Quatre personnes, tombées à l’eau alors qu’un navire marchand tentait de les sauver, ont disparu ce mardi 10 août au large des îles Canaries. Une femme est morte peu après l’arrivée des secours.
Une semaine après le naufrage qui a coûté la vie à 42 personnes, un nouveau drame s’est noué au large des îles Canaries. Dans l’après-midi, ce mardi 10 août, le navire marchand Ever Grace a aperçu une embarcation en détresse, à 650 kilomètres de Grande Canarie. Il a alors averti les autorités espagnoles, et est allé secourir ses passagers, aidé par un autre bateau, le pétrolier Fortress Knutsen.
Mais « à cause des conditions météorologiques et de leur épuisement », quatre d’entre eux « sont tombés à l’eau et n’ont pas pu être secourus », a indiqué à l’AFP une porte-parole des garde-côtes espagnols.
L’Ever Grace a pu remonter à son bord les autres rescapés, dont quatre étaient très affaiblis. Une femme est morte peu de temps avant l’arrivée d’un hélicoptère de l’armée espagnole, dépêché pour prendre en charge les exilés. Il a tout de même pu emmener trois passagers, dont un dans un état grave, vers l’hôpital Juan Negrín, à Grande Canarie.
Le navire Evergrace a quant à lui mis le cap sur Las Palmas de Gran Canaria avec 26 migrants à bord, dont plusieurs femmes, selon l’agence de presse espagnole EFE.
Le pillage en mer pousse « des milliers de jeunes à embarquer » pour l’Europe
En 2020, environ 23 000 migrants ont atteint les Canaries, soit huit fois plus que l’année précédente, selon le ministère espagnol de l’Intérieur. Depuis, les arrivées sont toujours plus nombreuses. Sur les sept premiers mois de cette année, 7 531 migrants sont arrivés sur les îles espagnoles, soit deux fois plus que sur la même période l’année dernière.
D’après Greenpeace, une partie de ces chiffres s’explique par le pillage en cours des ressources halieutiques en Afrique de l’Ouest. La raréfaction des poissons, la paupérisation des pêcheurs pousseraient « de nombreuses personnes à émigrer vers les îles Canaries par la voie migratoire la plus dangereuse vers l’Europe », affirme l’ONG dans un rapport. Et parmi les pays les plus touchés : le Sénégal. « Le pillage en mer pousse des milliers de jeunes des zones de pêche comme Mbour ou Saint Louis à embarquer sur les pirogues à la recherche d’un avenir », écrit Greenpeace.
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Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur espagnol, sur les 23 000 personnes arrivées en bateau vers les îles en 2020, plus de 4 500 étaient sénégalaises.
Et d’après un rapport de l’Observatoire sénégalais des migrations, sur les 1 197 candidats à la migration irrégulière interrogés par les autorités pour la période du 1er septembre au 30 novembre 2020, 714 se sont déclarés pêcheurs, et 79, poissonniers.
« Ils ont pêché tous les poissons »
Mohamed, un jeune pêcheur sénégalais rencontré par EFE, raconte que « pendant 15 ans il a pris son bateau tous les matins pour aller pêcher dans la mer de Mbour ». Une activité qui lui permettait de « rentrer chez lui tous les soirs avec un salaire suffisant pour subvenir aux besoins de sa femme et de son fils ». Jusqu’au jour où des bateaux battant pavillon asiatique « ont commencé à pêcher dans [la] région et ont pêché tous les poissons », assure-t-il au journal.
A partir de là, « tout est devenu plus difficile ». Mohamed emprunte de l’argent pour acheter du matériel de pêche mais ne parvient pas à tout rembourser, les ressources et les retombées se faisant de plus en plus rare. En tout, « je devais 60 millions de francs CFA (91 500 euros) », raconte-t-il. De plus en plus menacé, craignant pour sa vie, il a fui, « sans rien, sans même [son] téléphone », en octobre 2020.
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D’après l’ONG Caminando Fronteras, 2 087 personnes sont mortes en tentant d’atteindre les Canaries depuis les côtes africaines au premier semestre 2021. Bien plus que les 1 851 décès comptabilisés pour toute l’année 2020. Malgré tout, Mohamed est formel. Aux journalistes de EFE, il assure qu' »à Mbour tous les jeunes veulent embarquer dans leur bateau de pêche, et mettre le cap sur l’Espagne ».
source : https://www.infomigrants.net/fr