Six cadavres supplémentaires ont été retrouvés vendredi après que deux embarcations se sont échouées dans les eaux grecques, la veille. Cinq ont été découverts au pied des falaises de l’île de Cythère, et le corps d’un homme adulte a été repêché au large de Lesbos. Le bilan des deux naufrages passe donc de 17 à 23 morts.
Près de 24h après deux naufrages survenus au large de la Grèce, le bilan continue de s’alourdir. Cinq corps ont été retrouvés ce vendredi 7 octobre sur l’île de de Cythère, au sud du Péloponnèse, lieu d’un premier naufrage d’un voilier, dans la nuit de mercredi à jeudi.
Au moment de l’accident, les autorités n’avaient pas été en mesure de communiquer le nombre de victimes.
D’après Associated Press (AP), le bateau avait quitté la Turquie lundi, à destination de l’Italie. À son bord, 95 migrants d’Irak, d’Iran et d’Afghanistan, dont des familles. « Dès la première minute, nous avons su que nous allions avoir des problèmes », a raconté Ahmad Shoaib Noorzaei, un exilé afghan rescapé du naufrage. « C’était un petit bateau… juste pour 20 ou 30 personnes ».
D’après lui, le capitaine du navire a perdu ses repères mercredi soir, alors que le vent soufflait en rafales jusqu’à 100 kilomètres à l’heure. Au lieu de contourner l’île de Cythère et de gagner l’Italie, comme cela était prévu, le voilier a été emporté dans une crique rocheuse entourés de falaises. Pris au piège, il s’est écrasé contre l’une d’entre elles, près de la plage de Diakofti. « Les vagues étaient trop hautes, environ 6 mètres », a décrit Abdul Ghafar Amur, un autre survivant d’Afghanistan, à AP. « Nous avons essayé de sauver nos vies, mais la plupart de nos amis sont morts. »
Le voilier a été « complètement détruit », a confirmé une porte-parole des garde-côtes à l’AFP, jeudi.
Dès minuit, les pompiers, sauveteurs et habitants se sont précipités sur les lieux. Tous ont fait descendre des cordes le long des falaises afin d’aider les survivants à les escalader, malgré les fortes rafales de vent. D’impressionnantes images diffusées par les garde-côtes montrent des naufragés serrés les uns contre les autres, coincés entre une haute falaise et la mer, sur un étroit banc de sable. Les secours, postés dans le noir en haut de la falaise, les hissent un à un avec un treuil. D’autres exilés tentent désespérément de s’accrocher à la paroi.
L’opération de secours a permis de sortir de l’eau 80 personnes, dont sept femmes et 18 mineurs, d’après le journal britannique The Guardian. Treize d’entre elles ont été emmenées à l’hôpital de l’île pour y recevoir des soins.
Les autres rescapés ont été mis à l’abri dans une école, a constaté AP. De la nourriture et des vêtements leur ont été fournis. C’est depuis cet endroit qu’Amur a assuré à l’agence de presse que les garde-côtes grecs étaient arrivés « deux ou trois heures trop tard ». D’après lui, c’est pendant ce laps de temps que « des femmes sont mortes ».
« Les femmes étaient complètement paniquées »
Le nombre de morts d’un second naufrage, survenu quelques heures plus tard à des centaines de kilomètres de là, au large de Lesbos, a lui aussi été revu à la hausse. Le corps d’un homme adulte a été repêché jeudi après-midi par des plongeurs de l’Agence de surveillance des frontières européennes (Frontex). Désormais, le bilan des victimes s’élève à 18 personnes, selon les garde-côtes qui poursuivent les recherches en mer.
Un précédent bilan publié jeudi matin faisait état de 17 morts, lorsque les corps de 16 femmes – âgés d’au moins 20 ans – et d’un adolescent de 15 ans d’origine africaine avaient été repêchés à l’est de l’île, a indiqué un porte-parole des garde-côtes, Nikos Kokkalas, sur la chaîne de télévision publique ERT.
Le bateau était chargé d’une quarantaine de personnes, lorsqu’il a chaviré à l’aube, jeudi, mais seules dix d’entre elles étaient équipées d’un gilet de sauvetage, affirme la chaîne. « Les femmes étaient complètement paniquées », a décrit Nikos Kokkalas.
Vingt-huit personnes au total ont été secourues. Selon la chaîne publique grecque ERT, ces dernières sont de nationalité somalienne.
À Prague, où il participe au sommet de la communauté politique européenne, le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis a déploré la « perte tragique de vies » humaines et appelé « à coopérer de manière beaucoup plus substantielle » pour éviter ces drames. Il faut « éradiquer complètement les passeurs qui s’attaquent à des personnes innocentes, des personnes désespérées » qui tentent de rejoindre l’Union européenne sur des embarcations qui ne sont pas en état de naviguer, a-t-il lancé.
Si les passeurs sont systématiquement rendus responsables de ces drames par les autorités, nombre d’ONG pointent aussi du doigt la politique migratoire grecque, de plus en plus hostile aux migrants. Dans les eaux de la mer Égée, les refoulements violents de bateaux chargés d’exilés sont presque légion. Début août, deux personnes auraient été portées disparues après un refoulement opéré par les garde-côtes grecs, selon des témoignages recueillis par la plateforme d’urgence Alarm Phone. InfoMigrants recueille aussi régulièrement les témoignages d’exilés décrivant les manœuvres de garde-côtes grecs pour repousser les bateaux vers la Turquie, non sans violence.
Athènes a toujours farouchement démenti les accusations de refoulement des demandeurs d’asile avant qu’ils ne soient en mesure de déposer des demandes. Mercredi, le ministre des Migrations Notis Mitarachi a rétorqué, une énième fois, que la Turquie « poussait violemment des migrants vers la Grèce, en violation du droit international ».
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Il n’empêche, depuis un an environ, ces agissements poussent les migrants à emprunter d’autres routes en mer, dont celle de la Calabre : depuis les côtes turques, les bateaux contournent les îles de la mer Égée pour arriver directement dans le sud de l’Italie. Dans cette région, à la pointe de la botte, les arrivées de migrants sont plus nombreuses. « Cet été, on a vu des bateaux quasiment tous les jours, parfois deux fois par jour », a confirmé à InfoMigrants Vincenzo Voce, maire de la ville calabraise de Crotone.
Source : https://www.infomigrants.net