Cinq migrants, originaires du Soudan, d’Érythrée et du Tchad, ont écopé de peines allant de 30 à 18 mois de prison ferme pour avoir participé à une émeute en septembre dernier dans le centre de rétention d’Hal Safi, à Malte, tristement célèbre pour ses conditions de vie désastreuses.
C’est une lourde peine prononcée par un tribunal maltais à l’encontre de cinq migrants qui ont plaidé coupable d’avoir participé à une émeute le 18 septembre dans le centre de rétention d’Hal Safi, au sud du pays.
Les hommes, originaires du Soudan, d’Érythrée et du Tchad et âgés de 15 à 22 ans, ont écopé de peines de prison ferme. Deux d’entre eux ont été condamnés à 30 mois d’emprisonnement. Les trois autres à 18 mois, la magistrate ayant pris en compte le fait qu’ils avaient tous moins de 18 ans au moment des faits.
La juge a fait remarquer qu’aucun d’entre eux n’avait déjà été condamné par le passé et qu’ils avaient, en outre, déposé un aveu de culpabilité au début de la procédure judiciaire.
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Emprisonnés après l’émeute, les condamnés ont obtenu que le temps déjà passé en détention soit déduit de leur peine.
Le 18 septembre, une émeute avait éclaté au centre de rétention d’Hal Safi, tristement célèbre pour ses conditions de vie déplorables. Un groupe de détenus qui réclamaient un meilleur traitement avaient jeté des pierres, des briques et des objets métalliques sur les structures de l’établissement ainsi que sur des forces de l’ordre qui tentaient de les arrêter. Deux policiers avaient été hospitalisés pour de graves blessures.
Des soulèvements à répétition
Cet incident n’est pas un cas isolé. Plusieurs mouvements de protestation ont été observés ces dernières années dans ce centre de rétention maltais. En octobre 2019, une dizaine de migrants retenus à Hal Safi avaient participé à un soulèvement durant lequel des lits superposés, des téléviseurs et des caméras de surveillance avaient été endommagés. Dans cette affaire, dix-neuf personnes avaient été condamnées en février 2020 à des peines de prison allant de neuf mois à un an pour rassemblement illégal, troubles à l’ordre public et dégradation de biens appartenant à l’État.
Début 2020, ce sont 22 migrants qui avaient écopé de neuf mois de prison et 800 euros d’amende pour avoir organisé et mené une violente émeute le 6 janvier dans le même centre de rétention.
D’après les chiffres de l’ONU, plus de 1 000 personnes sont enfermées dans les centres de rétention maltais. Officiellement, le gouvernement justifie ce placement en rétention par des contrôles sanitaires. Censée ne pas dépasser deux semaines, cette période dure, en réalité, plusieurs mois durant lesquels les migrants sont privés de liberté, de leur téléphone mobile et des effets personnels avec lesquels ils sont arrivés, y compris leur argent liquide.
« Imaginez un instant leurs conditions de détention. Ils n’ont rien à faire de leur journée, n’ont ni télévision, ni téléphone et à peine à manger. Évidemment, ils sont désespérés, évidemment, ils se rebellent”, commentait en 2019 Claudia Taylor-East, directrice de SOS Malta, lors d’un entretien avec InfoMigrants.
Un Africain retenu dans le centre d’Hal Safi en contact avec InfoMigrants estimait en août dernier que « Malte et la Libye, [était] la même chose ». « Nous sommes privés de nos libertés sans raison, comme lors de notre voyage. On ne s’attendait vraiment pas à cette vie en Europe », avait-il déclaré.
Torture physique
En janvier 2021, le bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO), dont le siège est à La Valette, a reçu plusieurs rapports de migrants détenus à la caserne de Lyster et d’Hal Safi faisant état de torture physique, de coups, d’isolement, de refus ou de retard de soins médicaux, et dans certains cas d’électrocution. Ces sévices sont « destinés à faire peur et à imposer l’obéissance aux détenus », selon un responsable de l’EASO, cité par le Times of Malta.
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Toujours d’après le quotidien maltais, l’agence européenne a remarqué un nombre élevé d’admissions à l’hôpital en raison de tentatives de suicide.
Si les autorités reconnaissent l’existence de quelques tentatives de suicide qui s’expliquent, selon elles, par des « maladies mentales », elles nient en bloc les accusations de violences à l’encontre des exilés.
« Aucune forme de violence physique n’est tolérée à l’intérieur des centres de détention, y compris les échauffourées entre les détenus eux-mêmes (…). Aucun cas de torture n’a été signalé et, [si c’était le cas], ces cas seraient immédiatement signalés à la police », assure au Times of Malta la porte-parole du ministère des Affaires intérieures et de la Sécurité nationale.
Sources : https://www.infomigrants.net/