Six migrants meurent dans le naufrage de leur embarcation au large d’Alger
Un bateau à moteur a chaviré près de la ville d’El Hammamet, à l’ouest de la capitale algérienne, faisant six morts. Six personnes, dont une femme enceinte, ont également été blessées et transférées à l’hôpital. Les recherches se poursuivent pour retrouver d’autres passagers disparus.
Ils pensaient rallier le sud de l’Espagne en quelques heures. Leur embarcation n’est finalement jamais arrivée à destination. Six personnes sont mortes, lundi 8 août, vers 4h du matin, dans un naufrage près de la plage du Grand Rocher, à Hammamet, sur la côte ouest d’Alger. Leurs corps « ont été repêchés » et « six personnes blessées, dont une femme enceinte, ont été transférées à l’hôpital de Bainem », à l’ouest de la capitale, a fait savoir la télévision privée Ennahar.
Des opérations de recherche et de secours se poursuivent pour retrouver d’autres disparus, selon des images diffusées par la chaîne.
D’après le journal algérien TSA, les seize passagers, âgés de 20 à 30 ans, étaient originaires de différents pays d’Afrique subsaharienne et d’Algérie. Ils avaient pris place à bord d’une embarcation dite « Boaty », qui devait leur permettre de rejoindre la ville espagnole d’Alicante en 16 à 18 heures.
Pour réserver une place sur ce genre de bateau, les passagers doivent payer « entre 200 000 et 300 000 dinars (1 500 euros) », précise le média, ce qui en fait l’option « bon marché » de la traversée.
À titre de comparaison, les petits bateaux rapides, appelés « Sarii » peuvent atteindre la côte espagnole en quelques heures. Y obtenir une place est, logiquement, bien plus coûteux : les candidats à l’exil déboursent environ 900 000 dinars (4 500 euros).
Les candidats à l’exil traités comme « des enfants turbulents »
Minée par une crise économique et politique, l’Algérie voit chaque année – surtout lors des périodes estivales – nombre de ses jeunes quitter le littoral pour une vie meilleure en Europe. En lieu et place de réformes structurelles pour changer la donne, le gouvernement mise sur la répression.
Pour lutter contre les départs en mer, les garde-côtes algériens procèdent régulièrement à des arrestations de migrants au large de ses côtes. Selon le ministère de la Défense, entre le 27 juillet et le 2 août dernier, les autorités ont intercepté 147 individus à bord d’embarcations de fortune. Et depuis le début de l’année, 2 352 personnes au total ont été stoppées sur le chemin de l’exil.
Depuis 2009, quitter le pays de cette manière est aussi réprimé par la loi. Le « délit de sortie illégale » du territoire – via l’article 175 bis du Code pénal – prévoit en effet une peine de deux à six mois de prison ainsi qu’une amende de 20 000 à 60 000 dinars (environ 130 à 400 euros) pour les Algériens et les étrangers résidents qui tenteraient de quitter le territoire sans passeport ou visa. Interceptés en mer, puis jugés au tribunal, « les candidats au départ sont traités comme des enfants turbulents », avait affirmé Farida Souiah, chercheuse à l’université d’Aix-Marseille, à InfoMigrants.
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La méthode ne décourage pas pour autant les harragas, toujours aussi nombreux. Entre le 20 et le 21 juillet dernier, près de 200 personnes parties d’Algérie ont été interceptées au large de l’Andalousie. Entre le 1er janvier et le 30 juin 2022, 3 619 migrants au total – en majorité algériens – ont débarqué sur la péninsule espagnole et dans les îles Baléares.
« Tout le monde est tombé à l’eau »
Si la majorité des personnes qui prennent la mer arrivent à destination, beaucoup disparaissent aussi sans jamais être retrouvés. Les courants et les vents forts observés dans cette zone de la Méditerranée rendent la traversée très dangereuse. Le soir du 31 décembre 2021, à l’heure du réveillon, Hizia, 39 ans, et ses fils Omar, 14 ans, et Mohammed, 9 ans, ont quitté leur pays depuis une plage d’Oran, pour rejoindre une partie de la famille installée en France.
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Mais à 2h du matin, « le bateau a chaviré et tout le monde est tombé à l’eau, avait raconté la sœur de la mère de famille à InfoMigrants. Hizia a tout de suite voulu protéger ses enfants. Elle a pris un bidon d’essence vide, pour qu’ils s’y agrippent et se fatiguent moins. Mais au bout de plusieurs minutes, le petit l’a lâché et a commencé à dériver. Elle est partie le chercher. Omar est resté accroché. Il les a vus partir tous les deux dans le brouillard, dans le noir ». Hizia et son plus jeune fils n’ont plus jamais donné signe de vie.
Source : https://www.infomigrants.net