Deux anciens geôliers du centre de détention libyen de Zouara ont été condamnés à de la prison ferme par le tribunal de Palerme, en Sicile. Originaires du Bangladesh, ils ont été dénoncés par quatre ex-détenus débarqués à Lampedusa, qui les accusent de tortures et d’extorsion.
C’est la peine maximale prévue par la justice italienne dans ce genre d’affaires. Pazurl Sohel, 37 ans, et Harun MD, 33 ans, ont écopé de 20 ans de prison ferme chacun. Selon des informations rapportées par la presse italienne le 3 février, le tribunal de Palerme, en Sicile, les a reconnus coupables « d’aide à l’immigration clandestine, de trafic d’êtres humains et d’enlèvement pour extorsion », indique l’agence de presse italienne Italpress. Ces deux Bangladais étaient gardiens au sein de la prison tristement célèbre de Zouara, en Libye. Comme dans d’autres centres de détention du pays, les exilés y subissent tortures, viols, et mauvais traitements en tout genre.
Les tortionnaires ont été dénoncés par quatre migrants originaires, comme eux, du Bangladesh. Arrivés en Europe via l’île italienne de Lampedusa le 28 mai 2020, ces derniers racontent aux autorités leur terrible périple. Ils détaillent leur passage par la Libye. Et assurent que leurs bourreaux ont, eux aussi, débarqué en Italie.
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Une enquête est alors ouverte par la justice de l’île. Grâce à leurs profils Facebook, les deux geôliers sont repérés à Agrigente, puis arrêtés le 6 juillet 2020. Ils sont immédiatement reconnus par les plaignants. Après d’autres « confessions déchirantes, brisées de larmes » de la part des victimes, les accusés sont mis en examen, raconte Italpress.
Des vidéos et des photos publiées sur Facebook accréditent les témoignages des exilés : on y voit les deux gardiens bangladais torturer des détenus et les menacer. Une vidéo tournée au Bangladesh montre les familles payer des rançons demandées par les tortionnaires à la femme de l’un d’eux.
Sur des photos, les deux Bangladais posent, kalachnikovs sous le bras. Il s’agit des mêmes armes que celles qui ont servi à torturer les prisonniers. Les examens médico-légaux, demandés par les magistrats, s’ajoutent eux aussi à la liste des preuves fournies par les plaignants : les rapports indiquent la présence de nombreuses cicatrices sur les corps des victimes, dues à la torture.
La Libye, un enfer pour les candidats à l’exil
En septembre dernier, un autre trafiquant présumé de migrants avait été arrêté, cette fois directement en Libye. Connu sur les réseaux sociaux sous le pseudonyme de Haj Hakeem, il est accusé d’avoir détenu et torturé des migrants égyptiens contre rançons. Trois mois plus tôt, deux tortionnaires érythréens, Kidane Zakarias et Tewelde Goitom – plus connu sous le nom de « Walid » – ont été condamnés, eux, par des tribunaux d’Addis-Abeba, pour avoir affamé et torturé des milliers de migrants en Libye. Le premier a écopé de la perpétuité, mais s’est évadé au milieu de son procès. Le second, Walid, a été condamné à 18 ans de prison.
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Depuis la chute du dictateur libyen Mouammar Kadhafi en 2011, le pays est devenu une voie privilégiée pour des dizaines de milliers de migrants cherchant à rejoindre l’Europe. Mais il s’est mué, aussi, en véritable enfer pour les candidats à l’exil. Beaucoup s’y retrouvent bloqués, dans des conditions déplorables. InfoMigrants recueille régulièrement des témoignages de détenus.
En décembre, Sarah, une exilée ivoirienne racontait avoir été violée presque quotidiennement par ses gardiens durant toute sa détention. En juillet, Amadi, un Malien de 24 ans, confiait que la vie en Libye était « insupportable ». « Des gens disparaissent en prison […] Si vous restez trop longtemps, les Libyens vous revendent et on ne sait pas ce que vous devenez. »
Source: https://www.infomigrants.net