Manche : neuf passeurs condamnés à sept et huit ans de prison pour le naufrage meurtrier de décembre 2022

Neuf passeurs kurdes et afghans ont été condamnés lundi par le tribunal de Lille à des peines allant de sept à huit ans de prison ferme pour un naufrage de migrants qui avait fait huit morts dans la Manche en décembre 2022.
La justice a rendu son verdict dans l’affaire du naufrage de migrants du 14 décembre 2022 dans la Manche qui avait fait huit morts. Lundi 30 juin dans la matinée, la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Lille (nord de la France) a condamné neuf passeurs à des peines de prison ferme.
Ce naufrage de migrants est l’un des plus meurtriers survenus ces dernières années après celui qui avait fait 27 morts, le 24 novembre 2021 au large de Calais, dans le nord de la France, une affaire qui n’a pas encore été jugée.
50 000 à 100 000 euros d’amendes
Trois des prévenus, dont un Afghan en fuite jugé par défaut et désigné par les autres comme le cerveau de toute l’organisation, ont été condamnés à huit ans de prison. Les six autres ont écopé de sept ans d’emprisonnement. Ces peines de prison ont été assorties d’amendes individuelles allant de 50 000 à 100 000 euros et d’une interdiction du territoire français pour chacun.
Le tribunal est allé un peu plus loin que ce qu’avait demandé le parquet, qui avait requis des peines comprises entre six et huit ans de prison.

Les prévenus, sept Afghans et deux Kurdes irakiens, étaient jugés pour « traite d’êtres humains », « homicide involontaire », mise en danger d’autrui, ou encore aide au séjour irrégulier. La plupart d’entre eux sont restés impassibles à l’énoncé de leur condamnation, dont ils ont pris connaissance via des interprètes. Ils ont dix jours pour faire appel.
Le tribunal correctionnel de Lille a dit les avoir condamnés en tenant compte de la « gravité des faits » et du « caractère particulier » du contexte de ce naufrage, relevant également que tous les prévenus avaient continué leurs activités illégales après ce désastre.
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L’embarcation clandestine surchargée avait pris la mer à Ambleteuse (Pas-de-Calais) dans la nuit du 13 au 14 décembre 2022, en dépit d’une mer très agitée et glaciale et des craintes de passagers qui ont entendu une détonation, synonyme de crevaison, en gonflant ce canot pneumatique.
« Trafic extrêmement lucratif »
À la barre, un des prévenus avait reconnu avoir convoyé, sous la menace selon lui, des migrants depuis le camp de Loon-Plage, où s’entassent des centaines de personnes dans l’attente de tenter une traversée clandestine vers l’Angleterre.
Le parquet avait requis huit ans contre un Afghan en fuite jugé en son absence, et désigné par les autres prévenus comme le cerveau de toute l’organisation. Huit ans avaient aussi été requis contre un Kurde irakien de 40 ans, sept ans contre plusieurs suspects dont les deux financiers présumés du réseau, et six ans contre deux Afghans suspectés d’avoir participé à la mise à l’eau.

Le pilote, un mineur Sénégalais, a été condamné à neuf ans de prison en Grande-Bretagne, pour avoir conduit le canot. D’après ses dires, le jeune homme avait accepté ce rôle en échange d’un passage gratuit, avant de se raviser au moment d’embarquer, au vu du danger. Sous la menace des organisateurs, présents sur la plage, il avait finalement pris la barre.
Lors de l’audience, un rescapé a affirmé qu’Ibrahima Bah « faisait de son mieux » pour sauver les passagers en s’approchant de bateaux de pêche, rapporte The Guardian. Un autre survivant l’a qualifié d' »ange » pour avoir tenu une corde afin que les passagers puissent être hissés sur le bateau de pêche l’Arcturus : le juge a effectivement reconnu que le jeune homme avait été l’un des derniers à quitter le canot pneumatique après avoir aidé les autres.
Un dixième homme, détenu en Belgique, sera jugé ultérieurement.
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Durant le procès, la procureure avait pointé le « trafic extrêmement lucratif » d’une « organisation criminelle », avec un paiement moyen de 3 500 euros par passager pour la traversée. La magistrate avait relevé les conditions à haut risque pour un bateau « complètement inadapté à la navigation en haute mer ».
Après une ou deux heures de traversée, un boudin a commencé à se dégonfler et l’eau à entrer dans l’embarcation. Paniqués, les passagers ont fait ployer le fond du canot et tous se sont retrouvés à l’eau, certains sans gilet de sauvetage, dans une mer à 10-11 degrés.
Parmi les exilés, quatre ont été portés disparus, et quatre sont morts, dont un seul a été identifié, un Afghan. En outre, 39 personnes originaires d’Afghanistan, Inde ou Albanie avaient été repêchées in extremis par les secours français et anglais.
Sources: infomigrants




