Après l’expulsion par les autorités belges d’une Iranienne menacée de mariage forcé, trois autres Iraniens risquent le renvoi, cette fois vers la Turquie, dernier État où ils ont séjourné avant de venir en Europe. Ils ont quitté l’Iran pour échapper à une arrestation, après avoir manifesté dans leur pays contre le pouvoir iranien.
La Belgique est en passe d’expulser vers la Turquie trois Iraniens, dont deux jeunes hommes, âgés de 21 et 22 ans, Mohammadreza Hamian et son cousin Alireza Hesam, qui disent avoir reçu des convocations de la police iranienne pour « troubles à l’ordre public », après avoir manifesté contre le pouvoir iranien dans le nord du pays. Des documents que les journalistes de la télévision belge ont pu voir mais pas authentifier.
En Iran, les autorités ont durci la répression à l’égard des manifestants depuis la révolte faisant suite à la mort de Mahsa Amini le 16 septembre, lors d’une arrestation par la police des mœurs pour un « voile mal porté ». Selon l’ONG Iran Human Rights, au moins 481 personnes ont été tuées depuis et au moins 109 autres risquent d’être exécutées en lien avec ces manifestations. Quatre hommes ont déjà été pendus et quatorze condamnations à mort ont été prononcées.
Les trois exilés iraniens, qui ont demandé l’asile en Belgique, ont fui l’Iran en octobre, mais leur dossier a été rejeté, de même que l’appel de cette décision.
Une première expulsion a été annulée in extremis lundi 23 janvier, après qu’ils ont refusé de monter dans l’avion à l’aéroport de Zaventem de Bruxelles. Ils ont donc été ramenés au centre de détention administratif de Caricole, où ils sont enfermés depuis qu’ils sont arrivés en Belgique, il y a un mois pour les deux plus jeunes.
Il n’y a « généralement pas d’escorte policière et donc pas de contrainte physique » lors de la première expulsion, explique à InfoMigrants un membre du collectif belge Getting the voice out, une association qui relaie la voix des personnes détenues dans les centres fermés de Belgique.
Internet ralenti en Iran rend difficile la constitution du dossier d’asile
« La situation en Iran est inquiétante. Mais en Belgique, une demande d’asile est évaluée de manière rigoureuse et indépendante par le Commissariat général aux réfugiés (…) Selon le commissariat général et le juge du Conseil du contentieux, il n’y a pas un risque de persécution individuel dans ce dossier », a estimé pour sa part Nicole De Moor, la secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration, interrogée sur le cas de ces trois Iraniens par la RTBF.
Mohammadreza Hamian et Alireza Hesam ont invoqué quant à eux « le mauvais fonctionnement d’Internet en Iran pour expliquer leurs difficultés à fournir d’autres preuves », affirme le correspondant du Monde à Bruxelles.
Pour l’avocat Guillaume Lys, qui vient de reprendre leur dossier, « les autorités belges doivent comprendre que ces personnes sont confrontées à un double risque, non seulement en raison de leur participation à des manifestations mais aussi en raison de leur expulsion qui fera que, quoi qu’il arrive, ils seront considérés comme des opposants et soumis à des mauvais traitements », a-t-il expliqué au média belge.
La Belgique, qui fait face à une hausse record de 40 % du nombre de demandeurs d’asile en 2022, avec 36 800 dossiers, dont 880 Iraniens seulement, expulse régulièrement des déboutés du droit d’asile vers l’Iran.
Fin septembre, le renvoi d’une Iranienne de 21 ans menacée de mariage forcée dans son pays, a fait polémique à Bruxelles. Aisha, dont InfoMigrants a recueilli le témoignage devait être renvoyée pour Téhéran, mais elle a finalement pu descendre à Istanbul après avoir supplié des agents turcs.
Les dangers de la Turquie pour les migrants iraniens
Le billet d’avion des trois migrants iraniens était, cette fois-ci, à destination d’Istanbul. La Turquie – où les Iraniens peuvent rester trois mois sans visa – étant le dernier pays dans lequel ils ont séjourné avant leur arrivée en Belgique.
Lorsque des migrants sont expulsés par des pays européens, ces personnes sont habituellement conduites dans des centres de détention turcs, où ils patientent avant d’être déportés vers l’Iran. « Ils peuvent contester cette détention s’ils ont accès à une aide juridique », précise l’association turque Refugee Rights Turkey (RTT) avec qui InfoMigrants s’est entretenu.
Sources :www.infomigrants.net