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« Channel Rescue », la patrouille citoyenne à l’affût des arrivées de migrants sur les côtes anglaises

En Angleterre, un groupe de citoyens bénévoles s’improvisent depuis quelques mois veilleurs des côtes britanniques, à la recherche de canots de migrants en détresse. Le but : s’assurer que les personnes qui arrivent au large du Kent au péril de leur vie sont correctement prises en charge.

L’idée a germé l’été dernier. Alors que l’Angleterre faisait face à une explosion d’arrivées illégales de migrants sur ses côtes – quatre fois plus qu’en 2019 -, une petite poignée de citoyens britanniques inquiets ont eu envie d’agir à leur façon. Que se passe-t-il réellement au large ? Les forces frontalières se livrent-elles à des « pushbacks » ? Les migrants qui traversent la Manche au péril de leur vie sont-ils conduits en sécurité ? Pour en avoir le cœur net, ces militants antiracistes et antifascistes ont commencé par lancer une cagnotte en ligne en août. 

La somme de 19 000 livres (environ 22 000 euros) sera rapidement réunie. « Channel Rescue » (« Sauveteurs de la Manche »), organisation capable de surveiller et documenter ce qu’il se passe au large du Kent, la région dans laquelle arrive la quasi-totalité des embarcations de migrants, était née.

Sept mois plus tard, 25 personnes sont activement impliquées dans l’organisation et une cinquantaine d’autres ont été « entraînées ». Des gens « normaux », de tous horizons : des fonctionnaires, des employés d’universités, des gérants d’organisations caritatives, des professeurs… 

>> À (re)lire : La Manche, théâtre de plus de 9 500 passages ou tentatives de passage de migrants en 2020

« On les forme notamment à savoir comment permettre à un bateau d’accoster en toute sécurité », explique à InfoMigrants Maddie Harrison, une bénévole qui a rejoint l’association en septembre. Ces volontaires sont également formés aux rudiments de la navigation, aux premiers secours et en droits humains.

Dans les faits, le gros des activités de Channel Rescue consiste cependant en une veille. « Nous voulons nous assurer que les droits des migrants à la sécurité sont respectés. Nous ne voulons pas interférer ou prendre la place des agents de l’État », précise Maddie Harrison.

« Une personne scrute, une autre prend des notes, une troisième gère une éventuelle communication avec les garde-côtes »

Ainsi, trois ou quatre fois par semaine, des équipes de trois personnes patrouillent les côtes anglaises du Kent au petit jour, munies de télescopes et armées de patience. « Nous pensons tout le temps à la météo : quand la mer est calme, nous savons qu’il faut qu’on soit dehors [les migrants tentent d’autant plus de traverser par temps calme, ndlr] », affirme encore Maddie Harrison.

« Mais même quand il y a du vent, des passages ont lieu. Idéalement, on devrait être postés dehors tous les jours, toute la nuit. » Les traversées sont en effet fréquentes : en une seule journée, mardi 23 mars, six embarcations transportant 183 migrants au total ont atteint les côtes britanniques au départ de la France. Il s’agit du plus grand nombre de traversées réussies enregistré en une journée depuis le début de l’année dans cette zone.

trois ou quatre fois par semaine, des équipes de trois personnes patrouillent les côtes anglaises du Kent au petit jour. Crédit : Channel Rescue
trois ou quatre fois par semaine, des équipes de trois personnes patrouillent les côtes anglaises du Kent au petit jour. Crédit : Channel Rescue

Etant donné que les départs depuis les côtes françaises se font généralement à la nuit tombée, estiment les militants, les équipes de Channel Rescue prennent place vers 5 heures du matin dans les environs de Douvres et restent en poste parfois pendant de longues heures, en fonction de la situation.

« Les lieux où nous nous postons ont été identifiés par des locaux qui collaborent avec nous comme étant des endroits stratégiques, d’où nous pouvons observer la mer », explique Maddie Harrison, sans divulguer les localisations exactes.

De là, « une personne scrute, une autre note tout ce qu’il se passe et une troisième gère une éventuelle communication avec les garde-côtes », détaille la bénévole. En cas d’interception d’un bateau de migrants par la « Border Force », les coordonnées GPS, les heures et le nom des vaisseaux impliqués sont scrupuleusement relevés. Jusqu’à présent, les militants n’ont jamais eu à prévenir les garde-côtes.

« Les militants d’extrême-droite sont tout le temps là »

Outre les forces de l’ordre, Channel Rescue aimerait pouvoir garder un œil sur les militants d’extrême-droite, très présents dans la région, pour d’autres raisons. Ces derniers ont d’ailleurs infiltré les rangs de la toute nouvelle organisation en novembre dernier, forçant Channel Rescue à renforcer son protocole d’acceptation de nouveaux membres.

>> À (re)lire : Royaume-Uni : à Douvres, pro et anti-migrants manifestent sur fond de record des traversées de la Manche

« Ces militants semblent être tout le temps là quand un bateau arrive dans un port, ils intimident et harcèlent les migrants », poursuit Maddie Harrison, qui se rappelle d’un incident survenu sur une plage l’été dernier, au cours duquel un homme a usé de « violence » envers un migrant qui venait de débarquer.

« Il est également arrivé que ces militants partent à la rencontre d’un bateau de migrants au large pour leur dire ‘Retournez d’où vous venez' », déplore encore l’activiste qui pointe le fait que Channel Rescue, dépourvue de bateau, est, elle, cantonnée à terre pour ses observations. « Nous ne voyons pas assez loin. Nous savons que nous ratons des choses qui se passent au large. »

Sources : https://www.infomigrants.net/

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