En Grèce, plus de 11 000 réfugiés doivent être expulsés à partir de ce lundi des logements sociaux qu’ils occupent, au risque de se retrouver à la rue. Le gouvernement assure vouloir faire de la place pour les 32 500 demandeurs d’asile des camps des îles surpeuplés.
Appartements, hôtels, campements, centres d’accueil et d’identification… Sur la partie continentale de la Grèce, des milliers de logements sociaux attribués à des réfugiés vont être vidés de leurs occupants. Selon une décision du gouvernement, plus de 11 000 personnes sont visées par des expulsions qui peuvent avoir lieu à compter de lundi 1er juin.
Ces expulsions, prévues dès avril mais reportées en raison de la pandémie de Covid-19, sont censées faire de la place pour des demandeurs d’asile venus des camps surpeuplés des îles, où plus de 32 500 personnes s’entassent dans des conditions sordides. La mesure vise les réfugiés hébergés notamment dans le cadre du programme d’hébergement ESTIA, qui est géré par le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et financé par la Commission européenne mais dont les contours sont déterminés par l’État grec.
Le ministre des Migrations, Noris Mitarachi, a pointé que le programme d’hébergement ESTIA n’était censé venir en aide qu’aux demandeurs d’asile hébergés le temps du traitement de leur dossier. Or, une fois la protection obtenue, les réfugiés ne quittent pas toujours ces logements et occupent les places qui devraient être allouées aux nouveaux demandeurs.
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« Il est normal que ceux qui sont en Grèce depuis plus longtemps puissent laisser leur place. Il faut mettre une limite et que les réfugiés s’intègrent et trouvent un travail », a justifié à l’AFP Manos Logothetis, secrétaire du service d’asile grec.
« On nous demande de nouveau de tout recommencer à zéro… »
Si les réfugiés ont techniquement le droit de travailler en Grèce – et peuvent ainsi subvenir à leurs besoins et trouver un logement par leur propres moyens -, la réalité est toute autre, selon des groupes de soutien aux réfugiés. Ces derniers décrivent en effet des difficultés insurmontables pour ces personnes, confrontées non seulement au manque d’opportunités économiques dans un pays lourdement touché par la crise mais aussi à la réticence des propriétaires grecs à louer un logement à des réfugiés en situation précaire.
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« Notre aide financière de 400 euros par mois nous sera aussi coupée. Si nous sommes expulsés, nous risquons de nous retrouver à la rue », confie Abdelkader Rahmoun, un réfugié syrien de 44 ans cité par l’AFP, qui doit libérer le petit logement qu’il occupe avec sa famille dans le port du Pirée, à Athènes, avant fin juin. « Depuis dix ans, nous nous battons pour survivre. (…) Maintenant alors que notre situation s’était stabilisée, on nous demande de nouveau de tout recommencer à zéro… »
Fin mai, des réfugiés ont organisé plusieurs manifestations à l’extérieur des locaux du HCR et devant la représentation de la Commission européenne à Athènes pour protester contre leur future expulsion qualifiée de décision « cruelle ».
« Ces réfugiés ont besoin de volonté mais aussi de l’État »
L’annonce de ces expulsions massives fait suite à l’entrée en vigueur, en mars, d’un amendement à la loi asile et immigration. Le texte réduit de six mois à 30 jours la période pendant laquelle les réfugiés ayant obtenu l’asile sont autorisés à rester dans les structures de demandeurs d’asile et à toucher une allocation, le temps de préparer leur transition.
« C’est très préoccupant car on demande à ces personnes de partir et d’être autosuffisantes mais elles n’ont accès à aucune aide et n’ont pas de filet de sécurité », déplore Stella Nanou, porte-parole du HCR en Grèce contactée par InfoMigrants. « Ces réfugiés ne disposent pas de cours de langue, ce qui peut bloquer leur accès au marché du travail, et n’ont pas droit à des aides sociales alors même qu’ils en ont besoin », explique-t-elle, précisant que les bénéficiaires du programme ESTIA sont des réfugiés dits vulnérables, comprenant des personnes handicapées.
Le gouvernement grec soutient pour sa part que les réfugiés peuvent postuler au programme HELIOS, mis en place par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui leur permet de suivre des cours de grec et bénéficier d’une allocation pour leur logement.
Ce programme ne peut toutefois accueillir que 3 500 personnes maximum. De plus, il apparaît peu adapté : « Les réfugiés sont censés trouver eux-mêmes un logement, or ils font face à des attitudes xénophobes des propriétaires, à des démarches administratives peu compréhensibles et au manque d’offre d’appartements bon marché », note Eva Giannakaki, en charge des questions de logement pour l’ONG Solidarity Now, citée par l’AFP.
« Ces personnes sont censées commencer une nouvelle vie, poursuit Stella Nanou. Elles ont besoin de faire preuve de volonté pour cela mais elle ont aussi besoin de l’État, d’autant plus qu’elles sont déjà désavantagées par le fait de ne pas parler la langue et souvent traumatisées. C’est un processus long et difficile mais il en va de la cohésion sociale du pays. »
Sources : https://www.infomigrants.net/