Habituellement décrétée jusqu’au 31 mars, la trêve hivernale a, cette année encore, été prolongée en raison de la crise sanitaire. Les locataires et occupants expulsables pourront rester dans leur logement jusqu’au 1er juin. En 2020, la mesure avait été prolongée jusqu’en juillet.
« L’année 2021 est une année exceptionnelle qu’on gérera de façon exceptionnelle. » Dans un entretien accordé le 1er février au Parisien, la ministre déléguée chargée du Logement, Emmanuelle Wargon, annonce que la trêve hivernale sera prolongée de deux mois et prendra donc fin le 1er juin au lieu du 1er avril. Cette décision s’accompagne également d’une trêve sur les coupures d’énergie pour cause de factures de chauffage impayées.
Pour la ministre, « cet allongement est nécessaire compte tenu de la crise. De toute façon, la force publique ne pourrait pas gérer un si grand nombre d’expulsions et cela poserait un gros problème social. Il est important de donner une nouvelle chance aux foyers en difficulté », explique-t-elle, ajoutant qu’il était indispensable de « prioriser et échelonner les expulsions » lorsqu’elles reprendront, sans omettre de proposer des solutions de relogement ou d’hébergement.
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Emmanuelle Wargon défend une approche plus « sociale » qui ne repose plus uniquement sur le recours à la force publique. « C’est un nouveau système de prévention qu’il nous faut créer et mettre en place. Nous y travaillons mais nous avons besoin de temps. »
30 000 expulsions possibles cette année
Or la situation est d’autant plus pressante que, dans son 26e rapport annuel sur le mal-logement, la Fondation Abbé Pierre redoute qu’un « véritable drame » ne se profile avec la crise économique liée au Covid-19. L’institution craint également un effet de rattrapage, le nombre d’expulsions en 2020 ayant déjà drastiquement chuté. « L’an dernier, grâce à l’extension de la trêve hivernale et à la circulaire du ministère prise dans la foulée, seules 3 500 expulsions ont été effectives. À la fin de la trêve, le risque est donc que ces expulsions temporairement suspendues soient exécutées et viennent s’ajouter au volume d’expulsions annuelles, ce qui pourrait concerner au total 30 000 ménages », prévient Christophe Robert, sociologue et délégué général de la Fondation Abbé Pierre, également interrogé par le Parisien.
L’institution estime tout de même que ce prolongement de la trêve hivernale, acquise par l’abbé Pierre en 1956, « est une très bonne nouvelle », « à condition d’indemniser les propriétaires et de vraiment mettre à profit ce temps pour aller au-devant des personnes en difficulté, comprendre où elles en sont, les aider à ouvrir des droits, à trouver si besoin une solution de relogement… Sinon, cela ne fera que reculer quelque peu l’échéance », poursuit Christophe Robert. La Fondation Abbé Pierre demande donc la création d’un Fonds national d’aide aux paiements des loyers et des charges de 200 millions d’euros. L’objectif : « permettre au gouvernement d’harmoniser ce qui existe déjà au niveau départemental et d’en informer les foyers visés, encore trop peu au courant des aides à leur disposition. »
La ministre Emmanuelle Wargon a répondu que cette proposition était à l’étude. Selon son entourage, il ne manquerait plus que le feu vert de Matignon.
Sources : InfoMigrants : informations fiables et vérifiées pour les migrants – InfoMigrants