À 28 ans, Arnaud Yao a connu l’esclavage en Libye avant de traverser la Méditerranée pour atteindre l’Italie. Cet Ivoirien met désormais son leadership et son expérience au service d’un refuge pour migrants à la frontière franco-italienne. Portrait.
Pour ses 28 ans, Arnaud Yao s’est vu offrir un CDI. En janvier, il a été embauché par le refuge pour migrants Fraternita Massi, dans le val de Suse, à la frontière franco-italienne où plusieurs milliers d’exilés transitent chaque année.
Larges épaules, barbe épaisse et tatouages sur le bras, Arnaud Yao est arrivé dans ce lieu en 2021. Depuis, il observe les flux de migrants varier chaque mois au refuge, sans toujours avoir d’explications. « On a moins d’arrivées depuis décembre, on ne sait pas pourquoi. Actuellement, il y a une trentaine de personnes qui arrivent chaque jour en moyenne, surtout d’Afrique subsaharienne et d’Afrique du Nord. Il y a beaucoup moins d’Afghans qu’avant », raconte-t-il à InfoMigrants.
Fondé par le curé de Bussoleno, Don Luigi Chiampo, en 2017, Fraternita Massi sert de halte aux migrants qui espèrent atteindre l’ouest ou le nord de l’Europe. En 2022, 15 000 migrants y ont transité. Le refuge bénéficie d’ailleurs d’une subvention annuelle du ministère de l’Intérieur italien.
Médiateur et polyglotte
Sur la douzaine de salariés du refuge, on compte deux Albanais et un Malien. Arnaud Yao, lui, a été recruté pour sa maîtrise de l’anglais, de l’italien et du français en plus du baoulé, la langue de son ethnie d’origine. « Quand on m’a parlé du refuge, je me suis dit ‘Je parle français, j’ai la peau noire, je peux apporter de la confiance à ces gens-là' », explique le jeune homme.
Mais au-delà des langues, ce sont ses qualités de médiateur qui ont séduit la fondation Talita Kum, qui gère le refuge. Arrivé en Italie en 2016, le jeune Ivoirien a rapidement appris l’italien et s’est engagé comme médiateur dans des maisons communautaires et des centres pour demandeurs d’asile où son expérience de la migration s’avère utile pour l’administration italienne.
« La majorité des Africains noirs pensent qu’ils ne sont pas en Europe tant qu’ils ne sont pas en France, raconte Arnaud Yao. Je leur fais comprendre que l’Europe, c’est une question de patience, qu’il faut des étapes pour devenir citoyen italien, mais qu’ils peuvent avoir un avenir ici. Plusieurs fois, j’ai convaincu des personnes de rester, mais parfois, on ne peut pas les retenir de partir en France. »
« On était 54 personnes dans une cellule de 15 m2 »
Enfant, Arnaud Yao n’aurait jamais pensé quitter son pays pour l’Europe. Issu de la classe moyenne d’Abidjan, il est contraint de fuir la capitale ivoirienne en 2011 quand les violences explosent entre les partisans du président sortant Laurent Gbagbo, et ceux de son rival Alassane Ouattara. Les combats feront plusieurs centaines de morts.
Après plusieurs années d’errance au Ghana et au Niger, où il tente d’intégrer des équipes de football professionnelles, Arnaud Yao reçoit un jour un message de détresse d’une amie. Elle lui explique être retenue prisonnière par son employeur en Libye qui lui réclame une rançon pour la libérer. Ni une, ni deux, le jeune homme rassemble ses faibles économies et part en direction de la Libye, mais les choses ne se passent pas comme prévues : « À peine arrivé à la frontière, je me suis fait dépouiller et voler mes papiers puis emprisonner ».
Sources : www.infomigrants.net