Libye : à Tripoli, la situation se dégrade devant le centre du HCR, un Soudanais tué par balle
Des milliers de personnes réclament toujours, jeudi, leur évacuation du pays devant le centre du HCR, à Tripoli. La situation se dégrade à mesure que la tension monte parmi les exilés exténués et affamés. Un demandeur d’asile soudanais a été tué par balle, mardi soir, après la visite d’une délégation du ministère libyen de l’Intérieur dans les bureaux du HCR.
La situation est loin de s’apaiser devant le centre du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) – aussi appelé CDC, pour Community day Center – à Tripoli. Et l’insécurité demeure pour les milliers de personnes – principalement originaires d’Érythrée, du Soudan et de Somalie – rassemblées devant le bâtiment pour réclamer leur évacuation du pays depuis plus d’une semaine.
Un jeune demandeur d’asile soudanais de 25 ans a été tué par balle, mardi 12 octobre. Il n’était pas encore possible de définir exactement, jeudi, où le drame a eu lieu. Interrogé par InfoMigrants, le HCR assure que l’incident n’a pas eu lieu devant le CDC. Ahmed*, un demandeur d’asile qui se trouve depuis plusieurs jours devant le centre, a, lui, affirmé à InfoMigrants que le jeune homme s’est fait tirer dessus « à environ 500 mètres du CDC ».
Dans un communiqué publié en fin de matinée mercredi, le HCR a indiqué que la victime « avait été battue et s’était fait tirer dessus avant d’être transportée à l’hôpital par un groupe d’hommes armés et masqués ». Le jeune Soudanais a ensuite été transféré dans un autre hôpital où il a succombé à ses blessures.
Arrivé il y a deux ans en Libye pour fuir les violences dans sa région natale du Darfour, il avait été emprisonné dans le centre de détention d’Al-Mabani, à Tripoli, après avoir été expulsé de son logement au cours d’un raid mené par les autorités libyennes début octobre, précise le HRC dans son communiqué. Le jeune homme avait réussi à fuir le centre de détention il y quelques jours.
Réunion avec les représentants des communautés
Dans son communiqué, le HCR « demande instamment qu’une enquête soit menée sur ce meurtre et que les auteurs soient tenus pour responsables. »
Le drame a eu lieu alors qu’une réunion s’est tenue mardi dans les locaux du HCR entre responsables de l’agence onusienne et représentants des différentes communautés présentes devant le CDC.
« Nous avons expliqué ce que nous faisons pour fournir une assistance aux personnes touchées par l’opération de sécurité libyenne, et assuré que nous voulions rouvrir le CDC dès que possible pour pouvoir fournir des services essentiels », a indiqué le HCR à InfoMigrants.
Ahmed a participé à cette réunion. Il explique à InfoMigrants que des représentants du ministère libyen de l’Intérieur y ont fait intrusion alors que leur participation n’était pas prévue.
« Ils nous ont proposé de nous emmener en centre de détention puis de nous renvoyer dans nos pays, rapporte-t-il. Nous leur avons répondu qu’il n’était pas possible pour nous d’accepter. La seule solution était de nous évacuer » vers un pays tiers.
Interrogé sur la présence des représentants du ministère à la réunion, le HCR a répondu laconiquement que « la visite du ministère de l’Intérieur était distincte [de celle du HCR avec les représentants des communautés d’exilés] et non-programmée ».
« Je suis prêt à mourir ici »
La situation déjà extrêmement précaire des demandeurs d’asile en Libye s’est fortement dégradée le 1er octobre lorsque les autorités libyennes ont mené une série de raids sur le quartier de Gargaresh, à Tripoli, habité par de nombreux migrants.
Ces opérations ont mené à l’arrestation de quelque 5000 personnes, placées en détention dans des centres surchargés. Selon le HCR, de nombreuses personnes ont également vu leur abri être détruit. La tension est encore montée d’un cran après l’évasion du centre de détention d’Al Mabani réprimée dans le sang.
Lors de la réunion de mardi, « [les Libyens] nous ont promis que ce qu’il s’est passé à Gargaresh n’arriverait plus », raconte Ahmed. Des promesses qui ne pèsent pas bien lourd face au désespoir et à la somme de souffrances que les migrants ont déjà enduré en Libye.
Pour Ahmed et les milliers d’autres personnes rassemblées devant le CDC, une seule solution est envisageable : l’évacuation. « S’ils veulent encore faire ce qu’ils ont fait à Gargaresh et nous tuer, je suis prêt à mourir ici parce que je ne retournerai pas dans mon pays. »
*Le prénom a été changé
source : https://www.infomigrants.net/