Une vingtaine de migrants disparus, deux morts et une centaine de secourus : fin de semaine intense au large de Lampedusa

Dimanche, une centaine de migrants ont été secourus dans une embarcation au large de l’île italienne de Lampedusa. Dans ce même canot, deux corps ont été retrouvés par les gardes-côtes. Trois jours plus tôt, un naufrage dans la zone de recherche et de sauvetage maltaise a causé la disparition d’une vingtaine de personnes. Seuls 11 exilés ont été secourus et déposés à Lampedusa.
Les derniers jours ont été intenses en Méditerranée centrale. Dimanche 19 octobre, les gardes-côtes italiens ont porté assistance à 91 exilés à bord d’un bateau à la dérive à 25 km au large de l’île de Lampedusa. Dans ce canot parti jeudi de Zaouia, à l’ouest de la Libye, figuraient 85 hommes, une femme et cinq mineurs présumés. Ils sont originaires du Pakistan, d’Érythrée et de Somalie.
« Lors de l’inspection des zones sous le pont, d’autres migrants dans un état de santé grave et deux corps, tous deux masculins, ont été découverts », a précisé la marine italienne dans un communiqué.
Selon l’agence de presse Ansa, les deux exilés sont morts après avoir inhalé de l’essence sous le pont, tandis que 14 migrants sont dans un état grave. Ils souffrent de détresse respiratoire pour les mêmes raisons. La journaliste italienne Angela Caponnetto a publié sur X des photos du débarquement à Lampedusa : on y voit des hommes très faibles portés par des sauveteurs et des membres de la Croix-Rouge.
Naufrage dans la zone de recherche maltaise
Trois jours plus tôt, un autre drame s’est joué en mer Méditerranée. Une embarcation avec une trentaine de migrants à son bord a chaviré, jeudi, dans la zone de recherche et de sauvetage (SAR zone) maltaise. Dans la soirée, Malte a coordonné le sauvetage de ce canot, avec l’appui des autorités italiennes et l’agence européenne de surveillance des frontières Frontex.
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Onze personnes, dont trois femmes et deux mineurs, ont finalement été repérées vendredi par un avion des gardes-côtes italiens, qui ont immédiatement lancé une opération de sauvetage avec l’aide d’un navire commercial présent à proximité. Selon les survivants débarqués à Lampedusa, une vingtaine de migrants ont péri dans ce naufrage. Seul un corps de femme a été récupéré par les forces italiennes. Les exilés, originaires d’Érythrée, du Soudan et de Somalie, avaient pris la mer depuis Tajourah, en Libye.
La plateforme d’aide aux migrants sur la route de l’exil, Alarm Phone, avait alerté les autorités compétentes dès jeudi après-midi de « la présence d’un bateau transportant environ 35 personnes dans la SAR zone maltaise mais elles n’ont pas réagi », selon un message publié vendredi sur X par l’organisation. « Le bateau a chaviré, nous craignons une vingtaine de morts ».
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Au total la semaine dernière, plus de 2 100 exilés sont arrivés à Lampedusa, dont 744 pour la seule journée de jeudi. Le nombre d’arrivées cette année reste sensiblement le même que l’an dernier à la même période : on comptait 55 010 personnes débarquées entre le 1er janvier et 17 octobre 2024, contre 55 948 au même moment en 2025, d’après les chiffres du ministère italien de l’Intérieur.
Critiques de l’accord entre l’Italie et la Libye
Ces derniers mois, les organisations de sauvetage en mer ont alerté à plusieurs reprises sur l’intensification des violences en mer. Plusieurs ONG ont été la cible de tirs à balles réelles de la part de Libyens en Méditerranée centrale.
Et lundi 13 octobre, des migrants secourus par les gardes-côtes italiens ont déclaré avoir été victimes d’une « attaque armée » dans les eaux maltaises. La veille, Alarm Phone avait affirmé sur X être « en contact avec un bateau dans la zone de recherche et de sauvetage maltaise », à bord duquel « des personnes signalent qu’elles sont actuellement la cible de tirs des ‘soi-disant’ gardes-côtes libyens ». Dans un communiqué retraçant le fil des événements, Alarm Phone avait assuré que les migrants « ont identifié les auteurs [des coups de feu] comme étant des miliciens libyens ».

Quarante-deux ONG, dont Médecins sans frontières ou encore SOS Méditerranée, ont une énième fois exhorté fin septembre l’Union européenne (UE) à mettre fin à son partenariat avec la Libye. Depuis 2017, l’Italie, soutenue par l’UE, finance et forme les gardes-côtes libyens dans le but d’intercepter les migrants en mer et de les empêcher d’atteindre les côtes européennes.
Depuis le début de l’année, plus de 20 000 exilés ont ainsi été arrêtés en Méditerranée et renvoyés en Libye, selon les chiffres de l’Organisation internationale des migrations (OIM).
Cet accord, largement critiqué depuis sa signature, doit être renouvelé le mois prochain par le Parlement italien.
Manifestation à Rome
Samedi 18 octobre, des centaines de migrants et militants des droits de l’Homme ont manifesté à Rome pour dénoncer ce partenariat. Dans la manifestation, des dizaines de personnes originaires d’Afrique subsaharienne ont raconté ce qu’ils avaient enduré en Libye, et une minute de silence a été observée en mémoire de ceux qui ont péri en tentant de traverser la mer.
Irene Dea, 46 ans, originaire de Côte d’Ivoire, a raconté à l’AFP avoir essayé de rejoindre l’Europe trois fois en bateau. La première fois, 12 personnes qui étaient avec elle sont mortes dans le naufrage de leur embarcation. Après que les forces libyennes ont intercepté son bateau, elle a passé six mois dans le centre de détention de Zaouia. « J’ai vu de mes propres yeux des femmes être violées », a-t-elle dit. « On ne mangeait pas, c’était une angoisse totale. »
Plusieurs enquêtes ont montré que les centres de détention financés par l’UE en Libye étaient gérés par des trafiquants d’êtres humains. Ces dernières années, InfoMigrants a recueilli de nombreux témoignages de migrants faisant état des sévices subis dans les geôles libyennes. Dans les prisons, les exilés sont exposés aux violences, aux tortures, aux extorsions ou encore au travail forcé.
Sources: infomigrants




