Face à l’augmentation des demandeurs d’asile sur son territoire, l’Autriche se barricade : à l’est, où les patrouilles policières ont été renforcées à la frontière avec la Slovaquie, comme à l’ouest, via un plan d’action commun avec la Suisse.
À quelques jours des élections présidentielles, l’Autriche hausse le ton sur l’immigration. Mercredi, le gouvernement a annoncé le rétablissement des contrôles à sa frontière avec la Slovaquie, à l’est. La décision a été mise en application le soir-même, à minuit, « pour au moins dix jours », a indiqué le ministre de l’Intérieur Gerhard Karner devant la presse à Vienne.
D’après lui, onze points de passage vont être mis en place, quelques jours après le renforcement de contrôles similaires aux frontières avec la Hongrie et la Slovénie.
« Nous devons être plus rapides que la mafia des passeurs. C’est une mesure nécessaire », s’est défendu le ministre, également motivée par « une augmentation des passages de clandestins ». D’après le responsable conservateur, ces flux auraient poussé le système d’asile autrichien « à ses limites ».
Une forte et soudaine augmentation du nombre de ressortissants indiens, rarement éligibles à l’asile, a été constatée ces derniers mois, outre l’arrivée de demandeurs afghans et syriens. L’Autriche, qui compte 9 millions d’habitants, a enregistré de janvier à août 2022 56 000 demandes d’asile, soit plus que pour l’ensemble de l’année 2021. Mais ces chiffres sont encore loin de ceux atteints en 2015, lorsque près de 90 000 personnes avaient demandé une protection dans le pays.
Des contrôles controversés
Si Vienne s’efforce de rendre difficilement franchissable sa frontière est, de l’autre côté du pays également, les contrôles s’intensifient. Mercredi, le gouvernement a signé un plan d’action avec la Suisse. Celui-ci prévoit, outre une collaboration bilatérale plus étroite, un renforcement des interventions de la police des frontières, et un engagement des deux pays pour des procédures de retour effectives. Des patrouilles communes seront également déployées dans le trafic ferroviaire transfrontalier, indique l’agence de presse suisse ATS.
La mise en œuvre de ce plan d’action sera évaluée à la fin de l’année par les deux États.
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Dans un rapport publié en mai dernier, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, s’inquiétait « des allégations crédibles de refoulements » aux frontières autrichiennes. Dans son document, la Commissaire exhortait « les autorités à veiller à ce que toute allégation de refoulement et de mauvais traitements par des membres des forces de sécurité […] fasse l’objet d’une enquête indépendante et effective ». Elle appelait également « à mettre fin à ces pratiques ».
Fin avril, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait pour sa part rappelé l’illégalité des contrôles introduits depuis 2015 par certains États membres comme, justement, l’Autriche, rappelant qu’ils ne devaient pas dépasser une durée de six mois. Ces contrôles sont justifiés, selon les pays qui les mettent en place et en fonction du contexte, par la lutte contre le trafic d’êtres humains, la menace terroriste ou encore la pandémie de coronavirus.
La route des Balkans, « la plus active de l’UE »
Malgré les remontrances européennes, cette politique continue de s’appliquer un peu partout sur le continent. Mardi, la République tchèque a annoncée reprendre les contrôles pendant au moins dix jours à sa frontière avec la Slovaquie, pour les mêmes raisons invoquées par l’Autriche. « Nous avons interpellé plus de 12 000 migrants illégaux cette année, soit quatre fois plus qu’en 2015 », a assuré un responsable de la police tchèque à Euronews.
La surveillance plus accrue qui s’applique dans cette zone s’inscrit dans un contexte de recrudescence des passages sur la route des Balkans, qui part du nord de la Grèce pour rejoindre l’Europe de l’Ouest. Selon Frontex, l’agence des frontières de l’espace Schengen, elle est la route migratoire « la plus active dans l’UE, avec 15 900 tentatives de passages en août, soit 141 % de plus que l’année dernière ».
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De concert avec l’Allemagne, la Croatie et la Slovénie, l’Autriche et la Suisse entendent d’ailleurs intervenir auprès de la Commission européenne pour que les États des Balkans occidentaux adaptent leur politique en matière de visas, responsable selon eux de la situation actuelle. Les ressortissants tunisiens et indiens n’ont en effet pas besoin de visas pour entrer en Serbie.
Une pratique « libérale », qu’aimerait enrayer la conseillère fédérale suisse Karin Keller-Sutter. « Mais la Convention de Genève sur les réfugiés sera toujours respectée », a-t-elle souligné à Zurich, mercredi.
Source : http://www.infomigrants.net