Fermé aux nouveaux arrivants depuis le 18 avril, le camp de transit de Roya, à Vintimille, n’a pas rouvert ses portes malgré le déconfinement entamé depuis plus d’un mois en Italie. Dans la ville, entre 100 et 200 migrants dorment désormais à la rue.
À Vintimille, ville italienne proche de la frontière française, le temps du déconfinement ne semble pas encore venu. Le camp de migrants Roya, géré par les Croix-rouge italienne et monégasque, garde toujours portes closes sur décision préfectorale. Aucune nouvelle arrivée n’est acceptée dans l’enceinte de ces lieux, dont la capacité peut atteindre les 300 personnes, mais qui en héberge actuellement une centaine seulement, confie-t-on du côté de ceux qui gèrent les lieux. À l’extérieur pourtant, les besoins se font de plus en plus pressants.
»Nous avons environ vingt à trente nouvelles arrivées de migrants par jour dans la ville », indique Maurizio Marmo, président de l’ONG Caritas Ventimiglia qui organise chaque matin une distribution de repas à emporter. »Depuis plus d’un mois, les voyages des migrants ont repris. Ceux qui étaient en Sicile, à Trieste ou sur la route des Balkans se sont de nouveau lancés sur les routes pour rejoindre la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne ou d’autres pays d’Europe du Nord. » Étape bien connue des migrants, Vintimille est aussi un goulot d’étranglement pour beaucoup, les contrôles policiers à la frontière avec la France étant fréquents, tout comme les refoulements.
Le camp de la Roya, implanté en juillet 2016 en périphérie de Vintimille, répondait justement à cette réalité en hébergeant les migrants de passage en difficulté, mais aussi ceux qui voulaient entreprendre une demande d’asile en Italie. À l’intérieur, les migrants avaient alors accès à un lit, de la nourriture, une assistance juridique et des soins de santé.
En avril, le camp tout entier a été placé en quarantaine après la découverte de deux cas de contamination au coronavirus mais, depuis, aucun nouveau malade n’y a été recensé. Le reste de l’Italie a, quant à lui, pu amorcer un important assouplissement de ses mesures sanitaires depuis le 18 mai, dont l’une des conséquences directes est la reprise de la mobilité des migrants jusqu’alors bloqués par la pandémie.
Des migrants »sur la plage, au bord de la rivière, dans des bâtiments abandonnés »
Résultat : entre 100 et 200 migrants nouvellement arrivés dans l’agglomération italienne sont actuellement en errance dans les rues de la ville, selon les estimations des différentes associations. »Ces personnes dorment sur la plage, au bord de la rivière, dans des bâtiments abandonnés… », continue Maurizio Marmo. »Ils sont obligés de se débrouiller dans la ville sans aucun service à leur disposition. C’est le chaos. »
Parmi cette population, l’ONG Caritas Ventimiglia a recensé ces dernières semaines une dizaine de familles avec des enfants, désormais parties de Vintimille.
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»Entre 80 et 120 personnes dorment sur des rails ou sous les ponts »’, affirme pour sa part Carla Melki, coordinatrice du programme »Migration frontière transalpine » chez Médecins du Monde, qui a participé à une veille sanitaire à Vintimille le 18 juin. Cette nuit-là, elle dit avoir vu une trentaine de migrants prendre refuge devant les portes fermées du camp Roya »dans l’espoir d’être plus protégés à cet endroit qu’ailleurs face à la police qui les fait déguerpir régulièrement ».
»Urgence » de la réouverture
La préfecture de Ligurie a indiqué que le camp de transit resterait fermé jusqu’à la fin de l’urgence sanitaire en Italie, fin juillet. Une décision à laquelle s’oppose le maire de Vintimille qui a rencontré un collectif d’associations sur ce sujet.
»Le maire ne veut simplement pas voir ces gens dans sa ville », explique Adèle, bénévole au sein du collectif Kesha Niya, seule organisation qui effectue des maraudes de distributions alimentaires dans la ville, alors que ces activités sont justement dans le collimateur de la mairie. »On fait en sorte d’être mobiles et discrets pour échapper aux contrôles de police. »
Les décisions des autorités à l’égard des migrants, officiellement motivées par des raisons sanitaires, sont d’ailleurs, selon les acteurs de terrain, contre-productives. »Nous pensons qu’il est urgent de rouvrir le camp, évidemment en faisant preuve de prudence pour éviter la propagation du virus, La situation actuelle est probablement pire que celle que les autorités essaient d’éviter en gardant le camp fermé », affirme Maurizio Marmo.
Et pour cause, à la rue, les migrants potentiellement malades ne sont pas du tout pris en charge, fait valoir de son côté Carla Melki. »La non-réouverture est justifiée par les autorités par des raisons sanitaires mais l’absence de ce camp fait justement peser un risque sanitaire plus important encore, étant donné qu’il n’y a plus de soignants qui auscultent ces personnes. »
Lors de sa dernière maraude, Carla Melki assure avoir porté secours à un couple d’Algériens, dont la femme enceinte perdait beaucoup de sang, et à un homme seul, Somalien, découvert en détresse cardiaque après avoir tenté de franchir la frontière avec la France. Médecins du monde a appelé le 112 (numéro de téléphone réservé aux urgences dans l’Union européenne) et une ambulance a conduit l’homme à l’hôpital italien de San Remo. »Celui de Menton, en France, était pourtant beaucoup plus proche », note Carla Melki, amère.
Cette vie à la rue et les refoulements semblent toutefois loin de dissuader les migrants de traverser la frontière. Certains tentent même différents chemins pour éviter les contrôles policiers, et empruntent des voies plus dangereuses, parfois à travers la montagne, dans l’espoir de rejoindre la France au péril de leur vie.
Sources : https://www.infomigrants.net/