Le président Emmanuel Macron a affirmé mardi que les services de l’État étaient pleinement mobilisés pour « héberger, soigner et accompagner » les déplacés ukrainiens, comme ils l’avaient été « pour les Afghans » lors de la reprise de Kaboul par les Taliban l’été dernier. Mais en matière de logement, de visa, d’accès aux soins et au travail, les disparités sont fortes.
Mardi 15 mars, le président de la République française Emmanuel Macron a déclaré que « comme par le passé pour les Irakiens, Syriens, Afghans », « l’Union européenne et la France se sont mobilisées pour héberger, soigner et accompagner » les déplacés ukrainiens. Mais dans les faits, cette affirmation est-elle vraie ? InfoMigrants a choisi de comparer les mesures mises en place lors de la guerre en Ukraine, d’une part, et de la crise afghane de l’été dernier, d’autre part, deux événements survenus sous le mandat d’Emmanuel Macron – contrairement à la guerre en Syrie ou en Irak.
1/ Le logement
Pour héberger les Ukrainiens arrivés en France, l’État via les « grands opérateurs d’hébergements » a ouvert 1 137 places supplémentaires, a indiqué le Premier ministre Jean Castex.
Le gouvernement a également lancé la plateforme « Je m’engage pour l’Ukraine » qui permet de mettre en relation des Ukrainiens et des hébergeurs citoyens. Le site recense déjà 30 000 propositions de logement.
Lors de la reprise de Kaboul, en Afghanistan, par les Taliban en août 2021, Emmanuel Macron avait bien affirmé que « la France (…) continuera de faire son devoir pour protéger celles et ceux qui sont les plus menacés ». Il avait cependant nuancé ses propos en précisant que le pays allait aussi « se protéger contre des flux migratoires importants ».
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Paris n’avait pas ouvert d’hébergements supplémentaires pour se préparer à un afflux de ressortissants venus d’Afghanistan. Les quelque 2 600 Afghans évacués par la France ont pu, certes, profiter d’un hébergement de l’État mais ils avaient été pris en charge via un système déjà en place, appelé Dispositif national d’accueil (DNA), dans les centres (CADA / CHU) qui profitent à tous les demandeurs d’asile arrivant en France.
Les Afghans, venus des mois plus tard par leurs propres moyens en traversant les frontières à pied, dorment aujourd’hui pour la plupart dans les campements informels de Paris ou de Calais, malgré leur demande de protection.
2/ L’autorisation de séjour
L’Union européenne accorde désormais une « protection temporaire » aux personnes fuyant la guerre en Ukraine. Ce dispositif leur permet d’obtenir automatiquement une autorisation provisoire de séjour d’un an renouvelable, de se déplacer dans l’UE, et de travailler immédiatement.
Cette mesure est la première du genre au sein de l’Union. Lors de la crise afghane, chaque pays avait instauré ses propres règles. La France avait ouvert un « guichet unique spécial » pour les évacués de Kaboul. Ce guichet permettait certes une rapide prise en charge mais les Afghans rentraient alors dans le processus classique des demandeurs d’asile et ne bénéficiaient d’aucune protection particulière.
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Ceux qui n’ont pas pu bénéficier du pont aérien mis en place par les autorités françaises ont dû – et doivent toujours – faire leurs démarches de leurs côtés. Beaucoup attendent encore au Pakistan un visa pour rejoindre leur famille installée dans l’Hexagone. Aucune mesure spécifique n’avait été prise pour accélérer les demandes de regroupement familial. Cette requête faite par des réfugiés afghans avait même été rejetée par le Conseil d’État.
À noter également que depuis cet été, la France a renvoyé des Afghans vers leur premier pays d’arrivée en Europe, appliquant le règlement de Dublin – règlement auquel ne sont pas soumis les Ukrainiens. Le risque pour les Afghans est d’être expulsé vers Kaboul.
Par ailleurs, Paris continue d’envoyer des Afghans dans les centres de rétention (CRA). Le 23 février, un exilé afghan se déclarant mineur a été placé en rétention avec une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Et ce alors même que les éloignements de la France vers l’Afghanistan sont officiellement suspendus.
3/ L’accès aux soins et à l’emploi
Contrairement aux Ukrainiens, les demandeurs d’asile – afghans et tous les autres – n’ont pas le droit de travailler en arrivant en France. En théorie, ils peuvent prétendre à un emploi six mois après le dépôt de leur dossier d’asile mais dans les faits, très peu d’employeurs acceptent ces profils, car la procédure administrative est fastidieuse.
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Dans le domaine de la santé aussi, les disparités sont importantes. Les déplacés ukrainiens bénéficient d’un accès aux soins par le biais de la protection universelle maladie.
Les autres demandeurs d’asile peuvent bénéficier de soins (via le système Puma) mais les procédures sont longues. En effet, en 2020, le gouvernement d’Emmanuel Macron a durci l’accès aux soins de santé pour tous les demandeurs d’asile, imposant un délai de carence de trois mois pour une prise en charge de leurs frais médicaux. Pour les urgences médicales, en revanche, tous les migrants, d’où qu’ils viennent et quelle que soit leur situation administrative peuvent accéder gratuitement à l’hôpital.
Source: https://www.infomigrants.net