« Comme une prison à ciel ouvert » : au Royaume-Uni, MSF et Doctors of the World appellent à la fermeture du centre de Wethersfield

Dans un rapport publié la semaine dernière, Médecins sans frontières et Doctors of the World ont relayé des données collectées lors de consultations médicales et des témoignages de plusieurs personnes interrogées entre novembre 2023 et décembre 2024 dans le centre de Wetherfield. Ces demandeurs d’asile y décrivent des conditions de vie proche de la détention et néfastes pour la santé mentale. Les deux ONG appellent à la fermeture du site.
Quand il est arrivé dans le camp de Wetherfield, Mahdi a eu une désagréable impression de déjà-vu. « Lorsque j’ai vu le camp militaire pour la première fois, il m’a rappelé les camps militaires de mon pays d’origine », a témoigné l’exilé auprès des équipes de Médecins sans frontières (MSF) et Doctors of the World (DOTW, membre du réseau Médecins du Monde).
Cette ancienne caserne de la Royal Air Force, située dans l’Essex, à une centaine de kilomètres au nord-est de Londres, abrite des demandeurs d’asile depuis juillet 2023. Jusqu’à 800 hommes, âgés de 18 à 65 ans, peuvent y être hébergés. Mais les conditions de vie des demandeurs d’asile dans cette structure ne correspondent pas à leur état de santé, notamment mentale, ont alerté les deux ONG médicales dans un rapport publié le 13 mai.
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Entre novembre 2023 et décembre 2024, Doctors of the World a tenu, en partenariat avec MSF, une clinique mobile à l’extérieur du site de Wetherfield. Le rapport “’A Lonely Place’: How Wethersfield is harming people seeking asylum” (« Un lieu isolé” : Comment Wethersfield nuit aux demandeurs d’asile) a été établi à partir de données collectées lors de consultations avec 278 personnes dans cette clinique et de sept entretiens de personnes vivant dans le site de Wetherfield.
Un camp loin de tout
Parmi ces témoignages, la comparaison de Wetherfield avec une prison est courante. « Au début, j’avais l’impression d’entrer dans une prison », a par exemple confié Fadil* qui se plaint également de la grande promiscuité imposée aux résidents du site. « Ils ne nous ont pas dit que nous vivrions dans des préfabriqués de six personnes et que les salles de bain seraient partagées et éloignées. Ils nous ont seulement dit que le temps d’attente dans le camp serait de six à neuf mois, c’est tout. »
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Selon lui, les demandeurs d’asile doivent se partager trois salles de bain, « pour huit à dix préfabriqués ». Et la saleté des sanitaires dissuaderait même certains exilés d’aller aux toilettes, ajoute Fadil.
Plusieurs demandeurs d’asile ont également souligné que l’isolement de Wetherfield était difficile à vivre. « Le camp est loin. Loin de la ville, loin des gens. Par exemple, si vous utilisez les moyens de transport qu’ils proposent ici, la ville la plus proche est à 20 minutes et la plus éloignée est à une heure de route », déplore Fadil.
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Et ce point de vue a été exprimé par de nombreux exilés interrogés par MSF et DOTW, rapportent les deux ONG. « Il est clair que l’isolement de Wethersfield et les conditions de vie sur place exacerbent et contribuent à la détérioration de la santé mentale des personnes au fil du temps », soulignent-elles.
Manque de services spécialisés en santé mentale
Ces conditions de vie ne sont en aucun cas adaptées à des personnes ayant connu un parcours migratoire bien souvent traumatique ou bien ayant fui leur pays en raison de graves violences endurées, signale le rapport de MSF et DOTW.
« Les personnes fuyant la violence, la guerre, la persécution et d’autres formes de difficultés ont besoin d’un soutien thérapeutique en matière de santé mentale et de services tenant compte des traumatismes. Bien qu’un soutien de base en matière de santé mentale soit offert sur place, il n’existe pas de services spécialisés [à Wetherfield ndlr] », soulignent les auteurs du rapport.
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« Nos cliniciens ont observé que les problèmes de santé mentale – tels que la dépression, l’anxiété et les troubles du sommeil – sont souvent gérés par des prescriptions systématiques d’antidépresseurs et de somnifères. En raison de l’éloignement du site, il peut être difficile d’obtenir des ordonnances, car il faut se rendre dans la ville la plus proche, située à une quinzaine de kilomètres », ajoutent-ils.
Un site « aux normes »
Malgré ces critiques, le Home office assure que « les logements fournis [à Wetherfield] répondent à toutes les normes de logement, de santé et de sécurité ». Interrogé par écrit par InfoMigrants, le Home office estime également que « le site de Wethersfield fournit des logements fonctionnels aux demandeurs d’asile et est conçu pour être aussi autonome que possible ». Ses réponses précisent par ailleurs que le site dispose d’espaces communaux, de lieux dédiés à la pratique des cultes et de gymnases pour faire du sport.
Mais ces structures, associées à une grande promiscuité, ne sont pas suffisantes pour permettre aux demandeurs d’asile de « reconstruire leur vie, guérir et s’intégrer dans la communauté », estime le rapport de MSF et DOTW. Malgré les critiques du site, « en avril 2025, le Premier ministre Starmer a refusé de fixer une date pour la fermeture du site », indique les auteurs du rapport.
Interrogé à ce sujet, le Home office a répondu à InfoMigrants que « toute décision concernant l’utilisation à long terme du site ser[ait] prise par le ministre de l’Intérieur en temps voulu ».
Sources: infomigrants




