Andrea Costa, président de l’association italienne Baobab Expérience, et deux autres employés, ont été acquittés mardi par un tribunal de Rome. Ils étaient accusés d’aide à l’immigration illégale et risquaient entre six ans et demi et 18 ans de prison. La section italienne d’Amnesty International s’est réjouie de la décision de justice mais a dénoncé une logique de « criminalisation de la solidarité » en vigueur dans le pays.
Soulagement pour les ONG et leurs soutiens. Mardi 3 mai, un tribunal de Rome a innocenté le président de l’association Baobab Expérience, Andrea Costa, et deux autres salariés. Accusés d’aide à l’immigration illégale, ils risquaient des peines allant de six ans et demi à 18 ans de prison.
Retour sur les faits. Baobab Expérience, basée à Rome, propose depuis 2005 un soutien aux migrants en transit dans la capitale italienne. En 2016, alors sur écoute téléphonique, Andrea Costa évoque neuf migrants, huit Soudanais et un Tchadien, qui « souhaitent rejoindre le camp de la Croix-Rouge à Vintimille », à la frontière avec la France.
Les humanitaires, « comme dans des milliers d’autres circonstances » selon l’association, donnent de l’argent aux neuf migrants pour acheter des billets de train ou de bus afin qu’ils rejoignent la ville frontalière. Le responsable et les deux salariés étaient donc jugés six ans après les faits pour avoir collecté de l’argent servant à payer le voyage de ces jeunes.
« Si Andrea Costa est coupable, alors nous le sommes tous »
À l’issue de son acquittement, le président de l’association s’est dit « satisfait ». « Ces dernières années ont été difficiles, même si je savais que j’avais agi correctement », a réagi Andrea Costa. « Je recommencerai. Nous continuerons d’aider les personnes dans le besoin, comme cela se produit pour les réfugiés arrivant d’Ukraine », a-t-il ajouté, faisant allusion à la différence de traitement en Europe des déplacés ukrainiens et des autres nationalités.
« Criminalisation de la solidarité »
Depuis plusieurs années en effet, l’Italie – et d’autres pays européens – intentent des procès contre des humanitaires et poursuivent en justice des ONG qui portent secours aux migrants en Méditerranée.
La capitaine du Sea Watch 3, Carola Rackete, est emblématique de cette « criminalisation » dénoncée à maintes reprises par les associations. Celle qui est devenue une icône de la défense des droits des exilés a été poursuivie pour avoir forcé en juin 2019 l’entrée dans le port de Lampedusa avec 42 migrants secourus au large de la Libye. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Matteo Salvini, avait refusé de laisser accoster le navire humanitaire dans le cadre de sa politique des ports fermés.
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Ce n’est qu’en fin d’année dernière qu’un tribunal sicilien a finalement abandonné les poursuites contre Carola Rackete.
Une autre affaire a fait les gros titres en Italie ces dernières années. Le maire de Riace, en Calabre, Domenico Lucano, a été condamné en septembre dernier à plus de 13 ans de prison pour incitation à l’immigration clandestine. L’ancien édile, connu sous le nom de « Mimmo », était accusé notamment d’avoir organisé des mariages de convenance pour aider des femmes déboutées du droit d’asile à rester en Italie.
Sa condamnation avait provoqué une onde de choc en Italie. Une telle peine, presque le double des sept ans et 11 mois demandés par les procureurs, est en général réservée aux membres de la mafia sicilienne ou aux grands criminels. En attendant son appel, Domenico Lucano est assigné à résidence.