.
La famille a dû passer cet entretien avec l’Ofpra depuis une petite salle du poste de Modane. Les conditions interrogent, là encore. « C’est aussi une salle de réunion pour les policiers. Elle est collée au bureau d’un policier, avec une vitre sur la porte », décrit Laure Palun. « Quand on est devant la porte, on entend ce qui se dit. Il n’y a pas de confidentialité. »
Sources : https://www.infomigrants.net/