La justice déboute six migrants qui voulaient faire reconnaître l’illégalité d’expulsions de camps à Grande-Synthe
Six migrants avaient demandé à la justice de reconnaître l’illégalité du démantèlement de deux camps à Grande-Synthe, dans le nord de la France, en octobre 2021. Les plaignants réclamaient réparation à la ville pour le préjudice moral et matériel subi. La tribunal de Dunkerque a jugé leur requête irrecevable.
Le tribunal de Dunkerque a jugé irrecevable la requête de six migrants qui voulaient faire reconnaître l’illégalité de l’exécution de deux expulsions de camps d’exilés à Grande-Synthe, dans le nord de la France. Et qui souhaitaient également être indemnisés.
Les plaignants, des Kurdes iraniens, soutenus par des associations, souhaitaient obtenir l’annulation des procès-verbaux (PV) pour les expulsions des 13 et 26 octobre 2021, ordonnées par le tribunal de Dunkerque.
Les campements visés étaient installés sur des terrains appartenant à la mairie, où se concentraient environ 1 000 personnes. Les plaignants ne contestaient pas la décision d’expulsion mais ses conditions d’exécution, dénonçant l’absence de signification des PV d’expulsion aux occupants, d’établissement d’un inventaire des biens présents, de sommation de les récupérer, ainsi que leur destruction immédiate.
S’agissant de ce dernier point, ils demandaient chacun à la commune 1 500 euros pour leur préjudice moral et matériel, notamment pour l’enlèvement de leurs tentes et la disparition de leurs affaires.
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La commune de Grande-Synthe, via son avocate Me Justine Roels avait pointé lors de l’audience le 10 mai « les conditions matérielles extrêmement difficiles » dans lesquelles se déroulent ces expulsions, sur des « terrains ouverts », où les personnes vont et viennent. Elle avait estimé que les requérants ne fournissaient pas la preuve de leur présence et que « les objets qui restent (à l’issue de l’expulsion) sont des objets abandonnés et sans valeur marchande ».
« Tentes lacérées et biens détruits »
Or, les témoignages des associations et des exilés du Calaisis avaient décrit un tout autre procédé. D’après une membre de Human Rights Observers (HRO), « les 13 et 26 octobre, le convoi de police a débarqué sans prévenir, et a fait en sorte que les personnes installées s’éloignent de leurs affaires. Les tentes ont été lacérées, et leurs biens détruits […] »
« Les équipes de nettoyage ont pris sous mes yeux cinq tentes avec à l’intérieur de celles-ci des affaires personnelles. Plusieurs personnes sont venues me voir en expliquant s’être fait prendre tous leurs biens », avait retracé de son côté Anna Richel, coordinatrice d’Utopia 56, dans un communiqué.
Dans son délibéré rendu mardi, le tribunal juge l’action des six migrants irrecevable par « défaut d’intérêt à agir », invoquant « l’absence d’élément permettant d’établir » que les requérants « ont fait l’objet des expulsions » concernées. « Ni la qualité d’occupant (…) ni même la présence sur les lieux lors des opérations » d’expulsion « ou antérieurement à celles-ci ne sont confortées par aucun élément du dossier », relève le tribunal.
L’avocat des migrants, Jérôme Giusti, a mis en cause un « dysfonctionnement de la justice » dans cette affaire. « Dès le début, l’huissier n’a pas cherché à identifier les personnes » visées par les expulsions, ce qui a abouti à « placer mes clients hors-droit », a-t-il déploré auprès l’AFP.
Pour l’avenir, « nous allons tenter de contraindre l’huissier à identifier les personnes » visées par les expulsions, a-t-il ajouté, indiquant ignorer dans l’immédiat si ses clients entendaient faire appel.
Les démantèlements de camps informels sont courants sur le littoral nord, surtout à Calais. Ils ont lieu tous les 48 heures environ. Selon Human Rights Observers (HRO), au moins 61 expulsions ont eu lieu à Grande-Synthe en 2021, et 25 depuis le début de l’année 2022.
Source : http://www.infomigrants.net