Titres de séjour : des étrangers toujours en difficulté faute de rendez-vous en préfectures
Depuis plusieurs mois, des étrangers n’arrivent pas à faire valoir leurs droits et à régulariser leur situation faute de rendez-vous disponibles en ligne sur les sites des préfectures. Cette impasse administrative numérique – particulièrement stressante – condamne beaucoup d’entre eux à vivre en situation irrégulière. Une nouvelle action en justice a été menée, jeudi 28 janvier, pour dénoncer ces défaillances de l’État.
Environ 300 migrants se sont rassemblés jeudi 28 janvier devant le tribunal administratif (TA) de Paris pour dénoncer les difficultés d’accès aux rendez-vous en préfecture. Cette « impasse administrative » est source d’ennuis : sans rendez-vous, impossible pour eux de déposer ou de renouveler leurs demandes de titres de séjour, ce qui les condamne à vivre en situation irrégulière.
Avec l’aide d’associations, une centaine de recours en référé ont ainsi été déposés jeudi après-midi à l’issue de la manifestation, qui a réuni essentiellement des personnes originaires d’Afrique francophone.
« Passer des nuits entières devant son ordi pour avoir un rendez-vous »
Une action similaire avait eu lieu le 10 décembre devant des tribunaux administratifs d’Ile-de-France. Mais depuis plusieurs mois, l’exaspération est là. Au mois de juillet, les associations et le Défenseur des droits alertaient déjà sur cette situation. « Il y a des personnes qui passent des nuits entières à tenter d’obtenir un rendez-vous et ça peut durer des semaines », expliquait alors la Cimade. « Cette situation extrêmement complexe laisse des milliers de personnes dans la précarité », continue l’association qui demande une simplification des règles de l’accès au séjour.
Ce jeudi 28 janvier, Seydou, un Ivoirien de 35 ans était présent parmi les manifestants devant le TA de Paris. Cela fait « plus d’un an » qu’il tente d’ouvrir, en ligne, les portes de sa préfecture. En vain. « Je me connecte tout le temps, de l’ordinateur, de la tablette, de mon téléphone. Mais impossible », affirme-t-il à l’AFP. Jusqu’ici, Seydou a toujours refusé de payer pour un rendez-vous, qui se monnaie 600 euros au marché noir, affirme-t-il : « Trop cher. »
Pour obtenir un rendez-vous, il faut désormais passer par le site Internet de la préfecture, qui est censé proposer des dates. Le 28 janvier 2021, la rédaction d’InfoMigrants a tenté de prendre un rendez-vous à la préfecture de l’Essonne (91) et à la sous-préfecture d’Antony (92), en région parisienne : aucun rendez-vous n’a, en effet, été proposé. À celle de Bobigny (93), en revanche, une poignée de rendez-vous étaient disponibles pour le mois de février 2021.
Aucune possibilité d’accès aux guichets
« En dématérialisant progressivement les prises de rendez-vous, sans prévoir aucune autre possibilité d’accès aux guichets, les préfectures ont quasiment fermé les portes de l’admission exceptionnelle au séjour, seule voie d’accès à une vie normale », ont dénoncé dans un communiqué une trentaine d’associations et syndicats, dont la Ligue des droits de l’homme ou la CGT. « Sous couvert de dématérialisation, très peu de rendez-vous sont délivrés », a renchéri auprès de l’AFP Clémence Lormier, une responsable de la Cimade.
Avant, a-t-elle ajouté, « on voyait de longues queues devant les préfectures, maintenant il y a toujours autant de monde, sauf qu’ils ont été invisibilisés ».
Pour Me Elena de Guerould, du Syndicat des avocats de France, l' »absence d’alternative est illégale ». « La dématérialisation doit être un droit et non une obligation », a-t-elle estimé.
« Il n’y a jamais de rendez-vous ! »
La Direction générale des étrangers en France, elle, estime que les plaignants font une « confusion » entre dématérialisation et rendez-vous en ligne. « Pour l’instant, seuls les étudiants étrangers sont concernés par la dématérialisation, et justement ils n’ont désormais plus besoin de rendez-vous pour déposer leurs demandes. C’est l’objectif de la dématérialisation progressive de tous les titres d’ici fin 2022 : ne plus avoir à prendre rendez-vous en préfecture pour déposer leur demande. »
Mais en attendant fin 2022, aucune réponse n’a été apportée aujourd’hui aux étrangers non étudiants dont les requêtes sont en cours.
Hadjira, une Algérienne de 33 ans, ne demande rien d’autre qu’une simplification. « Ca fait six mois que j’essaie de prendre rendez-vous » pour une régularisation, explique cette mère de trois enfants nés en France. « Depuis deux mois, je fais des captures d’écran de toutes mes tentatives : j’essaye à toutes les heures du matin, de l’après-midi ou du soir. Mais il n’y a jamais de rendez-vous! »
Sources : https://www.infomigrants.net/