Ali a tenté de rejoindre l’Europe en traversant la mer Méditerranée à bord d’une petite embarcation transportant 82 migrants africains. Le groupe a passé quatre jours en mer avant de retourner sur ses pas. Le jeune Guinéen de 18 ans raconte à InfoMigrants son périple.
« Dimanche 13 septembre, j’ai pris la mer depuis la ville de Zaouïa, en Libye. C’était ma cinquième tentative en trois ans, mais je n’avais jamais passé autant de jours en mer.
Notre embarcation, composée de 82 Africains dont 12 femmes et quatre enfants, a quitté la côte libyenne aux alentours de 2h du matin. Au moment du départ, il pleuvait beaucoup et les vagues étaient très fortes.
Le passeur nous a dit que le temps allait s’améliorer rapidement mais il a plu toute la nuit ainsi que la journée du lundi. La mer était déchaînée, on essayait d’enlever l’eau qui entrait dans le canot à l’aide de bidons.
En fin d’après-midi, vers 17h, on a aperçu au loin la plateforme pétrolière de Sabratha. On a réussi à l’atteindre vers 22h. On avait très peur car il faisait nuit et les vagues étaient de plus en plus fortes. On a vu un navire pétrolier dans la mer alors on est allés dans sa direction mais quand il nous a vu, il s’est éloigné. On a essayé d’appeler la plateforme téléphonique Alarm Phone pour être secourus mais le réseau était très mauvais.
« Notre canot a failli chavirer »
On a passé la nuit dans l’embarcation. Quand le soleil s’est levé mardi matin, nos téléphones étaient déchargés, nous ne pouvions plus joindre quiconque.
On savait qu’on aurait du mal à atteindre l’île italienne alors on s’est une nouvelle fois approchés du navire pétrolier pour lui demander de l’aide. Mais quand nous sommes arrivés à sa hauteur, il a fait des tours autour de notre petit canot. Les vagues étaient si fortes qu’on a failli chavirer. Quand l’eau arrivait, on s’accrochait très fort à notre embarcation. On évitait de bouger pour ne pas que le canot se retourne.
On avait tellement peur qu’on était prêts à rentrer en Libye. On était fatigués, nous n’avions plus de nourriture ni d’eau. Toutes nos ressources étaient épuisées. Les femmes et les enfants pleuraient.
Le capitaine a agi ainsi pour ne pas qu’on s’approche de lui. Il a fait cela toute la journée. Quand la nuit est tombée, il a finalement arrêté de tourner autour de nous. On est retourné vers lui mais il s’est enfuit.
« Mon unique alternative est d’aller en Europe »
Un peu plus tard, on a vu une petite lumière au loin. On était désespérés, on avait besoin d’aide, on se voyait mourir. C’était des pêcheurs libyens, ils nous ont donné la direction vers Zaouïa. Leur bateau était trop petit pour nous venir en aide et l’eau était plus calme.
Le mercredi, vers 10h, on s’est dirigés vers la Libye. On est arrivés au port de Zaouïa vers 4h du matin jeudi, sans croiser les garde-côtes. En revanche, des bandits nous ont vu et nous ont pourchassé toute la nuit. J’ai réussi à leur échapper mais certains se sont fait attraper. Quelqu’ uns ont été libérés après avoir payé une rançon, mais je n’ai pas de nouvelles de certains autres de mes amis.
Je suis une nouvelle fois bloqué ici en Libye, mon unique alternative est d’aller en Europe : les rapatriements vers mon pays sont restreints en raison du Covid, je ne peux pas aller dans le sud de la Libye pour rejoindre l’Algérie car le désert est trop risqué pour les Noirs. Si on t’attrape, tu finis dans les prisons de Sabha et Beni Walid, connues pour être très dangereuses. Ma seule issue est la mer. »
Sources : https://www.infomigrants.net/