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À Mayotte, la tension à son comble entre migrants et Mahorais

Plusieurs centaines de migrants venus de Somalie, du Soudan ou encore de RDC vivent actuellement autour du stade de Cavani, à Mamoudzou, et sont continuellement ciblés par une partie de la population, qui les considèrent comme la cause de tous les maux. Sur place, de nombreux migrants dénoncent violences et intimidations. Reportage.

De notre correspondante régionale,

« L’opération d’évacuation du stade Cavani sera réalisée dans les prochains jours pour répondre aux préoccupations du territoire », a annoncé lundi 19 février le ministère des Outre-mer. Depuis un mois, c’est sur ce vaste stade de foot du chef-lieu de Mayotte que les yeux se sont braqués. Ou plutôt, sur ses occupants.

Autour du stade, dans une partie en friche située entre le terrain et le mur d’enceinte, une cinquantaine de tentes de fortunes surmontées de bâches bleues ont été installées. Pris en étau entre des grillages et des barbelés, ses habitants semblent enfermés. Ils n’étaient encore qu’une trentaine il y a quelques mois, avant d’atteindre près de 700 occupants fin janvier. Désormais, ils seraient environ 250.

Le campement du stade de Cavani, à Mayotte, le 26 janvier 2024. Crédit : Daniel Gros/LDH
Le campement du stade de Cavani, à Mayotte, le 26 janvier 2024. Crédit : Daniel Gros/LDH

Les hommes, les femmes et les enfants qui vivent ici sont originaires de différents pays d’Afrique : la Somalie, le Soudan, la République démocratique du Congo ou encore la Tanzanie et le Mozambique. Certains sont là depuis 2018, quand d’autres sont arrivés il y a quelques mois. Ils ont fui la guerre, la famine, les menaces politiques ou cherchent une vie meilleure.

Mais l’afflux de ces populations, amplifiée ici au fil des mois, a attisé la colère des Mahorais. « C’est la goutte d’eau », déclare ainsi une professeure et soutien du mouvement de contestation des dernières semaines. Un « combat de plus », en référence à l’habituelle volonté de réduire l’immigration comorienne. Une situation qui engendre des actes violents : certains collectifs mahorais ont cadenassé les locaux d’associations d’aides aux migrants, et ont empêché certains relogements envisagés par l’État. Deux habitants du camp ont même été blessés à l’occasion d’une manifestation.

« On ne veut pas des Africains »

À l’entrée du camp, Hendric porte une charlotte blanche et un pansement sur l’œil. « Je sors de l’hôpital, je me suis fait poignarder par des délinquants ». Il tend le document médical qui atteste de ses blessures. « J’étais aux toilettes quand ils sont arrivés avec des cagoules et m’ont attaqué », raconte le trentenaire originaire du Rwanda qui a grandi au Mozambique.

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Ces tensions le poussent à vouloir quitter le territoire. « Ma demande a été rejetée, et avec tout ça, j’ai peur, même de sortir d’ici, je veux juste repartir », confie-t-il en pleurs. Après cinq ans sur le territoire français, il attend maintenant que l’État le renvoie au Mozambique.

Un climat devenu particulièrement lourd ces dernières semaines, sous la pression des collectifs, venus parfois brûler les matelas des migrants pendant leurs manifestations. Une mobilisation qui a entraîné une dégradation des relations avec la population. « Je vis au camp, parce que pour l’instant, vivre dans les quartiers, ce n’est pas possible. Ils ne veulent plus de nous. Dans la rue, on nous appelle ‘les Africains’. On nous dit : ‘On ne veut pas des Africains' », témoigne Grace.

De nombreux enfants et femmes vivent dans le camp de Cavani, à Mayotte. Crédit : Daniel Gros / LDH
De nombreux enfants et femmes vivent dans le camp de Cavani, à Mayotte. Crédit : Daniel Gros / LDH

Cette Burundaise de 42 ans est à Mayotte depuis 2018. Elle a fui la répression des manifestations de 2015 contre un troisième mandat du président Nkurunziza. « On m’a cherché, on voulait me tuer avec mon mari. Je voulais demander la protection, car la France, c’est le pays de la loi. Je croyais que Mayotte, c’était la France, mais on ne peut plus rester ici », déplore cette mère de famille.

Icham* vit ici depuis deux ans, il a obtenu un titre de séjour et habitait une colocation toute proche. Mais, au début du mouvement, il en a été chassé. « Les Mahorais étaient fâchés, disaient qu’ils ne voulaient plus d’immigration et nous qui payons un loyer, on nous a mis dehors. C’est très violent », relate le jeune homme. Icham* pense que sa propriétaire, Mahoraise, aurait pu subir des pressions.

« Les demandeurs d’asile sont abandonnés sur ce campement »

C’est en tout cas ce qu’observe Daniel Gros, représentant de la Ligue des droits de l’Homme à Mayotte. Il se rend quasi quotidiennement sur le camp, où tous le connaissent, pour qu’ils aient de la visite. « Ils n’ont pas d’eau, pas de nourriture, on leur donne 30 euros par mois et 10 euros par enfants : ça fait 30 centimes par jour ! Si on ne se sent pas ridicule avec ça, c’est qu’il y a un problème de compréhension de l’humanité », lâche le militant.

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En raison de la chaleur, certains exilés dorment dehors avec leurs enfants. Mohammed, qui a quitté la Somalie en guerre, vit dans une voiture abandonnée. À ses côtés, Koradidja, 18 ans, sortie de famille d’accueil le mois dernier après trois ans de prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance. Bac en poche, elle est contrainte de vivre ici, à même le sol, avec son frère.

Daniel Gros s’étonne que les « xénophobes aient obtenu ce qu’on demandait depuis trois ans » – à savoir le démantèlement, et donc le relogement de ces personnes, en vue de traiter leurs dossiers. Une opération imminente selon le ministère des Outre-mer, qui pourrait concorder avec l’entrée en fonction du nouveau préfet, le 24 février prochain.

Sources: https://www.infomigrants.net/

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