Un campement de mineurs isolés étrangers a été installé en plein centre de Paris dans la nuit de lundi à mardi par des associations afin d’alerter sur la situation des mineurs en attente du résultat de leur recours. Les jeunes et les associations se montrent déterminés à poursuivre l’occupation des lieux, tant que des solutions de prise en charge ne sont pas apportées par les autorités.
Le square Jules Ferry, situé à quelques pas de la place de la République, s’éveille doucement ce vendredi matin de juillet. Le calme et la sérénité qui règnent dans ce petit espace de verdure coincé entre deux boulevards parisiens feraient presque oublier qu’un campement de migrants, qui se disent mineurs, s’est installé ici.
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L’ambiance est bon enfant : quelques jeunes, les yeux tout juste ouverts, prennent leur petit déjeuner distribué par des associations tandis qu’un autre groupe se forme pour aller faire leur toilette. Un peu plus loin, sous une grande tente installée pour l’occasion, une bénévole donne un cours de français à un autre migrant.
La vie s’organise au fur et à mesure des jours et chacun prend ses marques petit à petit. Les règles de vie en communauté trônent au point de réunion du campement, des sanitaires ont été installées par la Ville à l’entrée du site, des activités comme des matchs de football ou des cours de guitare sont prodiguées par les humanitaires pour occuper les jeunes.
« Rendre visible » les mineurs en recours
Ce campement composé de 75 personnes, qui se déclarent mineurs isolés étrangers (MIE), a été installé dans la nuit de lundi 29 juin au mardi 30 juin en plein centre de la capitale française par plusieurs associations – dont Médecins sans frontières (MSF), Utopia 56 ou encore Les Midis du Mie. Ces jeunes, majoritairement originaires d’Afrique de l’Ouest, étaient jusque-là pris en charge par les humanitaires. « Le but est de rendre visible ces enfants qui ont été déboutés de leur reconnaissance de minorité et qui attendent le résultat de leur recours sans être pris en charge », signale Yann Manzi, d’Utopia 56.
Quand un mineur n’est pas reconnu comme tel par l’Aide sociale à l’enfance (ASE), sous la responsabilité des départements, il ne peut prétendre à aucune aide de l’État. « Pendant le recours, le Conseil départemental estime que la personne est majeure et que ce n’est donc pas de sa responsabilité de la prendre en charge », déclare Corinne Torre, chef de mission France à MSF.
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Résultat : en attendant le verdict de leur appel – qui peut durer en moyenne entre six et quatorze mois – des centaines de jeunes se retrouvent livrés à eux-mêmes, dans les rues, avant que les associations ne les prennent en charge dans des hébergements solidaires ou des structures dédiées.
Plus de 50% des recours aboutissent à une reconnaissance de minorité
« On les traite comme des migrants avant de les considérer comme des enfants », souffle Yann Manzi. « On leur dit qu’ils mentent sur leur âge, or si certains le font c’est une extrême minorité. Pourquoi ne pas plutôt partir du principe qu’ils disent la vérité ? », s’interroge le militant. « Tout est fait pour leur compliquer la vie », renchérit la responsable de MSF.
Les associations rappellent que selon la Convention de protection des enfants, ratifiée par la France, un mineur est un enfant avant tout. « Le texte stipule que même si un recours est entamé, le jeune doit être pris en charge », notent les militants. D’autant que les enfants font partie des populations les plus vulnérables aux risques d’exploitation comme la prostitution ou le travail forcé.
Avec cette action « coup de poing », les associations veulent forcer l’État et les départements à allouer des moyens financiers pour appliquer cette Convention. « On fait des plaidoyers et de la diplomatie mais rien ne change. On en a ras-le-bol de cette situation qui dure depuis trop longtemps ! On est dans un rapport de force avec les autorités et on restera ici tant qu’on n’aura pas obtenu de solutions pour ces jeunes », assure Corinne Torre, qui précise que 56% des mineurs qui font un recours sont reconnus comme tel à l’issue de la procédure.
Crainte d’un démantèlement
Reste que pour l’heure, la réponse de la préfecture inquiète les militants. Les associations ont demandé à rencontrer le préfet de la région Île-de-France « pour repenser le dispositif des mineurs isolés et redéfinir leur prise en charge ». Mais Michel Cadot ne l’entend pas de cette oreille et renvoie les mineurs vers les dispositifs de mise à l’abri des migrants à la rue – des structures accueillants des adultes. « Le préfet ne comprend rien ou ne veut rien comprendre. Il veut démanteler ce campement mais si des jeunes disparaissent dans la nature après une évacuation, il devra en assumer la responsabilité », prévient Corinne Torre.
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Malgré la menace d’un démantèlement, les avis sur le camp sont unanimes. Lors d’une réunion organisée jeudi soir après la réponse de la préfecture, « les jeunes ont tous demandé à rester ici », ajoute la responsable de MSF. Mohamed*, un jeune Guinéen, hoche la tête : « Les nuits sont dures car on dort par terre et il fait froid la nuit mais je suis mineur, pourquoi ne me croit-il pas ? », souffle ce jeune homme, au visage juvénile.
Sources : https://www.infomigrants.net/