Les garde-frontières biélorusses ont accusé lundi les forces polonaises de tirer à leur frontière commune pour obliger les migrants à quitter le territoire de la Pologne. Ils dénoncent une « provocation dangereuse » à l’heure où les tensions entre les deux pays vont croissant.
La tension monte encore d’un cran entre la Biélorussie et la Pologne. Minsk a accusé lundi 11 septembre les forces polonaises de faire usage d’armes à feu à la frontière entre les deux pays pour repousser les migrants de leur territoire. « Ces derniers temps, plusieurs incidents ont été relevés au cours desquels des militaires polonais ont conduit à la frontière avec la Biélorussie des étrangers et les ont forcés à passer à travers une porte prévue pour les animaux », ont affirmé les garde-frontières biélorusses sur Telegram.
Les accusations sont encore plus graves : « Pour faire peur aux gens, les militaires polonais ont dirigé leurs armes sur les réfugiés et tiré au-dessus de leurs têtes », ont-ils poursuivi. « L’usage par des militaires étrangers d’armes à la frontière constitue les prémices extrêmement dangereuses d’un conflit frontalier », avertissent les garde-frontières.
Barrière métallique et refoulements
Depuis l’été 2021, les tensions sont récurrentes entre Minsk et Varsovie. À cette période, des milliers d’exilés, principalement du Moyen-Orient, avaient traversé ou tenté de traverser la frontière polonaise depuis le sol biélorusse. Le régime de Minsk avait été accusé d’orchestrer cet afflux, avec son allié russe, pour déstabiliser l’Union européenne.
Depuis cet afflux, la Pologne a construit une barrière métallique équipée d’installations électroniques et a approuvé une loi autorisant les refoulements de migrants. Une pratique illégale au regard du droit international.
>> À (re)lire : En Pologne, le gouvernement « instrumentalise » les migrants à « des fins électoralistes »
En août dernier, la situation s’est encore tendue entre les deux pays, suite à l’arrivée de milliers de mercenaires du groupe russe Wagner sur le sol biélorusse. Deux hélicoptères biélorusses ont brièvement violé l’espace aérien polonais. Varsovie a rapidement annoncé l’envoi de 10 000 militaires supplémentaires pour surveiller la frontière avec son voisin.
Ce récit officiel d’une menace à la frontière est déployé avec vigueur à quelques semaines des élections législatives en Pologne, fixées au 15 octobre prochain. Certaines voix s’étonnent de cette temporalité qui tombe à pic pour le Premier ministre Mateusz Morawiecki, en pleine campagne pour le parti ultraconservateur Droit et Justice (Pis).
Au moins 28 morts dans la zone frontalière
Cette route migratoire connaît cependant depuis le début de l’été un regain d’intérêt. Selon les garde-frontières polonais, 19 000 migrants ont tenté d’entrer en Pologne depuis le janvier, contre 16 000 pendant toute l’année 2022. Et rien qu’en juillet dernier, plus de 4 000 exilés ont tenté de franchir la frontière polonaise.
Dans le même temps, les violences continuent à la frontière, selon les ONG. « Récemment, de plus en plus de réfugiés parlent de l’augmentation de la violence de la part des services polonais », indiquait en août l’association Grupa Granica sur son compte Facebook. D’après les témoignages des migrants, les garde-frontières leur prennent parfois leurs chaussures, de la nourriture et de l’eau. « Ils endommagent aussi délibérément les sacs à dos et détruisent systématiquement les téléphones. »
>> À (re)lire : Pologne : à la frontière avec la Biélorussie, « la crise humanitaire est toujours là »
Certaines personnes portent les stigmates de leur passage à la frontière : des « coupures » et « fractures », causées par la barrière ou brûlures « dues au gaz [lacrymogène] utilisé par les services polonais ». Ce dernier provoque aussi « des toux très fortes » et « une cécité momentanée, provoquant désorientation et panique chez les exilés ».
Depuis deux ans, au moins 28 migrants sont morts dans la zone – côté polonais comme biélorusse – d’après un rapport de Grupa Granica. « Mais il pourrait y en avoir plus, car avoir des informations fiables à cette frontière est difficile. Ce dont nous sommes sûrs en revanche, c’est que près de 200 personnes sont à ce jour portées disparues », précisait en janvier dernier l’une de ses autrices, Aleksandra Loboda, à InfoMigrants.
Sources : https://www.infomigrants.net/