Travailleurs sans-papiers : la nouvelle liste des métiers en tension a été publiée

La liste des dizaines de métiers en tension en France, base de référence pour accorder des titres de séjour aux travailleurs en situation irrégulière, a été publiée ce jeudi au Journal officiel. Cette version finale était très attendue mais ne convainc toujours pas les partenaires sociaux et collectifs de sans-papiers.
Le gouvernement français a publié jeudi 21 mai la liste actualisée des métiers en tension. Elle énumère les quelque 80 métiers en manque de main-d’œuvre et doit permettre aux travailleurs étrangers de prétendre à un titre de séjour en France s’ils justifient de 12 mois de bulletins de salaire au cours de 24 derniers mois et trois ans de résidence en France.
Disposition de la loi immigration de 2024, ce document vient remplacer la liste établie en 2021 et doit être mis à jour chaque année. Comme avant – et jusqu’à fin 2026 – les agriculteurs salariés », « infirmiers », « aides à domicile et aides ménagères », « aides de cuisine », « cuisiniers », « employés de maison et personnels de ménage », « maraîchers/horticulteurs salariés », ainsi que les employés de l’hôtellerie et du secteur du bâtiment figurent, entre autres, parmi les métiers dits « en tension » dans toutes les régions de France.
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Ce qui change, ce sont les métiers en tension selon les régions. C’est le cas des géomètres, recherchés en Normandie, des tuyauteurs en Ile-de-France ou des « ingénieurs et cadres télécommunications » dans les Hauts-de-France.
« Ça faisait des mois et même des années qu’on l’attendait »
« Enfin ! Ça faisait des mois et même des années qu’on l’attendait. Je pense à tous ces employeurs et ces salariés sous alias qui attendaient cette liste pour déposer leur dossier de demande de régularisation. C’est un soulagement pour eux », a réagi Franck Trouet, délégué général du Groupement des hôtelleries et restaurations (GHR) auprès de l’AFP. Selon France Travail, le besoin de main-d’œuvre dans ce secteur en 2025 est estimé à 336 000 emplois (CDI et CDD de plus de six mois) avec des « difficultés » de recrutement pour la moitié d’entre eux.
S’il reconnait de « bonnes choses », comme la présence des aides à domicile et ménagères en Ile-de-France ajoutée sur la nouvelle liste, Jean-Albert Guidou, secrétaire général de l’union locale de la CGT à Bobigny (Seine-Saint-Denis) regrette toutefois « l’absence de pans entiers de l’économie où se trouvent une grande majorité de travailleurs sans-papiers ». En Ile-de-France par exemple, « le gros-œuvre du bâtiment, une grosse partie de la restauration, la logistique ou les déchets » ne sont pas dans la liste, réagit-il auprès d’InfoMigrants.

« Cette liste devait être établie sur la base du nombre de travailleurs étrangers dans les secteurs économiques. Quand on reprend la liste, on s’aperçoit que ce n’est pas le cas », tance-t-il. Les aides de cuisine ou les serveurs sont recherchés dans toutes les régions, sauf l’Ile-de-France, principale région touristique du pays, avec des milliers de restaurants, « où les cuisines sont remplies de personnes en situation irrégulière », dit-il.
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Il cite également les métiers du nettoyage. Dans ce secteur, 95 100 actifs sont des immigrés, ce qui représente 45,8% du secteur, selon une enquête de l’Insee en 2022. « Entre les annonces au moment du projet de loi sur la liste et la réalité de ce qui sort aujourd’hui, il y a un fossé énorme. C’est une liste qui a pour objectif de laisser ces travailleurs dans la situation d’irrégularité qu’ils connaissent déjà aujourd’hui », dénonce le syndicaliste.
Des postes qualifiés (ingénieur, cadre, agent de maîtrise, informaticien…) figurent dans la liste francilienne, des secteurs qui ne sont pas occupés par les travailleurs en situation irrégulière. « Les sans-papiers sont très peu à avoir les compétences pour ces métiers-là », explique à InfoMigrants Kemoko Sow, membre de la CSP75 (Coordination des sans-papiers de Paris).
« Il faut faciliter la tâche aux sans-papiers qui travaillent, pas la compliquer », ajoute-t-il, très peu soulagé par la publication du document. Il craint même de voir les conditions de travail de sans-papiers se dégrader des certains secteurs car « pour les métiers qui ne sont pas dans la liste, l’obtention du titre de séjour sera plus difficile donc ça va pousser les employeurs à profiter de notre situation », craint-il.
« Le fruit d’un dialogue social approfondi et attentif »
Pour la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, Catherine Vautrin, « cette nouvelle liste permet de répondre aux difficultés de recrutement persistantes, tout en favorisant l’intégration des personnes déjà présentes sur notre territoire ». Elle est « le fruit d’un dialogue social approfondi et attentif » qui « articule les exigences du marché du travail, les réalités humaines et les priorités économiques du pays », pour la ministre chargée du Travail et de l’Emploi Astrid Panosyan-Bouvet.
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Des négociations ont eu lieu mais « elles n’ont rien donné », selon Jean-Albert Guidou, rappelant que la liste « est fondamentalement la même que celle présentée avant les discussions ». Entre les deux listes, les « ouvriers qualifiés de la maintenance en mécanique » ont été ajoutés en Bretagne et les « pêcheurs, aquaculteurs salariés » l’ont été en Nouvelle-Aquitaine et Pays de la Loire.
Fin février dernier, une réunion entre syndicats et le gouvernement avait été organisée. « On a senti un ministère du Travail dans l’embarras lors de la réunion. Ils ont demandé nos remarques mais il n’y a pas eu de suite, sauf un courrier. Le ministre de l’Intérieur a imposé sa patte. Comme Retailleau l’avait annoncé quand il était sénateur, il ne veut pas de régularisation sous forme de métiers en tension », estime le syndicaliste.
La secrétaire nationale de la CFDT en charge des politiques migratoires Lydie Nicol a, elle aussi, dénoncé auprès de l’AFP « une concertation qui n’en a eu que le nom ». « Cette liste tombe au moment où il faudrait déjà discuter de sa mise à jour annuelle (…) ce qui prouve que le gouvernement joue la montre afin de ne pas mettre en œuvre la seule mesure de la loi immigration permettant d’améliorer la régularisation par le travail », a estimé la représentante syndicale.
Sources: infomigrants




