Libye : alors qu’ils tentaient de s’évader, six migrants meurent sous les balles des gardiens de la prison d’Al-Mabani
Vendredi, les gardiens de la prison d’Al-Mabani, à Tripoli, ont tiré à balles réelles sur des migrants qui tentaient de s’évader. La fusillade a fait au moins six morts et 24 blessés.
Ils ont voulu s’enfuir et l’ont payé de leur vie. Vendredi 8 octobre, six personnes qui tentaient de s’évader de la prison libyenne d’Al-Mabani, à Tripoli, ont été rattrapées et tuées par des gardiens. Ces derniers ont tiré à balles réelles sur les migrants qui fuyaient la prison à travers une brèche dans la clôture de l’établissement. La fusillade a fait également au moins 24 blessés, a rapporté le chef de la mission de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) des Nations unies en Libye, Federico Soda.
« Certains de nos employés qui ont été témoins de cet incident décrivent des migrants blessés dans une mare de sang gisant sur le sol. Nous sommes dévastés par cette tragique perte de vies », a-t-il ajouté. Les équipes de l’organisation ont emmené quatre des détenus blessés dans une clinique privée et onze autres à l’hôpital local.
« Pas de nourriture, pas d’eau, pas d’oxygène »
« Nous ne savons pas ce qui a provoqué l’incident mais c’est en lien avec l’entassement des migrants qui vivent dans des conditions terribles », a indiqué Federico Soda. Depuis l’arrestation de plus de 5 000 migrants le 1er octobre, plus de 3 000 migrants s’entassaient dans les cellules exigües d’Al-Mabani, pour une capacité maximum de 1 000 places.
Après ces rafles, présentées par les autorités comme une opération de sécurité contre la migration illégale et le trafic de drogue, le nombre de détenus dans les prisons libyennes avait triplé. « Ils nous ont mis dans des cellules surpeuplées où nous ne pouvions même pas respirer. Il n’y avait pas de nourriture, pas d’eau, pas d’oxygène », a raconté Gabriel Akoulong, un migrant camerounais de 24 ans à l’agence de presse AP.
« Quand on nous a arrêtés, la police nous a dit que c’était pour nous renvoyer dans nos pays d’origine. Mais c’était faux. Une fois en prison, les gardiens ont demandé 3500 dinars aux hommes pour les libérer et 5000 dinars aux femmes », assure à InfoMigrants Salif, depuis Tripoli. D’après l’exilé guinéen, « toutes ces arrestations ont un seul but : extorquer de l’argent aux étrangers ».
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« Dans le centre de détention d’Al-Mabani, les hangars et les cellules étaient tellement surpeuplés que les hommes étaient obligés de rester debout. À l’extérieur des cellules, des centaines de femmes et d’enfants étaient détenus en plein air », affirme de son côté Médecins sans frontières (MSF) dans un communiqué. Avant la fusillade de ce vendredi, des équipes de l’ONG avaient déjà été témoins de « deux tirs d’armes lourdes à très courte distance » et du « passage à tabac d’un groupe d’hommes, qui ont ensuite été forcés à monter dans des véhicules et conduits vers une destination inconnue ».
Des besoins médicaux « très importants »
Le 15 septembre dernier, MSF avait repris ses activités dans les prisons libyennes d’Al-Mabani, d’Abu Salim et de Shara Zawiya à Tripoli, après trois mois de suspension. L’ONG avait obtenu des garanties de la part des autorités libyennes, rassemblées dans un accord. Il avait été entendu, par exemple, que l’usage de la violence contre les personnes détenues serait prohibé et que la sécurité des équipes MSF serait assurée.
« Au vu des derniers raids et des conditions de détention observées ces derniers jours, cet accord a été clairement violé, déplore Ellen van der Velden, à la tête des opérations de MSF en Libye à InfoMigrants. Mais nous ne suspendons pas nos activités. Les besoins médicaux des détenus sont trop importants ».
Lors de son retour dans les centres de détention en septembre, les médecins de MSF ont examiné et traité 404 patients, dont 30 enfants de moins de 15 ans, souffrant principalement de maladies de la peau, de troubles gastro-intestinaux et d’infections des voies respiratoires supérieures, et de pathologies associées aux mauvaises conditions dans lesquelles ils sont détenus. Vingt-huit personnes avaient par ailleurs été transférées en urgence dans des cliniques soutenues par l’association.
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D’après la responsable de l’ONG, qui n’est pas retournée à Al-Mabani depuis vendredi, il resterait encore « 200 personnes détenues dans la prison ». « Des femmes et des enfants pour la plupart », les vidéos de l’évasion montrant « en grande majorité, des hommes », conclut-elle. Selon l’OIM, près de 10 000 hommes, femmes et enfants sont encore enfermés dans les prisons libyennes, au péril de leur vie et dans des conditions déplorables.
Sources : https://www.infomigrants.net/