« En Italie, la guerre contre les réseaux de solidarités, grands et petits, se fait chaque jour plus âpre et plus agressive ». Dans un éditorial du 27 avril aux accents sévères, le directeur de la rédaction de L’Avvenire, le quotidien de la Conférence des évêques italiens, Marco Tarquinio, dénonçait « l’hostilité » manifestée par le gouvernement de son pays à l’encontre des organisations caritatives.
« Dans leur viseur », selon le journaliste, « tous ceux qui s’occupent des pauvres, des enfants seuls, des personnes handicapées, des prisonniers, des étrangers ».À lire aussiItalie : Salvini ne sera pas jugé pour séquestration de migrants
Au cours des semaines précédentes, le vice-président du Conseil et ministre de l’intérieur Matteo Salvini (Ligue du Nord, extrême droite), avait multiplié les attaques. Dans sa bouche ou dans ses messages postés sur les réseaux sociaux, les restaurants solidaires deviennent des « mangeoires » et les foyers d’accueil des « business ». Tous ceux qui œuvrent auprès des réfugiés sont accusés de « se faire de l’argent » sur leur dos.
Politique anti-migrants
Mais au-delà des propos de Matteo Salvini, l’éditorialiste s’inquiète de la politique menée par le gouvernement, et en particulier de la diminution des subventions accordées aux associations qui s’occupe de l’accueil des migrants.
« La guerre lancée à la solidarité est une vraie guerre, qui fait exploser un énorme paradoxe, car elle est menée au moment du revenu de citoyenneté », relève Marco Tarquinio. D’une main, le gouvernement donne, de l’autre il prend. Il s’apprête à distribuer de l’argent (…) aux citoyens les plus pauvres, tout en frappant et en cherchant à fragiliser les réseaux de solidarité ».
En juillet 2018, c’est l’hebdomadaire catholique italien Famiglia cristiana qui s’en était pris au vice-président du Conseil italien dans une couverture au titre évocateur : « Vade retro Salvini ». Les évêques italiens sont engagés depuis l’arrivée au pouvoir de la Ligue du Nord contre la vague populiste qui secoue la péninsule.À lire aussi« Vade Retro Salvini », un journal catholique italien contre la politique anti-immigration du gouvernement
La Caritas, à l’image du monde associatif dans son ensemble, s’est montrée particulièrement critique concernant la réduction de l’allocation journalière destinée à la gestion des migrants. Alors que le pape François a fait de cet accueil l’un des axes principaux de son pontificat, les relations entre l’Église et une partie de la classe politique italienne connaissent une phase difficile.
« J’ai lu aujourd’hui sur les journaux que certains responsables de la Caritas, que certains prêtres ou évêques, me critiquent car nous avons réduit de 35 à 21 € l’argent pour les immigrés. Si vous êtes généreux, continuez d’accueillir avec moins d’argent, ou alors peut-être accueilliez-vous pour vous faire de l’argent ? », avait lancé Matteo Salvini aux inquiétudes venues du monde catholique. « La mangeoire, c’est fini. Ceux qui spéculaient avec d’énormes marges pour « intégrer », souvent avec des résultats très faibles, devront changer de métier », avait-il encore déclaré dans un tweet.
Crise ouverte
Dans cette crise ouverte, les uns et les autres se répondent par tweets ou déclarations croisées. Vendredi 3 mai, en marge de la signature d’un accord sur les couloirs humanitaires au ministère de l’intérieur – un projet mené de longue date entre le gouvernement et des associations catholiques et protestantes –, le secrétaire de la Conférence épiscopale italienne, Mgr Stefano Russo, a rappelé que « la Caritas est composée de volontaires qui se dépensent infatigablement chaque jour en travaillant pour les migrants pour aussi pour de nombreux Italiens qui se trouvent dans l’indigence ».À lire aussiDans la toile européenne de Viktor Orban
Matteo Salvini, qui n’hésite pas à s’afficher avec un chapelet ou une Bible à la main et qui se fait le chantre des traditions chrétiennes, avait par ailleurs lancé des vœux particuliers à l’occasion des fêtes pascales. « Je me permets de souhaiter une bonne et sainte Pâques à ces évêques qui pense qu’il y a de la place pour tout le monde en Italie. Je crains de devoir les contredire. J’ai lu qu’un cardinal du Luxembourg (Mgr Jean-Claude Hollerich, NDLR) voudrait que l’Europe accueille tout le monde. Je ne sais pas s’il y a la place au Luxembourg. En Italie, ce n’est pas le cas ».
Sources : la-croix.com