La légalité du projet de relocalisation des demandeurs d’asile au Rwanda, validé en décembre dernier par la Haute-Cour de Londres, est de nouveau portée devant la justice britannique. En attendant la décision de la cour d’appel, aucun vol ne pourra quitter le Royaume-Uni pour Kigali.
Le rêve de la ministre de l’Intérieur Suella Braverman d’un « avion plein de réfugiés décollant pour le Rwanda » a du plomb dans l’aile. Lundi 16 janvier, deux juges de la Haute-Cour de Londres ont accepté la saisine de la cour d’appel par onze migrants et l’ONG Asylum Aid, quant à l’externalisation des demandes d’asile à Kigali. Parmi les points qui seront soumis à la cour d’appel figurent la question de savoir si le projet est « injuste de manière systémique ». Une réflexion sera également menée autour de l’expulsion des demandeurs d’asile vers un pays où ils risquent d’être persécutés.
« Asylum Aid est soulagé que le tribunal ait reconnu à juste titre qu’il existe des raisons impérieuses pour que son affaire soit entendue par la Cour d’appel », a réagi Carolin Ott, avocate de l’association.
En attendant cette audience, dont la date n’a pas encore été communiquée, aucun vol à destination du Rwanda ne pourra donc quitter le Royaume-Uni, souligne la BBC. Après la décision du tribunal, l’affaire pourra également être portée devant la Cour suprême. « En pratique, le plan pourrait alors rester dans les limbes [de la justice] une grande partie de l’année 2023 – ou même jusqu’à l’année d’après, si les juges ne donnent pas la priorité aux appels », précise la BBC.
Un vol annulé à la dernière minute
Le 19 décembre dernier, la Haute-Cour de Londres – à laquelle appartiennent les deux juges qui ont accepté l’appel – avait donné son feu vert à ce projet hautement controversé, en jugeant le dispositif « légal ».
Dans sa décision, la Haute-Cour avait tout de même ordonné aux autorités d’étudier la situation particulière de chaque demandeur d’asile, avant de l’envoyer au Rwanda. Et ce, afin de vérifier qu’il n’y a pas de « circonstances particulières » qui feraient que « sa demande d’asile doit être examinée au Royaume-Uni », ni « d’autres raisons pour lesquelles il ne devrait pas être relocalisé au Rwanda ».
L’un des juges du tribunal avait d’ailleurs déclaré que lors de la précédente tentative du gouvernement de faire décoller un avion vers Kigali, « le ministre de l’Intérieur n’avait pas correctement examiné la situation des huit demandeurs individuels dont nous avons examiné les cas ».
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Ce projet très controversé a été mis sur pied par les gouvernements britannique et rwandais au printemps dernier. Le 14 avril, Londres et Kigali l’ont concrétisé avec la signature d’un accord, qui prévoit le traitement des demandes d’asile et le transfert de leurs requérants dans le pays des Mille Collines. Ce plan, pour lequel le Royaume-Uni a déboursé 140 millions de livres sterling, a failli être exécuté deux mois plus tard, alors qu’un premier charter avait été programmé pour la capitale rwandaise. Une décision de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) avait finalement empêché son départ.
Des tentatives de suicide chez les demandeurs d’asile
Avec cet accord, Londres espère atteindre l’objectif fixé après le Brexit : décourager les migrants de traverser la Manche. En 2022, plus de 45 000 personnes ont atteint les côtes britanniques à bord de petites embarcations, un record. Pour les demandeurs d’asile concernés par ce plan, les conséquences sont déjà visibles.
En juin, une Iranienne qui n’aurait pas supporté son expulsion prochaine a tenté de se suicider. Un Yéménite de 40 ans a lui aussi voulu mettre fin à ses jours. Dans une vidéo adressée au Premier ministre Boris Johnson, il avait déclaré « n’avoir pas d’autre choix ». Le jeune homme avait appris à son arrivée sur le sol britannique qu’il risquait d’être renvoyé à 7 000 km de là.
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Dans les camps du nord de la France, où les migrants tentent de survivre avant de prendre la mer, la perspective d’être transféré au Rwanda inquiète. « J’ai entendu des choses. Il paraît que tous les migrants vont être envoyés au Rwanda, c’est vrai ? Comment je vais faire, moi, si on me déporte là-bas ? Je n’aurais plus d’argent pour revenir », avait confié à InfoMigrants Shamsul Rahman, un exilé afghan qui vivait mi-décembre dans le camp informel de Loon-Plage.
Mais après des mois de périple, et des milliers de kilomètres parcourus, la perspective d’être transféré au Rwanda ne dissuade pas pour autant les migrants de traverser la Manche. « Je sais qu’il y a le Rwanda [la menace d’être déporté dans ce pays, ndlr], je sais aussi que la mer c’est dangereux, avait soufflé Mohammed Youssouf, un autre exilé afghan du camp. Mais je vais prendre ce risque. De toute façon, nous les Afghans, après tout ce que l’on a vécu, on est déjà morts. »
Sources : https://www.infomigrants.net/