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« On le faisait pour l’argent, mais aussi pour aider ces gens » : au Pays basque, deux passeurs condamnés à six mois de prison ferme

Accusés d’avoir transporté des migrants d’Irun, en Espagne, à Bayonne, côté français, deux hommes ont été condamnés jeudi à six mois de prison ferme chacun. En trois mois, ils auraient transporté au total 120 personnes et récolté plus de 7 000 euros.

Les deux hommes transportaient des migrants dans leur voiture entre l’Espagne et la France. Jeudi 30 juin, ils ont été condamnés à six mois de prison ferme par le tribunal judiciaire de Bayonne. Cet Espagnol de 47 ans, né à Saint-Sébastien, et ce Français de 34 ans originaire de Bayonne résidaient tous les deux à Hendaye, dans le Pays basque.

Pendant trois mois, chaque jour, ils convoyaient des exilés du siège espagnol de la Croix-Rouge d’Irun, au centre Pausa de Bayonne, structure dans laquelle les migrants séjournaient quelques jours avant de reprendre leur route.

Le centre d'hébergement Pausa de Bayonne est situé sur les quais de l'Adour. Crédit : InfoMigrants
Le centre d’hébergement Pausa de Bayonne est situé sur les quais de l’Adour. Crédit : InfoMigrants

Ces allées et venues régulières ont fini par intriguer les forces de l’ordre, explique France Bleu. Sur la base de renseignements fournis par la police espagnole, la police aux frontières d’Hendaye a alors intercepté, fin mai, une AudiA3 au col d’Ibardin, sur la commune d’Urrugne. À bord du véhicule se trouvaient deux femmes ivoiriennes et un ressortissant guinéen.

D’après l’enquête, le mode opératoire des deux prévenus était toujours le même : une voiture ouvreuse partait en premier, la seconde suivait avec des exilés à l’intérieur. Les conducteurs faisaient, parfois, le trajet deux fois par jour.

D’après les enquêteurs, ils auraient transporté au total 120 personnes et récolté plus de 7 000 euros.

« On le faisait pour l’argent, mais aussi pour aider ces gens », ont-ils justifié à la barre. Et « en respectant le code de la route ». Du côté de l’accusation, la procureure de la République a dénoncé, elle, « un business fructueux et bien huilé ».

>> À (re)lire : Bayonne, ville étape sur la route des migrants

Des passeurs sont régulièrement condamnés dans cette région du sud-ouest de la France. Le 4 avril, un résident espagnol originaire de Côte d’Ivoire a été condamné à dix mois de prison avec sursis pour avoir transporté des migrants sur la même route. Cet homme de 28 ans aurait ainsi effectué six voyages depuis le 31 mars 2022 en faisant payer 80 euros au moins à chaque passager.

Le jour de son arrestation au péage de Biriatou, 750 euros ont été saisis dans son véhicule. D’après le journal Sud Ouest, le prévenu avait reconnu avoir effectué ces allers-retours « pour l’argent ». « Je n’avais pas l’intention de continuer, je voudrais demander pardon », a-t-il affirmé lors de son procès.

« On se croirait en état de siège »

Cette zone du Pays basque est régulièrement empruntée par les migrants. Mais la militarisation accrue de la frontière les pousse à prendre d’autres voies, bien plus risquées. Certains exilés tentent par exemple de traverser à la nage le fleuve de la Bidassoa, frontière naturelle entre l’Espagne et la France. Et ce, au péril de leur vie. Le 18 juin, le corps d’un jeune homme de 25 ans originaire de Guinée a été retrouvé dans l’eau. Il était arrivé au Pays basque, depuis l’île de Lanzarote, dans l’archipel espagnol des Canaries, au mois de mai dernier, précise Sud Ouest.

Anaïtze Aguirre, membre de l’association Irungo Harrera Sarea, avait confié quelques mois plus tôt ses craintes à InfoMigrants : « Pour ces gens qui ont traversé le désert et la mer dans des conditions chaotiques, relier les deux rives d’un fleuve semble anecdotique. Et pourtant, c’est tout aussi dangereux ».

En un an et demi, dix personnes sont mortes en tentant de franchir la frontière. En 2021, trois migrants, dont un Ivoirien et un Guinéen, se sont eux aussi noyés dans la Bidassoa. Et, en octobre, trois Algériens sont morts percutés par un train à Ciboure, à quelques kilomètres de la frontière, pour échapper eux aussi à des contrôles de police.

>> À (re)lire : Reportage : à la frontière franco-espagnole, l’importante présence policière ne dissuade pas les migrants

« Cela fait des mois et des mois que l’on s’émeut de cette situation mais rien ne bouge. Au contraire, les contrôles à la frontière sont toujours plus renforcés et on se croirait en état de siège », avait déploré en juin dernier Philippe Aramendi, le maire d’Urrugne, de la tendance abertzale (gauche patriote basque). Il avait par ailleurs regretter que « des gens qui essaient d’aider ces migrants sans contrepartie, simplement au nom de la fraternité, sont parfois arrêtés ».

Source : https://www.infomigrants.net

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